dimanche 3 avril 2005

Non.

Pourquoi faudrait-il voter pour ce projet de constitution européenne ? Parce que.
Parce que c'est pas bien d'être contre quelque chose où ya marqué Europe dessus.
Parce que si le non l'emporte au référendum du 29 mai prochain ce sera vraiment pas bien.

Franchement est-ce qu'on a vu de meilleurs arguments que ça pour le oui ? Non.
Non, parce que les hommes politiques ont pris l'habitude de court-circuiter chaque débat à leur avantage, c'est à dire en martellant leur propre conclusion, sans expliquer les enjeux pour ne pas risquer d'avoir à s'expliquer sur leurs contradictions. Et le court-circuit ultime du débat c'est : votez pour moi parce que je suis le plus beau.
a bo oui, a pa bo non.
Voter oui c'est voter pour l'Europe de demain ; voter non c'est voter en réaction, voter rétrograde.
Si vous votez oui vous avez tout compris à l'Europe ; si vous votez non vous êtes des électeurs capricieux, mesquins, irresponsables.
Merci beaucoup de nous dire ce qu'on a faire, vous, les hommes politiques qui démontrez chaque jour votre incapacité à prendre des responsabilités, la suffisance dont vous êtes capables pour entendre ce que vous voulez bien entendre, dire ce que vous pensez qu'on veut entendre, et vos grandes compétences sur ces questions hautement stratégiques qui consistent à se couvrir et s'entourer de bons fusibles.
(la suite ici)

6 commentaires:

viktor a dit…

Et d'abord si nos grands hommes politiques sont tellement sûrs du bien fondé de ce projet de constitution pourquoi soumettre son approbation à un référendum ? Parce que c'est la démocratie, ok. Donc tous les ténors du oui, à commencer par Chirac, devraient mettre leurs mandats électoraux dans la balance et démissionner en cas de victoire du non. Comme de Gaulle en 1969.


:: Stratégie de communication en 3 paliers pour téléguider les gentils électeurs qui écoutent trop ce qu'on leur dit sans le remettre en question ::

D'abord, plus que court-circuité, le débat sur la constitution est carrément étouffé par une
avalanche de phrases péremptoires qui visent à dire à l'électeur : "Regarde-moi dans les yeux.
Ne pense plus à rien, le débat a déjà eu lieu. Il est inutile de résister. La réponse est oui, je le veux. Oui, la constitution c'est bon." L'Europe c'est beau, l'Europe c'est bien, donc vive la fuite en avant !

En deuxième rideau il y a la stigmatisation des opposants. "Regarde petit électeur, de l'autre côté c'est le côté obscur. Toi tu es dans le vrai et eux ils sont dans le faux." Les opposants sont forcément dans le faux, toujours. C'est pour ça que ça ne vaut pas la peine d'écouter leurs arguments. Ah parce qu'ils ont des arguments ? "Non, petit élécteur, ne t'occupes pas de ça, il s'agit tout juste de discours dangereux."

Ce qui nous amène à la dernière couche, le vernissage que chérissent tous les anciens de Sciences pipo : la dramatisation des enjeux. Tragédie européenne en 51 slogans :
Ah, si le non l'emporte la construction européenne est bloquée pour au moins dix ans
Ah, si le non l'emporte la France va se retrouver isolée au sein de l'Europe.
Ah, si le non l'emporte la Chine nous mangera tout crus.
Ah, si le non l'emporte les Etats-unis vont bien rigoler.
...
O rage, O désespoir, O Giscard incompris !


:: Voter c'est bien, voter en réfléchissant tout seul c'est mieux ::

Est-ce que j'exagère en affirmant que ces hommes politiques, qui nous veulent du bien si on vote oui, se soucient peu du débat ? Deux dates :
- le Traité de Rome II, ou Traité établissant une Constitution pour l'Europe, a été signé par les chefs d'État et de gouvernement le 29 octobre 2004,
- s'il est ratifié par les 25 ce Traité est prévu pour entrer en vigueur le 1er novembre 2006.
Sachant que certains pays se laissent jusqu'à début 2006 pour la ratification cela veut tout simplement dire qu'aucun des responsables Européens n'envisage de revoir le Traité.
Ou alors un autre jour.
Ce texte, fruit d'un consensus mou entre les Etats membres, c'est tout ce qu'on a aujourd'hui en magasin alors il faut faire avec, compris ?
Le débat confisqué, les gros appareils politiques ont décidé à une large majorité que ce serait oui. De toute façon l'électeur n'a qu'à se débrouiller pour lire le fameux traité en question. Et débrouiller tout seul l'écheveau des articles qui se font référence entre eux, dans le même esprit que le traité de Maastricht qui, déjà, était incompréhensible avec ses renvois à des articles du premier traité de Rome (1957).
Si tout ça est trop compliqué pour lui, petit électeur, c'est qu'il doit faire confiance aux Grands Hommes politiques et voter oui les yeux fermés.
Alors à quoi ça sert un homme politique s'il n'est pas capable d'expliquer ce en quoi il croit ?
Ou au moins ce en quoi il fait semblant de croire comme si sa carrière -par exemple- en dépendait ?
Sont-ce les électeurs qui se désintéressent de la politique ou bien les politiques qui se désintéressent des électeurs ?


:: Pourquoi non ? ::

On peut voter oui comme un mouton qui consomme trop de médias dominants, ou comme un boeuf qui vote contre le PC ou contre le FN comme on peut voter non pour de mauvaises raisons. En revanche la seule bonne raison de voter oui (c'est à dire en ayant compris ce qui se cache derrière l'écran de fumée des articles du traité) c'est de croire aux vertus absolues du libéralisme.
Mais je ne crois pas que cette frange de l'électorat dépasse les 10% en France.
S'il y a un argument fort sur lequel s'accordent des tenants du non c'est effectivement la présence du libéralisme comme dénominateur commun de la construction européenne décrite dans le projet de constitution (cf. IIIe partie du traité). Quelques partisans du oui ce sont donc risqués à répondre
à ça : Giscard (cratère sous coupole) a tenté une métaphore populo comme quoi les statuts d'un club de foot n'influent pas sur le jeu de l'équipe. Encore une belle explication-simplification-prends-moi-pour-un-con. Et si l'Europe ce n'était pas un mais mille clubs de foot et que la constitution c'était l'UEFA qui laisserait libres les clubs les plus riches d'aller piller les centres de formation des clubs les plus pauvres ?
Pour moi le libéralisme, d'un point de vue strictement économique, c'est joli. Seulement quand on laisse l'économique prendre le pas sur le politique et le social ça donne forcément lieu à des déséquilibres. Or en France, avec notre constitution, on a déjà du mal à faire respecter l'équilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ; sans parler du quatrième pouvoir des gros groupes de presse qui viennent démarcher les hommes politiques. Alors pourquoi faudrait-il accepter le tout-puissant libéralisme comme seule solution envisageable ? Parce que les Etats-unis sont le seul modèle de développement que l'on peut aujourd'hui singer ?
Parce que l'Europe n'est pas capable de proposer autre chose ?

Si l'Europe doit s'imposer comme un pôle économique, politique et social majeur de ce siècle, c'est avec ses propres moyens, son originalité, son histoire, sa culture qu'elle doit le faire. Maintenant si les hommes politiques sont trop fatigués pour inventer un modèle de développement européen, un modèle où les Etats ne cherchent pas d'excuses dans un fatalisme de marché, alors ce n'est pas la peine d'attendre des électeurs qu'ils s'enthousiasment pour un remix de méthode Coué, pour un projet qui propose vaguement "la même chose mais en mieux."


"Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d'un pas ferme."
Saint-Augustin

viktor a dit…

Dossier complet, et régulièrement mis à jour, de l'Acrimed sur le (manque de) débat démocratique à l'approche du référendum :
http://www.acrimed.org/article1950.html

viktor a dit…

Commentaire dans le même esprit posté sur le blog de Corine Lesnes (15 avril - je vous recommande la lecture des deux autres commentaires, du même jour, auxquels je fais référence) :


Je trouve que les commentaires de ce matin par Frédéric et Robert résument très bien le débat confisqué (non-débat ou oui-oui débat ?) sur ce projet de constitution.

Frédéric montre clairement que si le Non peut l'emporter c'est parce qu'il y a une réflexion constructive derrière. Le Non c'est bien plus qu'une facétie, un caprice ou une grossière réaction à différents éléments de l'actualité politique, économique et sociale. Un non simplement attaché à des opinions "traditionnellement contestaires" n'aurait aucune chance de rassembler 60% des français.
Au contraire Robert illustre parfaitement le fait que le Oui, de son côté, se positionne en réaction à l'éventualité d'une victoire du Non. Comme Chirac avec ses petites phrases ciselées par des experts en marketing-communication (effet boomerang, mouton noir de l'Europe) la seule argumentation qui subsiste c'est :
1/la dramatisation du non
2/la volonté de maintenir le débat dans un état embryonnaire en usant de bonnes grosses métaphores ou d'exemples limités (l'europe des philatélistes commence à la poste, c'est sûr). Bref soit le téléobjectif de paparazzi qui fait des photos volontairement floues, soit le microscope qui nous réécrit la théorie du big-bang.

Bref on peut avoir des bonnes ou de mauvaises raisons de voter oui comme de voter non, mais de mon point de vue le Oui ne cristallise que des convictions préfabriquées. C'est toujours plus facile de dire oui (qui ne dit mot consent) alors qu'il faut apprendre à dire non.

viktor a dit…

Deux extraits d'articles publiés (ou republiés) sur acrimed.org qui présentent on ne peut plus clairement le décalage fondammental qui se creuse entre oui et non :

Cette campagne systématique se prévaut de la « pédagogie ». Une « pédagogie » ahurissante qui consiste à présenter les choses de la façon suivante : d’un côté il y aurait des citoyens raisonnables, qui analysent sérieusement la situation, et de l’autre des gens agités par les passions les plus obscures, ou des ignorants qui par conséquent doivent bénéficier de l’enseignement lumineux des partisans du « oui ».
Entretien avec Henri Maler

Le désarroi qui saisit nos pédagogues chroniqueurs confrontés à la résistance des électeurs trahit, dans sa sincérité blessée, l’aveuglement de ceux dont la position dominante dans le champ médiatique les conduit à croire naïvement qu’ils sont au-dessus des engagements partisans et qu’il font généreusement don de leur sagesse à une foule ignorante, passionnelle et inconséquente ; quand on se sait indiscutablement légitime, si l’opinion résiste à vos efforts pédagogiques, c’est nécessairement qu’elle est injuste et qu’elle se berce de graves illusions. On est alors la victime innocente de l’incompréhensible violence de ceux pour lesquels on sacrifie son temps et son talent...
Les incompris du oui

viktor a dit…

Il est des heures graves dans l'histoire d'un peuple où sa sauvegarde tient toute dans sa capacité de discerner les menaces qu'on lui cache. L'Europe que nous attendions et désirions, dans laquelle pourrait s'épanouir une France digne et forte, cette Europe, nous savons depuis d'hier qu'on ne veut pas la faire. Tout nous conduit à penser que, derrière le masque des mots et le jargon des technocrates, on prépare l'inféodation de la France, on consent à l'idée de son abaissement. En ce qui nous concerne nous devons dire NON. En clair, de quoi s'agit-il ? Les faits sont simples, même si certains ont cru gagner à les obscurcir.

Vous avez une idée de l'auteur de ce texte ? Il s'agit du début d'un communiqué connu sous le nom d'Appel de Cochin, lancé par Jacques Chirac le 6 décembre 1978.

 > voir le contexte et le texte intégral.

viktor a dit…

Pour le référendum, l'Internet a voté non

Une étude universitaire résume l'activité militante sur la Toile pendant la campagne.

Par Christophe FORCARI

mardi 23 août 2005 (Liberation.com)


La victoire du non au référendum du 29 mai dernier s'est aussi jouée sur la Toile. Une étude de chercheurs de l'université de technologie de Compiègne (UTC) montre que les adversaires de la Constitution ont largement investi l'Internet dans leur campagne. Sur 295 sites consacrés à la campagne référendaire, les chercheurs ont constaté que 67 % affichaient clairement leur couleur en faveur du non.

«Le Web a servi de tribune politique à nombre de ceux qui se sentaient écartés des plateaux de télévision ou des grands médias, transformant ainsi en quelque sorte le Web en un négatif, au sens photographique, de la télévision», écrivent les deux auteurs de cette étude, Franck Ghitalla et Guilhem Fouetillou. Une petite communauté virtuelle s'est ainsi créée tout au long de la campagne, avec ses stars, comme le site d'Etienne Chouard qui, au plus fort de la campagne, enregistrait jusqu'à 30 000 connexions par jour. «Dans le débat sur la Constitution, l'engagement des enseignants en faveur du non a été massif et ce sont eux qui ont apporté les éléments, les arguments pour le vote non», résume Franck Ghitalla. Une analyse de «l'hypertexte», c'est-à-dire des liens vers d'autres sites, révèle que 79 % des sites nonistes orientaient vers d'autres sites opposés à la Constitution. Seulement 64 % des sites pour le oui ont fait de même.

Les deux universitaires ont également dressé une cartographie des sites suivant leur positionnement sur l'échiquier politique. Dans le camp du oui, seuls 39 sites sur 79 affichaient clairement leur coloration à droite, 10 d'entre eux se réclamant de l'UMP.

Dans le camp du non, 82 % des sites animés par des militants politiques se situaient à gauche. Un chiffre qui se répartissait entre 30 % pour la gauche de gouvernement, 39 % pour l'extrême gauche et 13 % appelant à un vote unitaire de toute la gauche. «D'un point de vue purement technique, nous avons également constaté que les sites en faveur du oui contenaient moins de mots que ceux en faveur du non et que, de manière générale, ils n'étaient pas conçus pour supporter la discussion et la contradiction», souligne Franck Ghitalla.

Les deux chercheurs ont également répertorié des sites dits «d'autorité», non seulement en fonction du nombre de connexions qu'ils ont enregistrées, mais surtout en fonction du nombre de fois où ils ont été cités sur d'autres sites. Sur les 10 premiers «sites d'autorité», huit appartenaient au camp du non. Un top ten qui comprend bien évidemment celui de la fondation Copernic.

L'étude a en tout cas interpellé les autorités européennes, qui les ont invités à participer en septembre prochain à un colloque sur le thème «Démocratie et nouvelles technologies. Internet et les pratiques citoyennes».