vendredi 13 décembre 2013

La Grande Disette du Cinéma Français, premier bilan

Voilà, on arrive aux fêtes de fin d'année traditionnellement plus propices aux blockbusters familiaux et grand public. Le Hobbit, épisode 2 et le Disney de Noël sont en place et il ne restera éventuellement qu'un petit créneau pour Belle et Sébastien. A part ça Guillaume Galienne a permis au cinéma hexagonal de reprendre un peu de couleur : Les Garçons et Guillaume, à table ! devient le 6ème film français de l'année à majorer le box-office. Au total à 49 semaines/52 en 2013 seuls 7 classements ont été dominés par un film bien de chez nous. Serais-je le seul à y voir un léger problème ? Au risque d'être lourd je rappellerai que le marché français est ultra-protégé, les films locaux subventionnés par un système très pervers pour la prétendue qualité de notre exception culturelle.


J'en arrive à un n-ième bide parmi tous les bides, forcément passés inaperçus du grand public au milieu des films qui ont réussi à se faire une place. Il y a eu le bide de Jeunet (Amélie Spivet ?)qui, de l'aveu général, doit beaucoup à une campagne de promotion inexistante (ou alors vraiment très mal calibrée), dans la catégorie grosse production. Il y a eu aussi dans cette même période récente le bide du projet raccro présomptueux avec Le coeurs des hommes 3. Mais je voulais parler d'un bide intermédiaire, un bide sur une idée originale* mais avec un réalisateur dont on se demande comment il fait encore des films.

samedi 2 novembre 2013

Série d'ici : Tunnel


L'an dernier j'ai été intrigué - vite fait - par la série Kaboul Kitchen, grâce à sa promo. Canal+ a encore eu une bonne idée pour promouvoir sa dernière série, Tunnel : proposer à ses abonnés newsletter de visionner le pilote en intégralité (enfin on ne dit plus pilote maintenant que les séries font l'objet d'une commande ferme pour leur première saison).

www.canalplus.fr/c-series/pid6558-c-tunnel.html‎


Bien joué, je me suis laissé tenter malgré mes a prioris négatifs contre la création audiovisuelle française. Les premières images sont d'ailleurs très classes, et les plans aériens dans l'épisode sont de manière générale très beaux et dégagent une atmosphère particulière, à la fois oppressante et fantastique, propice à établir l'ambiance de la série.

Et puis voilà, ça ne dure pas longtemps, on arrive tout de suite dans le cliché de série policière lambda : au tout début de l'épisode un corps est trouvé, dans un tunnel de service du tunnel sous la Manche. Honnêtement je reste dans le truc (je ne suis pas un maniaque à l'affut du moindre défaut de conception) mais il faut avouer que la mise en scène est super plan-plan. Non, là où je cesse d'espérer une série française inventive et ambitieuse c'est juste après, quand il s'avère que le corps est positionné pile poil à cheval sur la frontière.

vendredi 20 septembre 2013

La Grande Disette du Cinéma Français

Ça fait un moment que le cinéma français ne produit rien d'enthousiasmant. Les faibles performances de cet été (avec le fameux top 10 100% US du 13 août dernier) ne cachent même pas un succès de fond sur la niche du cinéma d'auteur. Oui les boites de production françaises tournent en rond et c'est un effet pervers du compte de soutient et de l'avance sur recettes de notre Très Grande et Très Glorieuse Exception Culturelle.

Printemps du Cinéma, Fête du Cinéma, et encore Rentrée du Cinéma relancée cette année : rien n'y fait, la Grande Disette du cinéma français dure depuis près de 6 mois - 6 mois qu'aucun film français n'a atteint la première place du box-office. C'est dire que les opérations marketing de soutien conjoncturel sont aussi peu efficaces que les aides structurelles cloisonnent la profession dans l'auto-satisfaction.

Cette Rentrée du Cinéma justement. Qui en a entendu parler ? A priori seuls ceux qui ont vu la bande-annonce réalisée par Olivier Mégaton (méga-réal d'ailleurs...) en allant au cinéma les semaines précédentes. On claque un budget de film publicitaire pour toucher une population qui va déjà au cinéma (et en ces périodes creuses, quelle proportion possède une carte d'abonnement qui les fera justement fuir ces événements ?).

Un cinéma de plus en plus petit face aux séries

OK, on ne peut pas dire que le cinéma aide à avoir le sens des réalités. Ça fait rêver les gens d'un côté, et de l'autre les "professionnels" se prennent pour autre chose que des professionnels : des demi-dieux, ou au moins d'ardents "défenseurs de la culture". Les spectateurs eux sont beaucoup plus captivés par les séries TV, tout simplement parce qu'elles sont plus créatives (les remakes de "V" et du "Prisonnier" n'en sont que de piètres échantillon qui ont vite disparu), et il faut reconnaitre qu'elles ne prétendent pas nous vendre des effets spéciaux 3D en gros.

Malgré la prétention du cinéma français on ne peut pas dire que notre production cocorico nationale soit un modèle de créativité. Même les séries françaises font meilleure figure que les derniers films "majeurs" du terroir. Les séries s'accommodent très bien du téléchargement gratuit qui leur permet de recruter de nouveaux fans et donc de nouveaux clients. Hé oui M. Nicolas Seydoux et consorts, c'est un vrai business model que d'accepter d'être "piraté" par 1 million de personnes pour que 50 000 achètent vos DVD. Oui, c'est dur d'accepter qu'un mauvais film téléchargé ne suscitera que peu de recommandations et peu d'achats (personnels et pour offrir) là où une série bien pensée et bien écrite va captiver un public sur la durée même si les 3/4 l'ont découverte en téléchargement ou en streaming gratuit.

Business model ET créativité sclérosés par la dépendance aux aides de la sacro-sainte exception culturelle (parlons un peu des profiteurs du système à grande échelle qui prennent sans rien produire de constructif derrière), je ne vois pas trop par où le cinéma français va se réinventer. Les politiques ne veulent pas risquer de se mettre à dos des gens qu'ils côtoient régulièrement (tout ce beau monde se convainquant mutuellement d'appartenir à une élite) et les esprits plus créatifs du secteur sont forcément attirés par des formes plus stimulantes (et plus lucratives) pour eux comme les séries.

Ah, au fait, le film retenu par le microcosme pour représenter la France dans le panel de l'Oscar du Meilleur Film en Langue Etrangère est Renoir. Vous en avez probablement peu entendu parler, mais voilà encore une fois qui est emblématique de décisions "politiques" où le serpent se mort la queue : on choisit le film qui correspond le mieux à ce qu'apprécient les votants (dans ce cas précis, les journalistes ciné à LA) et donc emblématique de l'idée qu'il se font d'une qualité française.
Ceci dit comment déterminer le meilleur film français sur cet horizon désespérément plat ?

lundi 16 septembre 2013

Histoire d'adaptation : Un Idiot à Paris

J'aime bien Audiard, mais Un Idiot à Paris ne pouvait être qu'un mauvais film. Franchement, je veux bien avoir l'esprit ouvert mais Jean Lefebvre en personnage principal d'un film sur grand écran, ça ressemble à une (très) mauvaise blague ou une encore plus mauvaise erreur de casting.

Finalement je suis tombé sur le livre de René Fallet il y a quelques mois et après l'avoir lu je me suis dit que je pourrais avoir la curiosité intellectuelle de voir ce qu'ils en ont fait au cinéma. Pour être tout à fait honnête l'argument "curiosité intellectuelle" seul ne tenait pas. Il se trouve qu'en découvrant l'an dernier l'excellent documentaire Michel Audiard et le triangles des Bermudes, j'ai pu voir trois extraits du film qui illustraient justement très bien le style et les thèmes du dialoguiste star.

Un des extraits était tout simplement la première scène d'André Pousse au cinéma. La présentation de la scène par André Pousse lui-même dans le documentaire est plus convaincante que la scène elle-même où le débutant parait laissé à lui-même par le réalisateur (il faut avouer qu'avoir un monologue comme première scène quand on n'est pas acteur c'est pas un cadeau).

Un autre extrait nous montrait la délicieuse Dany Carel en discussion avec une copine de turbin, dans une envolée classique chez Audiard sur le métier de péripapéticienne qui n'est plus ce qu'il était (cf. Bernard Blier sur la nostalgie des anciens tenanciers de maisons closes dans Le Cave se Rebiffe et les Bons Vivants ; le rapport de gestion de Mme Maude dans les Tontons Flingueurs - c'est d'ailleurs la même actrice qui joue la femme de Blier dans les Bons Vivants).

Un dernier extrait reprenait une pensée fulgurante d'Audiard, cette fois dans la bouche de Robert Dalban, toujours aussi mauvais acteur que Jean Lefebvre (ce qui est criant quand il arrive dans un second rôle, même bref, comme dans le Pacha) mais parfait en personnage loufoque de complément (cf. les deux, évidemment, dans les Tontons). Pas la peine d'écouter le gars sortir la réplique pour en profiter pleinement d'ailleurs :
Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistro, c'est te dire si dans ma vie j'ai entendu des conneries, mais des comme ça jamais.
Truc amusant, la tirade est drôle tirée de son contexte comme un petit bijou d'Audiard, mais elle est loin d'être exploitée au maximum de son ressort comique dans le film puisqu'elle arrive en chute de quelque chose de très mal amené. Ce qui est finalement le problème général du film : des répliques d'Audiard pur jus, qui ne sont pas à leur place dans la narration et desservent plutôt le propos.

On trouve justement sur Youtube deux autres exemples très révélateurs de ce qu'est l'adaptation d'Un Idiot à Paris. Tout d'abord un n-ième monologue magistral de Blier estampillé Audiard, et celui-ci a obtenu une aura spéciale par son commentaire social, chose rare chez Audiard qui évite d'ordinaire les sujets politiques par une pirouette anarchiste (ce qui est finalement le cas ici dans la mesure où l'action renvoie dos à dos patron implacable et ouvriers dociles).

Audiard y résume bien le personnage de Monsieur Dessertine, mais face à un excellent acteur comme Blier, avec en plus du Audiard à becqueter, comment faire exister un idiot du village, qui ne peut sortir les mêmes tirades, et de surcroît joué par une serpillère comme Jean Lefebvre ?

mardi 3 septembre 2013

Le cinéma français à la niche

Le cinéma français se porte toujours aussi mal depuis le fameux top 10 100% US (semaine 32 du 7 au 13 août 2013). La sortie de Jeune & Jolie, 7ème au box-office et seul film français du top15, a contribué à un rebond de la part de marché des productions de chez nous de 9% à 11,66% !

Ozon justement, la critique attend ses films. C'est un "auteur" comme on dit chez nous depuis la Nouvelle Vaguelette, mais vous me permettrez de ne pas écrire auteur avec un grand A tellement je trouve ce mot prétentieux (pour celui qui le revendique) et pédant (pour le non moins auto-proclamé connaisseur qui semble invoquer ainsi un talent divin, donc incontestable). Ozon tente un sujet "dans l'air du temps" : les ados de la "génération Facebook", plus un angle "osé" avec la pornographie.

Un analyste des médias semble découvrir à cette occasion une attirance croissante du cinéma "mainstream" pour ce sujet précis. Mais il faut voir que déjà le fantasme du porno de qualité date de l'explosion du X. A l'époque certains se sont montés le bourrichon à y croire comme un nouveau genre à part entière. La fiscalité puis la VHS aidant, c'est resté un simple segment du marché. Le fond c'est l'hypocrisie d'un porno "plus présentable" alors que concrètement il y a toujours cette barrière.
Mais les "artistes", au delà de la vieille prétention de faire du porno artistique (cf. par ex. les expérimentations de Marc Caro et Gaspar Noé) se targuent de faire tomber cette barrière dans le sens faire un film (non-X) avec un fort contexte/contenu porno. C'est autant un avouable défi qui flatte leur ego qu'une basse tentation de mettre les pieds dans la polémique pour faire parler d'eux, leur "courage", leur "vision tranchante de la société contemporaine" blablabla.

samedi 17 août 2013

13 août 2013, Exception Fatale

Que c'est-il passé le 13 août dernier ? Le box-office français a clos une semaine avec 10 films américains dans le top 10. Oui, pas un seul film français dans les 10 meilleures entrées en salles entre le 7 et le 13 août. Ça n'a l'air de pas grand chose mais ça n'était jamais arrivé. Le précédent record, d'après Davy de Cine-directors.net, remontait à 2000 avec 8 films américains en tête.

Alors certes le mois d'août n'est pas très favorable, et on a pu ponctuellement avoir ce genre de cas extrême se présenter au cours des 30 dernières années. Mais les circonstances aggravantes sont là : depuis 2000 aucune situation aussi critique. Pas de film français qui surnage sur une stratégie de sortie au cœur de l'été, 10 films américains. Oui, parce qu'il n'y a pas non plus un film chinois ou scandinave ou anglais... qui se positionne dans le tas. Et pour couronner le tout la semaine suivante (14-21 août) s'annonce aussi mauvaise pour le cinéma français avec toujours aucun film français dans le top 10 (9 films américains en tête suivis d'un film Sud-africain)*. L'addition est très sévère et risque donc de s'alourdir puisque déjà, sur les 2 semaines écoulées (31-32), la part de marché du cinéma français plafonne à 9%.

D'INTOUCHABLES A INSAISISSABLES

Davy revient d'ailleurs en détail sur l'année de résultats médiocres voire franchement minables pour le cinéma français. Certains osent dire que le coup de gueule de Vincent Maraval a porté préjudice au cinéma français. La bonne blague... La vérité c'est qu'il y a 18 mois Intouchables était l'arbre qui cachait la forêt de l'indigence de l'offre cinématographique française, bien calée sur ses prétentions d'exception culturelle. L'ironie c'est que le 13 août c'est un réalisateur français, rodé dans les écuries Besson, qui mène la danse avec Insaisissables (Now You See Me en v.o.), un gros film d'action avec une approche originale. Au passage notons que gros film d'action c'est le rayon Besson qui clame son attachement à la France tout en y produisant des films pas vraiment exceptionnels ni franchement culturels.

lundi 22 avril 2013

Marketing négatif, et avec des grosses bottes

Il y a des films, bons ou corrects, qui se plantent à cause du marketing. Soit on n'a rien fait pour amorcer la pompe (et à l'époque des réseaux sociaux c'est assez pitoyable) soit on s'est complètement planté dans l'approche. Là on peut donc parler de marketing négatif parce que même si on peut traiter de nuls ses responsables, l'effet n'est malheureusement pas neutre. On n'a pas deux fois l'occasion de faire une bonne impression, donc le film qui est marketé "à côté de ses bobines" se retrouve victime d'un préjudice organisé et qui en plus fait parti du budget de promotion !

Bon c'est pas pour autant qu'il vaut mieux, dans le doute, s'abstenir d'organiser la promotion. Ce cas de figure arrive quand un distributeur ne sait pas trop quoi faire d'un film qui n'a pas de "leverage" international à part éventuellement un ou deux acteurs connus. Au moins quand on fait une sortie technique on ne cherche pas à mentir au spectateur potentiel.

Entre les films sur la Seconde Guerre Mondiale et ceux sur l'Holocauste, j'en ai un peu ma claque. Pas besoin de le dire plus fort, il me suffit d'éviter ces films : c'est bien ce que fait le public quand il se lasse d'un genre, d'une franchise, etc. En revanche je ne peux pas trop échapper aux affiches qui mettent des grosses croix gammées pour attirer le chaland "Achtung! fenez foir, gross film sur événement essentiel de l'Histoire avec ein grand H comme dans..."

Franchement, ça s'adresse au public intéressé par un film sur un sujet aussi profond que la controverse sur la banalité du mal ? Quelle affiche dégueulasse. Même si on enlève le drapeau nazi c'est une affiche laide, creuse... bien la preuve que le premier plan n'était qu'un prétexte pour habiller la jolie bannière à svastika. Je ne sais pas qui est responsable de ce choix chez Sophie Dulac mais c'est lamentable. On distribue des films "intellectuels", on bénéficie de subventions du label 'art et essai' puis on essaie d'attraper son public avec des techniques publicitaires de lessiviers.

Je n'irai pas voir ce film au cinéma, même si le sujet m'intéresse beaucoup et qu'il a l'air de qualité. J'attendrais qu'il soit disponible en DVD avec une jaquette qui ressemble plus à l'affiche originale :


lundi 8 avril 2013

First Reel Contact

Des films qui démarrent sans perdre de temps il y en a (heureusement) beaucoup. Le contrat avec le spectateur est de ne pas l'assommer avec une introduction (ou pire un prologue), ce que l'on appelle "l'exposition" des enjeux, des conflits... et surtout la présentation des personnages qui doivent au moins éveiller notre curiosité s'ils ne suscitent pas l'identification à un certain degré.

En revanche des films qui arrivent à gérer cette exposition dans le générique de début ils sont rares et là on est forcé de dire chapeau !
J'en ai deux qui me viennent à l'esprit parce qu'ils m'ont justement marqué sur ce point, et leur dénominateur commun est un compositeur qui a su capter l'essence du film.

Shaft (1971), oui le Shaft original bien-sûr, pas le remake mollasson où Richard Roundtree fait juste une apparition.
Bon c'est à peine de la triche parce que le tube de Isaac Hayes a des paroles, donc le réalisateur n'a plus qu'à nous montrer le fameux lascar marcher avec assurance dans les rues de New York.
Bilan : cinq minutes de générique qui nous mettent dans le film sans qu'on ait besoin d'autre chose. Parfait.

Le syndrome de Stendhal (la Sindrome di Stendhal - 1996) : un film de Dario Argento parmi d'autres, je ne le conseille même pas (les fans l'on certainement déjà vu) mais le réalisateur y retrouve Ennio Moriconne (compositeur sur son premier film, L'oiseau au plumage de cristal en 1970) et le maestro nous pond le morceau qu'il faut pour que le spectateur 1/comprenne dans le générique ce qu'est le syndrome de Stendhal 2/soit plongé dans l'ambiance et 3/ soit intrigué par le personnage principal (Asia Argento).
Huit minutes pas perdues du tout puisque ce sont les plus intéressantes et efficaces du film (avec d'autres intégrant des œuvres d'art). Un coup de maître vraiment, même si le reste du film est sans intérêt pour ceux qui ont déjà vu ces histoires gore de tueur en série vicelard : L'oiseau au plumage de Cristal ou Rouge Profond (Profondo Rosso - 1975) font amplement l'affaire. Soit dit en passant, je trouve que dans ce dernier la musique de Goblin détruit au contraire l'ambiance.

PS je souligne l'importance de la musique pour nous plonger efficacement au cœur de l'action sans perdre de temps en palabres, mais bien sûr il faut en premier lieu féliciter les réalisateurs (ou autres dans l'équipe) qui ont imaginé un condensé de sens pour ne pas perdre une minute.

samedi 30 mars 2013

Intellectualisme et pédantisme sont les deux sphincters du cinéma

J'ai toujours détesté les analyses à la "mors-moi l'noeud" - disons capillotractées pour rester dans le ton - que ce soit en littérature ou en cinéma. On a en France une déplorable approche de la culture, engoncée dans la mode du structuralisme, qui permet à chacun de paraphraser des œuvres sans trop se préoccuper de les comprendre, mais surtout en leur faisant dire tout et n'importe quoi qui aura l'air vaguement cohérent avec ce que l'on sait de l'auteur, de sa vie, son époque et s'il écrivait plutôt en robe de chambre le matin ou en perruque poudrée le soir.

Le pédantisme, c'est étymologiquement l'art d'enseigner, faire œuvre de pédagogie. Le sens n'est aujourd'hui que péjoratif pour parler de cette tendance à étaler sa culture à tout bout de champ. Le pédant donne dans le concours de bite : c'est à celui qui montrera qu'il en sait le plus. C'est Question pour un Champion, les Chiffres et les Lettres... on apprend des encyclopédies et des dictionnaires.
Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire, et laissons l'entendement, et la conscience, vides.
Montaigne, Essais I xxv (Du Pédantisme)
Mais le pédant n'est pas gênant. C'est un autiste qui cherche des âmes impressionnables ou d'autres pédants à qui se mesurer.

L'intellectualisme, c'est une autre paire de manches : il prétend non pas à une supériorité quantitative, mais réellement qualitative. L'intello il prolifère dans cette catégorie socio-professionnelle qui prétend s'élever au-dessus des goûts populaires sans vraiment en avoir les moyens intellectuels justement. Il s'agit de poser, de se rassurer sur le fait que son statut économique et social n'est pas dû au hasard, à la chance, mais réellement à un intellect "supérieur".

Ainsi le cinéma français se complait-il dans ce côté intello, indépendant (de quoi ? dans notre système subventionné, avec l'avance sur recettes, on se le demande), proche des vrais problèmes de société/humanité/psychologie/temporalité etc. Ça donne des films imbitables et lourds ou au contraire désespérément creux à force de vouloir jouer la simplicité et le dépouillement.

vendredi 1 mars 2013

Histoire vraie : spéculation sur le sucre en 1974

Ces derniers temps j'ai eu envie de voir/revoir des films français des années 60-70. Clairement pas ma période de prédilection, moi qui exècre les prétentions prout-prout artistiques de la Nouvelle Vague (qui n'étaient qu'une posture politique de contestation dans une époque où tout était trop rose pour les petits nerveux des àChier du Cinéma), et justement c'est des films décriés comme populaires que je voulais voir pour me (re)faire une idée.

Dans le tas j'avais notamment envie de découvrir la masse de films mineurs dialogués (voire réalisés) par Audiard, parce que franchement, entre un film de Godard avec 2 pauvres idées perdues dans un pudding pédant et un film avec des vrais morceaux de dialogues d'Audiard... bon Audiard a travaillé à la chaîne sur tout et n'importe quoi, mais ça a donné des trucs inoubliables. Bref, j'ai un post sur le sujet dans les cartons.

Dans cet âge de Bronze du cinéma français j'avais envie de revoir Le Sucre (Jacques Rouffio, 1978). J'étais trop jeune pour tout comprendre à l'époque : il y est question d'économie, de politique, pas de manière trop pesante, mais l'adaptation du bouquin relatant la spéculation sur le sucre en 1974 est très complète.

L'histoire vraie : 1974
De 1000 francs en octobre 1973 la tonne de  sucre va se négocier jusqu'à 8000 francs (650£ sur le graphique) un an plus tard à Paris. Au milieu se déroule une spéculation complètement folle sur la base d'une rumeur de pénurie bien orchestrée.