mercredi 23 mars 2005

'Million Dollar Baby' selon Leloup

L’histoire – sans spoiler :
Maggie (Swank), la trentaine, ayant grandi dans une famille pauvre que l’on qualifierait de « white trash » aux Etats-Unis, s’entête de devenir une boxer pro alors qu’elle a déjà bien dépassé la trentaine.
Frankie (Eastwood), après moulte hésitation, et l’intervention de son homme à
tout faire - Freeman - décide de la prendre sous son aile, à l’essai, à contrecoeur.

Ce qui impressionne le plus dans Million Dollar Baby, c’est la justesse de ton.
Eastwood s’attable à un scénario simple, mais chargé d’émotion.
Là ou beaucoup d’autres réalisateurs auraient versé dans la surcharge d’effets, Eastwood garde énormément de retenu. Chez Eastwood, la confiance, l’amitié, et le respect, ne se donnent pas facilement, ils se gagnent. Et sur le ring, et à l’entraînement, dans l’effort, la souffrance, et l’abnégation.
Le film est un long apprivoisement entre deux être cassés par la vie.
Ce n’est pas le moindre mérite de Eastwood que d’aimer ces personnages apparemment sans grandeur, car sans réussite sociale.
Sans sermon, et dans une Amérique qui sacralise la réussite sociale à tout prix, Eastwood nous prouve la grandeur ces être brisés, qui refusent de baisser les bras, et continuent à se battre.
Bien que reposant sue un canevas proche de Rocky, Million Dollar n’est pas une success story au sens « achievement » du terme, mais une success story sur le courage.

« Tough ain’t enough »

Au centre du film, Hilary Swank. Elle rayonne. Elle ne joue pas, elle est Maggie.
C’est un être simple, car la vie ne lui a pas offert de choix. Elle survit, dans une Amérique ou un seul job (elle est serveuse) permet à peine à payer le loyer.
Sa vraie vie commence le soir, dans la solitude de ces entraînements interminables, ou elle essaye d’apprendre toute seule les subtilités de la boxe. Ce qui surprend dans son personnage, c’est qu’il est au dessus de tout misérabilisme. La vie n’a pas été très généreuse avec Maggie, qui est serveuse depuis ses treize ans. Pourtant, elle n’en veut pas à la vie.

Elle semble juste habitée, par l’envie de boxer, d’apprendre le beau mouvement, de prouver et de se prouver qu’elle est plus qu’une serveuse.
Elle a beaucoup d’amour à donner, mais personne avec qui le partager.

Si pour elle la boxe est un sésame pour acheter sa liberté (d’où le titre), elle ne boxe jamais par vengeance ou par cupidité. Les scènes de combats sont éclairées de regards félins, astucieux, et enfantins lors des victoires. C’est l’ascension d’une petite grenouille timide jusque dans les hautes sphères de la boxe féminine. Conte moderne.

Unforgiven 2

La filiation avec Impitoyable semble évidente. Ces deux films s’appuient sur des histoires très simples, traitées linéairement, sans effets de style. Ils partagent une grande âpreté dans les sentiments humains, un refus du misérabilisme. Frankie est le frère de William Munny. Ils sont tous deux au crépuscule de leur vie, êtres solitaires, brusques, bourrus, refusant toute concession, mais pourtant habités d’une détermination et d’une fidélité sans faille.

Hilary Swank est le pendant féminin de Clint Eastwood : carrure frêle, mais nerveuse, visage osseux, œil malicieux. Si Eastwood était plus jeune, on pourrait tout à fait les imaginer ensemble tant l’alchimie fonctionne à l’écran.
Swank rappelle énormément une autre femme qui joua un rôle important dans la vie de Eastwood : Sondra Locke qui partagea sa vie durant 15 ans et 8 films.
Même dégaine de classe moyenne, même détermination, même sensualité animale.

Cette dureté entre les personnages, qui cache des sentiments, ce granit qui au fil des combats s’effrite pour se transformer en admiration mutuelle et en amour, est le véritable moteur du film, qui ne manquera pas de vous bouleverser.
-Leloup-

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