mercredi 9 mars 2005

Le DéVíDoir du Yang-Tsé (2)

Où l'on apprend que la Révolution Culturelle sonne toujours deux fois.

[Résumé de l'épisode précédent : l'oncle Sam regardait la bonbonnière du Yang-Tsé avec tellement de gourmandise qu'il décide d'offrir en échange aux gentils chinois de véritables galettes fourrées aux royalties... pour à peine plus cher que les fausses galettes de l'Ombre jaune.]

De : JK

1 - Le prix des disques et des DVD n’a pas beaucoup de sens économique, et offre (offrait) de bons niveaux de marges à tout le monde, et justifiait des campagnes marketing monstrueuses.
2 - Les éditeurs ont profité de l’apparition du DVD et de son caractère inaltérable pour augmenter le prix de chaque film. La raison est simple : le gain de qualité et le gain de qualité perçue par le client sont tels avec le DVD que l’augmentation des prix était digérables.

3 - Par ailleurs, certains facteurs ont encore poussé cette tendance : l’inaltérabilité et la qualité du DVD poussent les acheteurs à se constituer des véritables bibliothèques.
A tel point que la dynamique vente/location s’est inversée entre le VHS et le DVD : maintenant, les ventes de DVD constituent la part du lion du chiffre d’affaire généré par les DVD, alors que c’était le contraire avec la VHS.

La logique économique des studios et éditeurs était donc saine : ayant rapidement compris que, de la même façon qu'il y a 10 ans les fans de musique se reconstituaient de véritables discothèques de CD, les DVD allaient cartonner. Ils ont donc décidé d’en tirer un maximum de profit.

Problème : le support ne coûte rien (en tout cas par rapport à une VHS) et sa duplication est extrêmement facile (un PC, 50 tours de gravage, trois techniciens, et tu as une véritable usine de copiage).

Ce qui signifie que les pirates auront toujours l’avantage, car même si l’industrie décide de couper massivement le prix de vente, il y a toujours des coûts que les pirates ne supporteront jamais - notamment les royalties.

Je pense que 10-12 Euros est un juste prix en Europe de l’ouest pour un DVD.

Cependant, c’est un prix irréaliste en Chine. Autre problème, les fenêtres de diffusion. Avec le détournement de versions bêta, les films atterrissent dans les linéaires de pirates avant même leur diffusion sur certaines zones géographiques.

Mais ce que l’article ne fait qu'évoquer vaguement c’est la qualité souvent dégueulasse.

Je pense que, sur un nouveau territoire comme la Chine, l’industrie doit avoir une triple approche :
A - Baisser fortement le prix de vente pour enfin réfléchir en terme de PPA.
Sur les chiffres du PIB, on observe que l’écart entre la Chine et les USA est un facteur de x7 - x8.
- Dans ce cas, même si c’est une approximation grossière, le prix d’un DVD vendu 15 USD aux Etats-Unis devrait être de 2 USD en Chine.
- Evidemment, pour compenser ce delta de prix unitaire, il faut que les ventes en volume explosent. Ce qui est tout à fait possible étant donné la taille et l’enrichissement de ce marché.
B - Soigner l’image des films. Le grand perdant de cette guerre, ce sont les films eux-mêmes, qui sont consommés comme des kleenex. Les studios doivent renforcer la perception de valeur d’un film. Oui, les éditions spéciales, bonus, etc. y participent,mais surtout, il faut faire de bons films et pas simplement de bons produits, car les clients sont prêt à payer le prix fort pour un film qui les fait rêver. Les films de second rang et les nanards sont condamnés à des niches ou à l'achat impulsif (conditionné par le marketing associé) où les prix, cassés, ne constituent plus une barrière.
C - Améliorer l’expérience d’achat : la Chine explose, avec ses villes d’échoppes et de rues dégueulasses. Les studios doivent conquérir les centre villes des agglomération en cours de rattrapage économique en achetant leur respectabilité et via le flicage des pirates (mais, bon, comme la Chine ne reconnaît aucun copyright à l’OMC, bonne chance). Acheter de la respectabilité c'est la suite logique d'une politique de prix réaliste : ouvertures massives de Barnes&Noble de la vidéo, des lieux de convivialité, des temples de la consommation de film où l’on aime autant flaner qu'acheter des films compressés sur galette (expérience d'achat et blablabla). Tant qu’un tel tissu commercial n’est pas installé, les pirates auront de beaux jours devant eux.



Re : viktor

Je m'incline devant la sagesse business du vénérable JK !

Bref aparté pour réagir à "[Par analogie avec le succès du CD les studios] ont donc décidé d’en tirer un maximum de profit" : je ne crois pas qu'ils aient décidé quoi que ce soit. La manne du DVD leur est tombé dessus, ils ont juste maintenu des hauts niveaux de prix et essayant surtout de trouver des déclinaisons à vendre encore plus cher (éditions spéciales, coffrets cadeaux, plus de bonus, zéro bonus mais meilleure définition...). Ils n'ont rien anticipé et maintenant ils crient au pirate dès que ça les arrange.

Les infos un peu brutes dans l'article du WSJ renseignent sur un assaut commercial d'envergure mais sans éléments de détail sur l'intendance. Ou alors c'est déconcertant (cf. l'exemple donné pour Batman Begins). Le côté 'infiltration culturelle' du marché avec du Barnes&Noble pour valoriser le produit DVD US sur le long terme je n'en vois pas les prémices... mais WSJ ou pas le papier n'a pas l'ambition de résumer le business plan virtuel des studios (sous l'égide de la MPAA ?).
C'est un des points dans le flou avec les questions de délai de mise sur le marché et de qualité de duplication, points tout aussi importants que le prix de vente public...

Pour remonter au niveau du business model ciné+DVD : les studios ont maintenant intégré cette vérité suprême que les bénéfices se font sur le DVD ou ne se font pas. C'est un cercle vicieux avec cancer marketing généralisé : le films doit être un gros événement lors de sa sortie en salles et en DVD donc un budget record (cachets de stars, effets spéciaux, droits d'adaptation…) permet d'en faire parler (gros chiffres => floraison d'articles/classements pas chers) mais pour en faire parler de manière organisée, graduée, il faut sortir un gros budget promo. Tout ça n'est pas près de s'arrêter car "quand ya bon gros gateau, cui qui mange le plus c'est cui qui mange le plus vite (et en laisse moins pour les autres)." Évidemment ya du gaspillage mais tant qu'y a du pétrole ya pas besoin d'idées.

Je sais que mk2 a un projet en cours pour vendre du DVD en Chine : intéressant a priori parce que leur catalogue c'est Truffaut, Chaplin... pas de grosses victimes du piratage, ce qui leur laisse le temps de peaufiner une stratégie pour cibler les csp+ chinoises (mettons que cette cible aisée est comparable en taille à la population française totale…) et donc se faire une petite place, peu à peu, nettement plus confortable que des charges de cavalerie sous un tir de barrage.

{Fin de l'épisode - to be continued}

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