dimanche 30 septembre 2007

Beginners' Method ou la méthode des quotas appliquée au cinéma

Je suis toujours étonné par l'indulgence dont peut bénéficier un film relativement médiocre simplement parce qu'il est un poil (plus ou moins large) original. Hé oui, pour faire un bon film il faut un peu plus qu'une bonne idée de départ. La bonne idée de départ c'est celle qu'on voit, mais toutes les autres bonnes idées doivent venir en soutien pour lui donner corps.

El Método (La Méthode, sorti il y a 1 an en France) avait pourtant l'avantage d'être adapté d'une pièce de théatre (El Método Grönholm) qui permettait d'identifier les points forts, les faiblesses et les besoins en matière de mise en scène pour le passage sur grand écran. Mais bon, avoir une bonne idée ne signifie pas avoir du talent et la production hispanique est tellement dominée par Almodovar qu'un petit film vaguement original a vite fait de rassembler les frustrations nationales dans un marché écrasé par les films US. J'avais déjà noté ça pour le très moyen film argentin 9 reines (Nueve Reinas). Sur ces 2 films je note que les réalisateurs ne m'ont pas donné tort restant dans l'anonymat cinématographique complet. Il n'y a pas de coïncidence à ce niveau là, si un réalisateur a une imagination débordante, un vrai talent visuel narratif, il y a forcément quelque chose qui va émerger, il va se débrouiller pour réaliser ne serait-ce qu'un film fauché où il va démontrer ce dont il est capable.

Petite parenthèse sur Kounen : ce mec a placé la barre vachement haut niveau sens visuel, mais il s'est avéré très tendre au-delà du superficiel (raconter une histoire, faire vivre des personnages, gérer le rythme d'un film et faire la différence entre celui des personnages et celui de l'histoire racontée...). 99 francs promet d'être visuellement réussi dans chaque sketch qui le compose, mais ça restera un film à gags légers reposant sur un personnage pas positif du tout et qui justement se cherche. C'était déjà le problème du bouquin (que j'ai jeté au bout d'environ 60 pages) et je ne vois pas trop comment ça peut donner un film intéressant, au-delà des gags. Le public des moins de 16 ans de Jean Dujardin ne va pas s'y retrouver, et les autres ne vont pas apprécier un film pas réconfortant du tout. Dur de faire une comédie qui attaque de front les certitudes des consommateurs...
Ceci dit, sur un malentendu tout est possible.

El Método commence de la pire des manières qu'il soit. Réveil-matin, petit-déjeuner... les différents protagonistes du film émergent pour se rendre dans le lieu du huis-clos. C'est honteux qu'une équipe de professionnels puisse pondre un début autant dénué de créativité. Le tout pour habiller un générique sur fond de split-screen sans aucune espèce d'intérêt. On est dans du remplissage au ras des paquerettes par rapport au matériau de base qu'était la pièce de théatre. A l'heure où les séries télé US deviennent plus créatives que les films c'est totalement inacceptable. Cela fait au moins 50 ans que les génériques ciné ne sont plus conçus que comme de vulgaires pages de titre, mais intégrés à l'expérience filmique pour plonger le spectateur dans une atmosphère. D'ailleurs certains films se passent très bien de générique. Trainspotting en faisait l'économie par exemple et c'était bien pensé vu que le rythme élevé du film n'aurait pas supporté l'intrusion de vagues de lettres dans ses images.

Le démarrage pitoyable d'El Método montre une fois de plus qu'un film montre ce qu'il a dans le ventre dans les 10 première minutes. Avec une seule idée le film ne peut pas être bon sur chaque bobine, et a fortiori pas la première puisqu'il va diluer cette idée sur tout le métrage. Si je prends le principe de la méthode des quotas, n'importe quelle scène prise au hasard doit donner envie de voir le film ou de l'éviter. Comme heureusement personne ne va au cinéma avec une approche de statisticien c'est les premières scènes du film qui doivent convaincre. Certes l'échantillon n'est pas pris au hasard dans la continuité du film mais il est pris au hasard dans la créativité de l'équipe qui l'a pondu. A moins évidemment que le réalisateur/scénariste soit partis sur une scène géniale qui ne débouche sur rien. C'est très rare. Si le génie peut frapper au hasard il peut le faire sur tout un film, et en l'occurrence je n'ai pas d'exemple en tête. Un film va plutôt décevoir dans son ensemble, pas par rapport à une scène d'intro ; en général les petits malins vont plutôt essayer de faire une fin d'esbrouffe qu'une intro trop puissante, justement de peur de ne pas pouvoir assurer derrière.
Ma critique d'El Método sur IMDb (en)

Beginners' Method - alternative ending

(1 après j'ai dillué un peu la fin de ce post, pas forcément pour le meilleur, mais je vous laisse juges)

Le démarrage pitoyable d'El Método montre une fois de plus qu'un film donne un idée de ce qu'il a dans le ventre au cours des 10 première minutes. Avec une seule idée le film ne peut pas être bon sur chaque bobine, et a fortiori pas la première puisqu'il va diluer cette idée sur tout le métrage. Si je prends le principe de la méthode des quotas, n'importe quelle scène prise au hasard doit donner envie de voir le film ou de l'éviter. Comme heureusement personne ne va au cinéma avec une approche de statisticien c'est les premières scènes du film qui doivent convaincre. Certes l'échantillon n'est pas pris au hasard dans la continuité du film mais il est pris au hasard dans la créativité de l'équipe qui l'a pondu.
Dit autrement, si le réalisateur s'attache particulièrement à soigner la scène d'intro :
  • soit il arrive à rester sur ce tempo (sans s'essoufler, c'est un tour de force),
  • à jouer des pleins et des déliés (maitrise parfaite de son histoire et de son équipe),
  • ou au moins sur des nuances chromatiques (soin maniaque apporté au cadre et au jeu d'acteur ; cas du huis-clos par exemple, très bon juge du talent de metteur en scène pur, çàd d'un metteur en scène qui recherche l'émotion dans le cadre plutôt que de la préconcevoir dans son découpage, dans l'action).
Dans tous ces cas le film fonctionne bien et a des chances d'être même très bon.
Sinon le film,et le spectateur, piquent du nez très vite. Le pire étant un film qui devient de pire en pire, de plus en plus abscons à mesure que la fraicheur des personnages et des situations s'estompe. Ici le réalisateur n'arrive pas à faire illusion, pour une raison qu'il n'a malheureusement pas identifiée assez tôt. C'est peut-être son talent, et cette dure vérité est d'autant plus dure à accepter qu'il a réussi un film avant (par hasard, ou parce que des critiques se sont enthousiasmés pour des raisons qui échappent au spectateur).
A contrario si l'échantillon des 10 premières minutes, ce sacro-saint first reel contact qui a son équivalent dans la littérature avec l'incipit, n'est pas bon, le film ne sera pas bon, et rien dedans n'aura eu l'occasion de faire au moins illusion.

Bref, s'il peut exister des films, globalement décevants, dont les 10 premières minutes promettaient beaucoup, aucun exemple ne me vient en tête, et si je ne m'en rappelle pas c'est comme s'ils n'existaient pas.


PS1 Matrix n'est pas un mauvais film, en revanche je m'en souviens de son entrée en matière époustouflante puis d'un gros coup de mou quand les frères Wachowski commencent à délayer leur explication du pourquoi du comment. Après c'est du jeu vidéo, entrainement puis balles réelles : très faiblard d'un point narratif. J'ose espérer que ceux qui l'on revu sur un petit écran on nettement mieux vu ses gros défauts.

PS2 La structure huilée d'un James Bond fait commencer chaque film par un prologue plutôt bien vitaminé : les spectateurs sont obligés de se presser pour ne pas en rater une miette, puis le générique leur laisse le temps de bien s'installer, mais ils sont déjà dans l'ambiance et le rythme peut repartir de nettement plus bas. Bémol avec Casino Royale (Casserole Royale pour moi) : le prologue est une honte pour la franchise 007, ils l'ont tourné à l'arrache pour plaquer là le côté bien rugueux de la nouvelle mouture aux machoires crispées, aux muscles tendus (mais si tendu du slip que ça), alors que la poursuite Yamakasi à Madagascar, quoi que complètement dénuée de sens narratif (franchement faut travailler votre McGuffin les gars), est un moment d'anthologie. Personnellement j'ai un faible pour la poursuite en Sibérie qui ouvre A View to a Kill, mais là c'est époustouflant à un autre niveau.

vendredi 21 septembre 2007

Le Cinéma de demain (1) - L'exploitation

Il y a longtemps qu'on n'a pas fait le point sur ce que le cinéma sera demain. Les nouvelles technologies numériques ont laissé la place à beaucoup de fantasmes, elles ont autant suscité de peur que d'espoir, mais on n'a jamais pris le temps de se poser pour réfléchir.

Partons de points concrets, c'est à dire d'abord les salles.

L'évolution des 15 dernières années a vu la naissance des multiplexes, sorte d'hypermarchés du cinéma où les spectateurs sont parqués entre un café plus ou moins cosy, un stand de friandises et une file d'attente (monstrueuse le week-end pour les salles de plus de 300 places).
Dans la grande rationalisation amenée par le multiplexe il y a eu la possibilité de diffuser une même copie dans 2 salles, presque simultanément (système interlock où une bobine court sur des rails entre deux cabines de projection). Ce système n'aurait évidemment plus lieu d'être une fois toute la projection passée en numérique, ce qui représente un coût trop élevée aujourd'hui. Mais les technologies évoluent tellement vite que 2010 ne parait pas trop tôt pour imaginer un nouveau changement fondamental dans l'exploitation.
Si la projection numérique ne progresse pas plus vite, c'est que se pose en premier la question de sécuriser les flux. Le problème ensuite c'est que personne n'est trop pressé d'y passer, personne ne veut trop s'avancer sur un sujet sensible : détourner le regard ou un pas de côté valent mieux qu'essayer d'avancer pour le job des gens en place (et qui ont dû manœuvrer longtemps pour arriver en place). Avec des cabines de projections reliées à Internet on peut imaginer un système de clés, générées en fonction de l'heure de la séance pour un projecteur donné, et valables uniquement pour une projection donnée. Ici on touche au domaine des DRM entièrement acceptables par tous puisque la copie en question est simplement loué par un distributeur. Concernant le possible piratage des flux en sortie, le marquage de la copie (par un code incrusté dans des images du film) en cours de projection pour identifier la séance permettrait de s'assurer que l'exploitant respecte son contrat.

Ceci dit il reste à voir ce que la projection dématérialisée (ou presque, vu l'importance du projecteur/ordinateur dans ce nouveau système) va changer concrètement dans le rapport de force. Si c'est pour renforcer l'effet multiplexe, non merci. Le seul intérêt serait de ramener les projection dans ces mêmes lieux fuis par la rationalisation à outrance : petites salles de quartier, de villages, ciné-club occasionnels... Dans ce mouvement, les investissements à rentabiliser n'étant pas ceux de gros bunkers climatisés-moquettés-aseptisés décidé par des grands groupes financiers, le coup d'une séance ciné devrait être revu nettement à la baisse. Le cinéma devrait être à 3 euros en semaine, 4 le w-e, voire 4 et 5€ dans les grandes villes. Il y a eu trop de lobbying contre cette tendance, la seule qui favorise un cinéma populaire, ces 15 dernières années, justement pour défendre la rentabilisation rapide des multiplexes.

A suivre dans la deuxième partie, The Long Tail of Movie Distribution, ou comment la programmation des salles ne sera plus décidée d'en haut. (EDIT: finalement ce sera la 3e partie puisque James Cameron en personne s'est invité pour expliquer comme le cinéma pourrait évoluer sans isoler les petites salles par la nécessité d'investir dans le tout numérique

jeudi 20 septembre 2007

Ça sème des taxes, encore et encore

Après la taxe sur la copie privée, un impôt décidé unilatéralement grâce à un très bon lobbying (le lobbying est d'autant plus efficace qu'il y a moyen de financer les partis, pratique assez peu transparente en France) la loi DADVSI a carrément criminalisé de fait toute copie privée (mais sans officiellement mettre un terme à ce droit : il n'est plus possible théoriquement de l'exercer sans enfreindre la loi DADVSI).

Normalement il suffirait de mettre à jour le logiciel fiscal pour que disparaissent toutes les taxes prenant leur justification dans l'existence du droit à la copie privée. Mais non, on continue à imaginer de nouvelles taxes. C'est rigolo, il suffit de se retrouver entre amis et de passer en revue les nouveaux supports numériques, comme à un défilé de mode. Sauf que c'est pas pour acheter, c'est pour taxer ceux qui vont acheter.
C'est pas le plus beau métier de maquereau du monde ça ? Du shopping où on fixe ce qu'on va empocher sur des produits qui ne nous doivent rien (bien au contraire, si on ne pouvait pas les taxer on aimerait bien les interdire, et pourquoi pas les brûler ?).

Les disques durs multimédias ou « médiaplayers » sont dans la ligne de mire de la commission d'Albis, chargée d'établir les rémunérations pour copie privée à appliquer aux supports numériques. Ils se présentent sous la forme d'un boîtier autonome à brancher sur un téléviseur et une chaîne Hi-Fi, intégrant un disque dur et des fonctions de lecture de fichiers multimédias et, parfois, d'enregistrement. Ces jukebox multimédias, fournis avec une télécommande, permettent principalement de lire des DivX ou des MP3, sans recourir à un PC.

A lire sur ZDnet

Pour le coup il faut avouer que ce support intéresse en majorité ceux qui téléchargent (dont une grosse majorité ne téléchargent pas en payant). Le problème est donc moins sur le plan du racket que présente cette future taxe, mais sur le plan de la logique économique. A partir de quel niveau de taxe le distributeur français sera complètement débordé par les imports des pays européens ? Les (plus gros) consommateurs se regroupent déjà pour faire ce genre d'achats, sans parler des régions limitrophes de pays plus cléments, donc même en calquant le niveau de taxation sur des frais de transport intra UE le distributeur français se retrouve amputé de quelques mètres de linéaire pour des produits stars dans ses rayons de Noël.
Mais que fait M.E. Leclerc ?

vendredi 14 septembre 2007

Celtx 0.9.9.5 : traitement de texte pour scénario et bien plus...


Dernière version avant la version 1 (?) Celtx 0.9.9.5 est sorti hier. Pour les changements qui se voient en un clin d'oeil il suffit d'admirer le look nettement modernisé de l'interface (cf. image ci-contre).

Télécharger ici Celtx 0995 (OS X, Windows, Linux - 32bits seulement - en anglais et déjà en français !)

Nouveautés Celtx à découvrir donc :

  • Des nouveaux formulaires de développement d'une trame (pour ceux qui aiment traîner des pieds avant de passer aux choses sérieuses)
  • Un éditeur de scénario différencié suivant que vous travaillez sur un film, une pièce de théâtre, un documentaire ou autre projet audiovisuel nécessitant d'avoir deux colonnes pour décrire le son et l'image séparemment (Script AV), une pièce radiophonique ou enfin un simple document en texte brut (ça ne remplacera pas votre traitement de texte préféré mais c'est toujours utile de ne pas avoir à ouvrir les très lourds MS Office ou Open Office juste pour créer un petit texte, mettre de côté des notes etc.).
  • Typeset : l'avantage de base de Celtx, encore amélioré. Le formatage scénario de votre texte, c'est normalement pénible, ici il suffit de faire un copier-coller d'un document texte antérieur ou de saisir action, noms des personnages avec leur dialogue juste en se servant de la touche entrée et de celle de tabulation. Typeset anticipe d'ailleurs le formatage du bloc de texte suivant. Tout ça devient tout de suite indispensable.
  • Les fiches indexées : chaque scène est présentée sous forme de fiche (visionneuse en mode séquencier pour les habitués à Final Draft) au dos de laquelle il est possible d'ajouter des notes. Très pratique pour avoir une vision d'ensemble de tout un pan de son scénar, éventuellement imprimer les fiches pour jouer avec sur un mur recouvert de liège (c'est très pratique mais je n'ai pas encore vérifié si Celtx gère déjà l'impression recto-verso des fiches, notamment en fonction des imprimantes qui gèrent toutes seules ou pas le recto-verso).
  • Autre nouveauté qui fera plaisir à ceux qui utilisent maintenant Celtx très régulièrement (et qui ne peuvent presque plus s'en passer) : la possibilité de créer des modèles pour tous les documents que Celtx vous propose de créer à partir de modèles standards (ceux qui n'aiment pas la standardisation US Courrier 12pt vont pouvoir s'amuser et perdre avec le logiciel le temps qu'il est censé leur faire gagner...).
  • et la prévisualisation story-board et dépouillement, l'organisation en dossiers, la fonction plan de travail et rapports, les sauvegardes, la collaboration... tout ça a encore été amélioré !

    En revanche ce qui n'a pas changé c'est que Celtx, construit sur la base de Firefox (et son moteur de rendu Gecko), est libre et gratuit ! Comment font-ils alors ? Des publicités bien-sûr, intégrées à l'interface (pas celle de travail, juste le menu d'ouverture de l'application) pour promouvoir des festivals, des concours de scénario... Et ils proposent aussi de faire bénéficier de leur savoir-faire technique.

    Bon appétit !
  • mercredi 12 septembre 2007

    Ça sème pas beaucoup, mais qu'est-ce que ça récolte...

    Le scandale du racket Sacem & co. continue son petit bonhomme de chemin.

    Au départ, il y a plus de 20 ans, cette taxe a été imposée sur les supports vierges, d'abord cassettes puis CDs, DVDs (et aujourd'hui lecteurs mp3 et autres iPod), pour contre-balancer le principe de "copie privée", bête noire de la Sacem. Puisqu'il n'y avait rien à faire au niveau juridique contre ce droit à la copie privée, ils ont poussé au niveau lobbying (la Sacem est une véritable maffia au fonctionnement opaque, et aux dépenses de fonctionnement... enfin disons qu'il y a beaucoup d'argent qui transite par ses caisses).

    Au passage vous noterez que cette taxe reconnaît implicitement le "piratage" et le légalise. Si la copie privée est un droit, une taxe sur les supports vierges n'a de sens que pour compenser les comportements d'abus de ce droit. Cet abus, que ces messieurs Sacem, Universal etc. s'empressent de nommer "piratage" n'est en fait qu'une "infraction naturelle" face aux prix pratiqués par toute une industrie trop occupée à compter les bénéfices d'une rente de situation pour imaginer que les temps peuvent changer.

    Cette taxe qui veut aujourd'hui contre-balancer les "effets pervers du téléchargement gratuit" n'empêche pas les autorités de continuer à pourchasser autant ceux qui téléchargent beaucoup (en tout cas pas de manière discrète) que les véritables pirates qui, eux, font le commerce de copies illégales (et donc s'enrichissent sur le dos des autres). Il y a là l'application d'une double peine.
    Vous me direz : "les gens qui téléchargent ne gravent pas nécessairement le produit de leur surf miraculeux et ne paient donc pas cette taxe en proportion du profit (personnel, pas commercial) qu'ils en tirent." A côté il y en a aussi d'autres qui paient cette taxe pour faire des copies privées sans abuser de leur droit, ou simplement pour graver des sauvegardes : quelque minoritaire que puisse être cette utilisation des supports vierges, la taxe est déjà suffisamment injuste.

    Mais ce n'est pas tout : la taxation d'autres supports vierges, annoncée plus tôt, a été décidée et le décret d'application est paru au Journal Officiel de dimanche dernier. A compter du 1er octobre prochain clés USB, cartes mémoires et disques durs externes tomberont sous le coup de cette taxe inique. Qui peut dire que les clés USB, cartes mémoires et disques durs externes servent essentiellement à stocker des fichiers copiés illégalement ? Et même, la Sacem (et la SACD, l'ADAMI..., représentants des producteurs sonores et audiovisuels qui se partagent la taxe) rémunère-t-elle les éditeurs informatiques dont les logiciels et jeux sont en proportion autant copiés illégalement (et véritablement piratés puisque les protections sont systématiquement "crackées" ou du moins les licences d'utilisateur contournées) ?

    Comment rester impassible face à ce racket élargi à des supports servant, plus que les CDs ou DVDs, à bien d'autres choses qu'à stocker de la musique et des films ?

    Bref cette taxe est un scandale. Pas sûr que Bruxelles puisse quelque chose mais l'action est en cours et il vaut mieux faire du bruit autour de cette histoire que de laisser un dossier se perdre entre les bureaux de la Commission Européenne.
    Les sociétés chargées de percevoir la taxe pour copie privée sont peut-être en infraction avec le droit européen.


    Pour passer à l'action c'est simple : il suffit d'acheter ses stocks de CDs/DVDs/clés USB... en Allemagne, par ex., où les tarifs sont très compétitifs et pas soumis à un impôt totalement anti-démocratique. L'Allemagne c'est dans l'Europe donc il est parfaitement légal de se fournir là-bas et de ne pas reverser la taxe Sacem.
    Peut-on accuser de concurrence déloyale des cybermarchands étrangers commercialisant des CD et DVD vierges en France au motif qu'ils ne s'acquittent pas de la taxe pour copie privée ? Selon la Cour d'appel de Paris, non.



    Pour ceux qui ne veulent pas s'embêter à acheter un DD externe à l'étranger il y a toujours la possibilité d'acheter séparemment en France un DD interne et un boîtier externe pour l'y loger, ça a toujours coûté nettement moins cher.


    Rappel du montant de la taxe appliquée à compter du 1er octobre sur Clés USB, DD externes et cartes mémoires ici.

    dimanche 9 septembre 2007

    Les Morts et les Morts Vivants

    Depuis un an et cette été encore pas mal de grands noms du cinéma ont disparu. Avec Ingmar Bergman disparaissait le dernier géant du premier siècle d'histoire de cette lanterne magique améliorée devenue le 7e Art. Bergman, avec Griffith, Murnau, Lubitsch, Lang, Hitchcock, Capra, Kazan... faisait partie d'une liste très restreinte de réalisateurs qui s'étaient impliqués dans le cinéma pour le faire avancer et montrer qu'on pouvait toujours en attendre plus. La Nouvelle Vague a voulu résumer ça en parlant l'auteurs, pour se les rendre accessibles d'abord en tant que cinéphiles mais avec une grosse arrière-pensée d'assurer leur propre propagande en vue de s'octroyer une place (de figurant) au Panthéon du Cinéma.
    Tiens ça me fait penser que Godard n'est toujours pas mort. Enfin, tant qu'il arrête de parler de lui (càd de parler de cinéma comme si c'était lui qu'il l'avait inventé), ça reste supportable.

    Il y a ceux qui sont morts, et puis il y a ceux qui sont complètement à la ramasse dans le cinéma d'aujourd'hui. Des morts-vivants en quelque sorte. Alain Corneau a fait quelques très bons films noirs entre les années 70 et le début des 80s. Pas des chefs d'oeuvre, rien d'innovant ou qui suscite des vocations, mais de très bons films. Ce succès aidant il s'est vu confier des budgets énormes pour des films qui ne le concernaient peut-être plus vraiment en tant que cinéaste. En tant qu'homme avide de reconnaissance il avait en revanche très certainement envie de faire Fort Sagane. Quand il a livré le Prince du Pacifique est-ce qu'il avait encore envie de faire du cinéma comme 30 ans plus tôt ? Dûr à imaginer.
    En tout cas on l'a branché il y a quelques années sur un gros projet, a priori du cousu-main pour le Corneau d'il y a 30 ans : un remake du Deuxième Souffle, un film de Jean-Pierre Melville adapté de José Giovanni.

    AUTOPSIE D'UN PLANTAGE ANNONCÉ

    Mettons qu'Alain Corneau ne soit pas fatigué et pas perdu sur une prod où un petit malin s'est dit "remake + gros budget = carton assuré", le genre de recette qui rend vite zinzin un producteur. Faut dire qu'avec un tel problème de certitudes mal équarries n'importe quel producteur aurait vite fait de se rengorger de son génie pour laisser son cerveau au vestiaire des avances sur recettes du CNC.
    Mettons que le film de Melville/roman de Giovanni laisse la place à une nouvelle version. Une interprétation moderne, par exemple.
    Ce n'est pas trop demander et pourtant à voir la bande-annonce il y a de quoi être atterré par l'accident industriel.


    Un film rétro, ambiance années 50, c'est risqué mais soit, c'est le boulot du producteur de mesurer et prendre des risques. Mais un film noir avec couleurs acidulées, une lumière sans ombres profondes... c'est à croire qu'on peut être beaucoup de professionnels à travailler sur un projet et faire quand même des choix aberrants.
    La bande-annonce du Deuxième Souffle (version 2007 démasterisée) c'est, au niveau visuel, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, sauf que pour en rire il faut être sacrément vicelard, détester viscéralement ARP, la famille Pétin ou encore s'appeler Alain Corneau, avoir pris énormément d'argent sur le film et n'avoir aucun amour propre.
    Leloup retournait le Corneau dans la plaie en me rappelant combien, sur une base similaire (roman noir situé dans les 50s) L.A. Confidential était réussi. Faut dire que Russell Crowe c'est pas Ugolin. Je veux bien reconnaître le talent de Daniel Auteuil pour incarner des petits gringalets, des français moyens plus ou moins denses, plus ou moins tourmentés, mais pour reprendre un rôle de truand créé par Lino Ventura, pfffff... ça fait cher l'erreur de casting.
    On parle de Monica Blonducci ? Non, inutile de tirer sur un corbillard.
    Le Deuxième Souffle, embaumé par Alain Corneau, une formolité ARP : rapport d'autopsie le 24 octobre (une semaine avant Halloween et son cortèges d'horreurs volontaires)

    Heureusement dans cette année marquée par nombre de disparitions j'ai vu La Vie des Autres. Voilà qui fait oublier toute la médiocrité que j'ai pu subir sur les écrans depuis dix ans, sans parler de ce que j'ai évité.