lundi 24 octobre 2005

Ciné-o-logismes : Final Twist & Happy-end

Le premier final twist, ou "retournement final", date selon moi de l'invention du cinéma par les frères Lumière. Autant au théatre les spectateurs pouvaient applaudir les acteurs "désincarnés" de leur rôle à la fin de la pièce, autant au cinéma ils avaient besoin de se rassurer, de se remettre de leurs émotions en se disant que "c'est du cinéma." Problème de cette méthode Coué : la catharsis n'est pas complète si le film n'inclut pas un côté rassurant après avoir torturé lui-même son public. Il ne s'agit donc pas de jeter un regard méprisant sur les happy-ends (happy-ending en vo) : le cinéma s'est avéré dès ses débuts un médium tellement puissant, tellement impressionant, qu'il fallait trouver un moyen de bien doser la réalité et la fiction, le vraissemblable et le fantastique. "Veuillez laisser ce spectateur dans l'état où vous l'avez trouvé avant la séance" en quelque sorte. Comme quoi tout est question de formulation.

QUELQUES EXEMPLES D'ADAPTATION AU SPECTATEUR

Dans le premier Fantômas (A l'ombre de l'échafaud - 1913) Louis Feuillade a eu l'intelligence de comprendre qu'il ne pouvait pas garder la fin du roman, trop sombre. Juve sauve donc un innocent de la guillotine promise à l'Empereur du crime.
Un peu plus tard la question se posa sur la manière de présenter Le Cabinet du docteur Caligari (1920) au public. Un prologue et un épilogue permettent d'atténuer le choc des audaces visuelles et du récit fantastique.
Bien plus tard William Goldman a eu beaucoup de mal à accepter d'adoucir cette scène clé de Misery (1993) où le romancier se fait trancher les pieds. A l'écran il n'a plus que les chevilles brisées et pourtant visuellement toute la puissance et la violence de la description de Stephen King sont là.

LE RETOURNEMENT FINAL : ECRIS AVEC TES PIEDS AVEC AGATHA CHRISTIE

Aujourd'hui donc le spectateur serait, en théorie, plus difficilement impressionnable. C'est pour ça que la recette éculée d'Agatha Christie, qui consiste à partir d'une révélation finale pour berner le lecteur dans le reste du récit, a fait une entrée en force dans les salles ces dernières années. Usual Suspects, Le 6e Sens, Memento... tous ont bati leur réputation sur une esbrouffe où le spectateur croit sentir son intelligence aiguillonnée parce qu'il a été mené en bateau durant 90 minutes.
Faire diversion avec les mains pour pouvoir écrire une histoire avec les pieds. Night Shyamalan en a même fait son fonds de commerce. Les gens ont été impressionnés une fois et la fois d'après ils sont indulgents (mais de moins en moins). Quand Carnival of Souls (1961, dont on a beaucoup parlé à la sortie du 6e sens) amène sa conclusion il s'agit d'une conclusion logique, pas d'un grand coup de cymbale "regardez comme je suis intelligent, comme je vous ai bien eu. Toi aussi montre que tu es intelligent et montre à tes amis que tu as compris le film." Idem pour Fritz Lang avec La Femme au Portrait (1944) : le final twist/happy-end intervient dans un plan magistral de transition et la fin est chargée d'ironie et d'humour, des notions qui ne font certainement pas partie du langage cinématographique de Shyamalan, Singer ou Nolan.
"On va rentrer et on va s'inventer une petite charade. Et là il sera bien feinté !"

IN CAUDA VENENUM : A PROPOS DE ROALD DAHL

Je lisais récemment des nouvelles de Roald Dahl, plus connu ces jours-ci comme le papa de Charlie et la Chocolaterie que comme l'auteur de pages où l'ironie le dispute au macabre. Bon c'est pas Edgar Poe non plus mais les descriptions des personnages, de leurs actes et motivations valent largement le détour.
Le truc le plus gênant, selon moi, c'est le côté systématique du retournement final. D'une part quand on connait l'auteur on s'y attend un peu et le fait d'appréhender la fin change complètement la lecture et l'on se met à cogiter au lieu de boire les phrases de l'écrivain. Et même s'il l'on découvre Roald Dahl dans une de ses nouvelles qui se terminent non pas en queue de poisson mais en hameçon, la fin arrive comme un coup de cymbales qui nous éjecte de la narration au lieu de nous laisser tout légers, quoiqu'un peu groggy sous cette succession d'images légères convergeant vers l'émotion forte du tableau.
Bien sûr Roald Dahl écrit cent fois mieux que la douairière Agatha Christie mais il y a ce petit côté paresseux "je tourne mon récit de manière à avoir le dernier mot" qu'on ne retrouve jamais chez des écrivains de la classe de Joseph Conrad, par exemple. Ses écrits ne se terminent ni en eau de boudin ni en eau de rose mais laissent une impression forte, une impression achevée par un torrent de mots ambitieux guidés par la même volonté.
"My task which I am trying to achieve is, by the power of the written word, to make you hear, to make you feel - it is, above all, to make you see. That - and no more, and it is everything. If I succeed, you shall find there according to your deserts: encouragement, consolation, fear, charm - all you demand - and, perhaps, also that glimpse of truth for which you have forgotten to ask."

Box-office Pp WE 43

1. LES NOCES FUNEBRES .............. 124 492 = 47 x 530
2. OLIVER TWIST ........................... 84 466 = 49 x 345
3. WALLACE ET GROMIT .................. 77 007 = 50 x 308
4. IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUED ..... 71 737 = 30 x 478
5. LES PARRAINS ........................ 44 714 = 31 x 288
6. LES FRERES GRIMM ................ 40 232 = 42 x 192
7. L'ENFANT .............................. 30 510 = 28 x 218
8. THE DESCENT ......................... 27 518 = 24 x 229
9. CACHE ................................... 21 557 = 28 x 154
10. SAINT JACQUES... LA MECQUE ...... 21 505 = 34 x 127
(source : ciné-chiffres)

vendredi 21 octobre 2005

Infériorités numériques

Dossier dans le Libé du jour sur le cinéma numérique. Tiens, serait-ce le sujet de discussion à la mode dans les dîners en ville ? A défaut de vous rendre intelligents sur le sujet, les articles vous permettront d'y briller et en tout cas de ne pas trop passer pour un attardé. Le numérique c'est aussi le problème des journalistes qui font de l'info "compilation/compression de faits et gestes" pour faire court là où leur métier exigerait approfondissement, hiérarchisation et mise en perspective.
Un dossier à lire donc plus pour réfléchir à l'avenir du journalisme que pour se faire une image nette, non clipée, de l'avenir du cinéma.

Mutation (édito film-annonce des platitudes du dossier)
Les nouveaux business du cinéma (panoramique accéléré)
Le numérique face au cinéma de papa (brassage d'idées générales)
Interview de Michel Gomez ("courage, prenons nos envies pour des réalités")
Photo des investissements télé

mercredi 19 octobre 2005

Choix plétho-numérique (2)

Digital HorizonEn passant par le Satis (salon des technologies de l'image et du son) j'ai eu la confirmation de cette idée attrapée hier à la volée dans un post de John August : le numérique c'est l'invasion de l'informatique à tous les niveaux. Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre le progrès mais il se trouve que l'informatique progresse à une vitesse bien supérieure à celles des autres métiers qui dépendent de ses applications et a fortiori à une vitesse bien supérieure à celle que l'homme peut suivre avec ses petits bras musclés et son gros cerveau qui a besoin de sommeil pour faire de l'acquisition de données.

Il n'y a pas de match analogique/numérique puisque le numérique sera partout d'ici 15 ans (même sur la bande FM ?). Point de vue ciné il n'y a pas de match, mais pas parce que le numérique a gagné d'avance, juste parce qu'on est sur deux logiques totalement différentes. D'un côté la tradition argentique, éprouvée, carrée avec un support toujours plus performant mais justement contraignant ; de l'autre la technologie d'avant-garde qui promet chaque jour une meilleure qualité accessible à un nombre croissant de cinéastes en herbe ou déjà blanchis sous le harnais.

Ma conclusion ? Le cinéma sur pellicule permet de travailler dans un cadre très précis ou chacun est un spécialiste dans son domaine. Avec la généralisation du HD tout le monde se met aux ordres des choix effectués. Le directeur de la photo par exemple n'est plus dans cette optique qu'un conseiller technique pour la lumière du plateau. De plus on a vu hier que le monteur ne devenait plus qu'un exécutant des consignes de montage. Alors est-ce que l'avénement de la HD consacre la victoire de l'auteur-réalisateur comme détenteur de toutes les clés de la création cinématographique ? Ou du producteur-dictateur ? Tout ça fait partie des questions à se poser car suivre la technologie pour la technologie c'est de la fuite en avant, pas du progrès. Si demain les maisons de production ressemblent à de petites SSII avec un chef de projet technique, un chef de projet fonctionnel et une armée d'informaticiens indiens spécialistes de l'image, je ne crois pas que le cinéma y aura gagné.

mardi 18 octobre 2005

Choix plétho-numérique

Réflexions très intéressantes sur le blog du scénariste John August à propos du numérique.

En substance avec le numérique n'importe qui peut faire son film (ok) et se laisser émerveiller par la multitude d'options qui s'offrent à lui sur la table de montage.
August prend l'exemple de films tournés en motion-capture (acteurs couverts de capteurs devant des écrans bleus) par Zemeckis : la question n'est plus de choisir des angles de caméra, des prises etc. puisqu'absolument tout peut être imaginé sur la table de montage. Et pas besoin d'avoir le budget de Zemeckis pour se laisser bercer par les sirènes "du pouvoir absolu" du créateur sur ses images. Avec les capacités de stockage qui augmentent régulièrement un gars qui tourne en numérique va vouloir garder tout ses rushes et en particulier les garder comme options au montage, ce qui
1/enlève beaucoup à l'avantage de rapidité des stations numériques
et surtout 2/c'est "la porte ouverte à toutes les fenêtres" comme dirait Coluche puisque quasiment tout le monde peut donner son avis sur ce qui pourrait être changé et se gêne d'ailleurs de moins en moins.

Les monteurs craignent ainsi de se retrouver dans cette situation bien connue des scénaristes où on les prend pour de simples exécutants qui viennent prendre leurs instructions et doivent se démerder à faire ce qu'ils peuvent en les suivant.

Conclusion :
"Presenting a filmmaker with 100 options isn’t a help, but a hindrance. It means she has to consider 100 possibilities, or devise some system for winnowing them down into categories. That’s creative brainpower she could spend on some other, more important aspect of the film. Worse, the 99 unchosen possibilities will still weigh on her mind. In many ways, she was better off not knowing what she was missing.

Again, I’m a digital guy. But I think one of the best aspects of digital is its binary nature: yes or no, black or white, one or zero. To flourish, I think digital filmmaking needs to embrace some of this discipline.

We shouldn’t use technology simply to push back the decision-making process. Rather than cheering, “Anything is possible!” we should celebrate that “New things are possible.” The groundbreaking movies of the next decade won’t be the ones that use the most technology, but rather the ones that use it most intelligently."
Lire le post original ici

lundi 17 octobre 2005

Box-office Pp WE 42

1. WALLACE ET GROMIT ........ 117 829 = 50 x 471
2. LES FRERES GRIMM ............... 68 973 = 47 x 294
3. THE DESCENT ........................ 41 205 = 24 x 343
4. SAINT JACQUES... LA MECQUE .. 36 039 = 35 x 206
5. CACHE ................................ 30 878 = 29 x 213
6. GOAL ............................... 29 956 = 29 x 207
7. DON'T COME KNOCKING .... 23 980 = 28 x 171
8. QUATRE FRERES .............. 23 879 27 x 177
9. LA MAISON DE NINA ......... 19 325 = 33 x 117
10.IL NE FAUT JURER DE RIEN ! .. 19 033 = 32 x 119
(source : ciné-chiffres)

mercredi 12 octobre 2005

Ciné indé, le peuple aura ta peau

Quelqu'un aurait pu m'avertir pour Broken Flowers. Je veux bien être gentil avec Jarmush mais son film est au même niveau que l'insipide Lost in Translation avec Bill Murray dans le même rôle de chien perdu/battu/blasé.
Si c'est ça du cinéma indépendant autant abdiquer tout de suite et accepter que de moins en moins de gens vont au ciné (oui, c'est pas parce que les accros font chauffer leur carte que la part de la population qui va au ciné cesse de chuter). Ces films sont des caricatures de films qui se veulent profonds : on pose Bill Murray devant la caméra, on lui impose 2-3 activités à subir et hop, on laisse dérouler. Génial. Oui c'est le mot, on encense des gars comme Jarmush ou la fifille Coppolla et eux après ils se croient bons au point qu'ils pourraient faire un plan fixe d'une heure sur une chasse d'eau qui fuit et que ça serait de l'art. Ils n'ont rien à prouver, ils ont été estampillés artistes : leurs défauts expriment la fragilité, leur auto-satisfaction regorge de simplicité, de pureté, leurs grosses ficelles fleurent bon le cinéma à l'état brut.

Bien sûr j'ai certainement tort puisque Broken Flowers comme Lost my Attention ont largement "trouvé leur public." Mais on ne m'empêchera pas de penser que ce public ne fait que suivre un mouvement dans lequel il se croit intelligent, 1/par différenciation et 2/par assimilation à une communauté qui est censé être vraiment cinéphile.
Cinéphile mon cul. Juste content de pouvoir se dire au-dessus de la masse abrutie devant Julie Lescaut ou Navarro. Eh ben pourtant, voyez-vous, ces derniers sont beaucoup plus honnêtes avec eux-mêmes et peut-être même moins victimes marketing. D'ailleurs ils ne demanderaient pas mieux que d'aller au cinéma un fois de temps en temps voir des films intéressants.

lundi 10 octobre 2005

Also Sprach Fritz -- Art & Vanité (3)

Lorsque je réalisais M j'étais contre la peine capitale (je le suis encore). Mais je n'ai jamais pensé que ce film puisse réellement aider à l'abolir. Un cinéaste peut seulement montrer certaines choses. Réalisant Fury je n'escomptais pas que le lynchage puisse disparaitre immédiatement. Je ne peux qu'indiquer quelque chose du doigt, je ne suis pas faiseur de miracle, ni politicien. Je pense : ceci est mal et je le montre pour que les gens le sachent. Lorsque je montre ce qu'il est possible de montrer dans des films policiers c'est un apport critique sur des choses existantes. Mais je ne propose aucune recette pour stopper ce que je critique car ce n'est pas mon affaire.
Je pense que les gens surestiment le pouvoir d'un metteur en scène. Le film est d'abord un travail d'équipe mais il est vrai que le réalisateur contrôle certaines choses. Laissez-moi vous raconter une histoire. Lorsque Fury fut terminé, le producteur, sortant d'une projection, me convoqua dans son bureau et, furieux, m'accusa d'avoir changé le script. Je lui répondis : "Comment pourrais-je avoir modifié le script lorsque je parle à peine l'anglais ?" Il relut le script et reconnut : "Sapristi, vous avez raison, mais il parait différent sur l'écran."

Box-office Pp WE 41

1. LES FRERES GRIMM ..... 122 367 = 48 x 510
2. CACHE ......................... 54 485 = 29 x 376
3. QUATRE FRERES .............. 40 736 = 32 x 255
4. IL NE FAUT JURER DE RIEN ! .. 31 038 = 38 x 163
5. COLLISION .................. 22 204 = 27 x 164
6. LES AMES GRISES ........... 20 140 = 40 x 101
7. MA SORCIERE BIEN-AIMEE 18 169 = 30 x 121
8. GABRIELLE ................... 16 902 = 21 x 161
9. ENTRE SES MAINS ......... 16 730 = 34 x 98
10 BROKEN FLOWERS ........ 16 441 = 24 x 137
(source : ciné-chiffres)

samedi 8 octobre 2005

Tellement propre que l'on peut se voir dedans

Pour imiter Europa Corp qui fait voter les abonnés à sa newsletter pour les affiches de ses films "difficiles" (un film difficile chez Europa Corp. c'est un film dont Besson ne revendique pas d'avoir écrit le scénar entre 5h du mat et midi) voici un petit sondage pour la plus belle image :

lundi 3 octobre 2005

Box-office Pp WE 40

1. IL NE FAUT JURER DE RIEN ! ..... 72 177 = 38 x 380
2. LES AMES GRISES ................... 44 742 = 40 x 224
3. REVOLVER .......................... 42 611 = 35 x 243
4. MA SORCIERE BIEN-AIMEE ...... 42 578 = 38 x 224
5. COLLISION ...................... 38 681 = 29 x 267
6. GABRIELLE .................... 36 552 = 22 x 332
7. NIGHT WATCH ............. 32 619 = 26 x 251
8. ENTRE SES MAINS ........ 32 209 = 39 x 165
9. BROKEN FLOWERS ..... 26 965 = 30 x 180
10 RIZE .................... 22 523 = 25 x 180

(source : ciné-chiffres)