vendredi 28 janvier 2005

Aviator : pas de quoi en faire un flan

Petit échange de mails entre deux cinéphiles (fans de Scorcese) à propos du biopic sur Howard Hughes.
[Je pense que le titre est assez clair : ne pas lire si vous comptez aller le voir prochainement]

De : 'Jonathan Koweit'

Le film me laisse une impression de vide assez consternante. D’abord, j’ai fait l’erreur de lire la bio juste avant. Aïe.

Et par rapport à la bio, il y a une énorme différence. Hughes était un obsédé bisexuel profond, ayant des relations avec tout ce qui bouge, et des pointures comme Cary Grant. Le film est complètement expurgé de cet aspect. Mmmmm.

Je trouve aussi que Scorcese ne va pas assez loin dans son personnage. Hughes était une vraie pute, un salaud calculateur, un homme très froid. Or avec Di Caprio, il devient trop romantique à mon goût. Passons.

J’ai trouvé l’aspect reconstitution parfois insupportable. A force de vouloir restituer une époque, le film prend un coté totalement disneyland. La musique d’époque et la voix off des actualités omniprésentes donnent un côté vignette que je déteste. Tu as l’impression que le réalisateur veut te bourrer d’information sur l’époque. C’était vraiment mieux maîtrisé dans Casino (décidemment, quel immense film. Pour moi, le meilleur de Scorcese avec Raging Bull. Beaucoup plus intéressant que les Affranchis).

Et je crois que c’est une vraie erreur d’enchaîner autant de climax. Le film montre trop, trop vite. Du coup, le film a du mal à trouver sa respiration. A peine fini le tournage de Hell's Angels que tu as la Première du film. Scène qui n’apprend d’ailleurs pas grand-chose sur le personnage.

Néanmoins je trouve que certaines scènes touchent au sublime :

- Le survol très romantique de LA avec Hepburn dans ce magnifique hydravion.

- Les deux vols d’essais (et les deux crashs) vraiment exceptionnels. Le premier vol d’essai donne une impression de dynamisme dingue. Je suis complètement dedans.

- La rupture avec Hepburn « remember : you are just an actress ». Là Di Caprio est vraiment bon.

- Toutes les scène d’audience, et le tête à tête avec le sénateur.


Re : 'viktor'

J'aurais pas pu être aussi précis que toi sur Aviator. Globalement mon impression c'est qu'on a un personnage pas du tout intéressant: d'un côté milliardaire qui fait joujou avec des gros navions (tu as remarqué comment l'allusion aux trois pilotes morts durant le tournage de Hell's angels est glissée rapido dans une bande d'actualité avec les autres stats du tournage plus impressionnantes comme les kilomètres de pellicule - petits arrangements avec la réalité à la W...) et de l'autre le gars victime de ses troubles obsessionnels compulsifs. Personnage en deux dimensions quoi: grand enfant mais pauvre petit garçon qui trimbale un vieux trauma depuis son enfance... le scénario hollywoodien de base, indigne des talents rassemblés sur ce film (John Logan du talent ? avant tout un sacré esbrouffeur oui, à commencer par sa compil sur Gladiator. Il s'en est fallu de peu pour qu'on échappe à cette réplique: "Don't call me Howard Hughes, I'm the Aviator").

Comme tu dis le film fait vraiment catalogue de moments forts et à part les scènes correctement nuancées avec Hepburn ou avec le sénateur Brewster c'est du bang-bang dans ta tête.

Perso j'ai pas été subjugué par les scènes d'avion, certainement parce qu'on en a trop tout de suite, mais surtout j'ai trouvé qu'il y avait trop de CGI. C'est indigne de Scorcese de nous proposer, de manière aussi répétitive, les plans de l'avion qui rentre dans la caméra et qu'on voit ressortir de l'autre côté. Putain, c'est des plans de jeu vidéo! Si ils ont pas mieux à nous proposer ben faut arrêter le cinéma, ça rapporte bcp moins.

Ccl : 'JK'

Tu as insisté sur certains points que j'avais oublié de souligner...

1/ scénario de base type jeu vidéo, qui aurait mérité beaucoup plus de noirceur et de respiration (mais je me répète...)

2/ sur les CGI, j'ai fait une indigestion. Tout fait bidon, à part le premier vol d'essai, qui est vraiment (pour moi) impressionnant. A ce moment, on se rapproche un peu de l’étoffe des héros : paysage lunaire, absence de dialogues, surexposition. J’aime !

Par contre, le vol du Hercules, on dirait 10 min de Flight Simulator. Et comme toi, je déteste ces plans foireux aux perspectives impossibles, ou les fameux points de vu de la mouette, ou le réalisateur (je veux dire le geek à lunettes), te fait un travelling avant de 18 kilomètres à travers le pare-brise du Hercules pour terminer sur les sourcils - forcément froncés - de DiCaprio. Argh !

Je suis comme toi consterné que Scorcese ai participé à ce soufflé. Assez ironiquement, c’est avec ce film de commande bâclé et super formel qu’il regagne la confiance des studios comme money maker. Et son prochain film montre qu’il va encore chasser la thune (remake de l’incopiable Infernal affairs – très bon, mais fait pour et par des asiatiques).

Sur Aviator Scorcese ne vaut pas mieux que Edward Zwick et son infâme (mais involontairement hilarant) Last Samurai. Je crois que j’ai tout dit.

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