mardi 1 février 2005

Oulipo (Rube Goldberg inside)

\Synthèse des 2 posts précédents sur les questions touchant/
 \au téléchargement, au DVD et à l'économie du cinéma/


[aparté] Un des avantages principaux du blog c'est qu'on peut écrire sans contrainte, juste parce qu'on croit avoir qqch à dire. Maintenant écrire pour être lu c'est autre chose et ce n'est pas forcément incompatible avec raconter n'importe quoi (pour faire son intéressant), mais en ce qui concerne les derniers posts j'avais besoin de mettre un peu d'ordre dans le "réseau de lignes entrelacées."

- Sur la notion de piratage en général : entre le simple internaute adsl et le pirate qui s'empresse de commercialiser des copies illicites il y a une grosse différence (et qq nuances au milieu dont celle des gens qui mettent simplement et gratuitement les fichiers à disposition sur le net). Je ne m'amuse pas à invoquer la liberté fondammentale (de l'internaute isolé) pour défendre le téléchargement en gros mais je me permets de l'ouvrir contre cette attitude (de groupes identifiés) qui consiste à aborder les problèmes non à la racine mais par le bout des feuilles. Evidemment c'est facile de criminaliser, de culpabiliser les consommateurs finaux. Sauf que c'est pas du tout logique, et surtout pas du tout efficace.
¨ Imagine que je me la joue Robin des bois, je vole un semi-remorque rempli de CDs et de DVDs pour les distribuer dans la rue. Est-ce que ça te parait logique de foutre quelques coups de matraque dans la foule en se disant que ça fera réfléchir les autres ? Ok on peut toujours dire que ce n'est qu'une partie de la stratégie de lutte contre le piratage, mais justement cette stratégie c'est surtout parer au plus pressé, courir derrière un phénomène qu'on ne maitrise pas. Et vouloir maitriser un phénomène comme Internet en le fliquant c'est voué à l'échec, c'est le fantasme conservateur de vouloir revenir à un statu quo ante. Evidemment c'est plus facile de dire "c'était mieux avant" que de comprendre comment ça marche, comment s'approprier internet, bref trouver des solutions qui font qu'on va limiter les téléchargements sauvages (d'oeuvres à peine parues) et au contraire prendre Internet pour ce que c'est et ce que ça peut apporter.

- Sur le ciné en particulier : je ne pense pas que les DivX fassent du tort à la fréquentation. Ils peuvent faire du tort à certains films : Hulk en a été un exemple notoire et on a arrêté le coupable, celui qui avait mis une copie en ligne, le seul vrai pirate de l'histoire. Seulement il s'agit surtout, je pense, de gros films qui se vendent plus sur leur budget marketing (et l'argument des sfx qui déchirent) que sur leurs qualités artistiques (mm si à l'occasion elles peuvent transparaitre entre deux coups de palette graphique). Ce qui emmerde les studios c'est ça : leur business se fonde sur une fuite en avant où on déverse des millions dans un film qui va se vendre sur sa prouesse à engloutir ces millions (cachet de stars, sfx, tournage homérique...) : en deux mots le Grand Spectacle. Pour les financiers c'est comme ça qu'on fait des films aujourd'hui (ou alors on est un petit rigolo) : un énorme budget qui va faire parler de lui en tant que tel, puis amorcer une couverture médiatique autour des stars et toute la démesure du truc... donc qui va être prévendu un peu partout dans le monde (donc pré-financé => risque financier minimal) et surtout (c'était l'intérêt de l'article du NYT) les recettes DVD anticipées pour ce genre de produit transnational vont en faire un truc très rentable (ce qui n'était pas le cas avant le DVD).
¨ Problème, plus leur produit s'adresse à une large audience planétaire, plus il suscite la convoitise des pirates. Ben voui : le jour où tu as une renommée mondiale, où tu brasses bcp d'argent il faut songer sérieusement à mettre une alarme chez toi, à embaucher un ou des gardes du corps... C'est la rançon de la gloire. Qui va te plaindre ? Là où ya du pognon et des paillettes il y a des parasites, c'est pas nouveau.

- Sur la dématérialisation : ce qui me gêne c'est que les businessmen crient par dessus les toits haro sur "les pirates mal-éduqués" (le quidam qui télécharge sans vergogne) mais, derrière, ils pensent simplement aux vrais pirates (ceux qui font le commerce de marchandises piratées) comme à une concurrence déloyale qu'ils veulent éliminer pour en profiter. En gros ils se disent qu'ils sont en retard sur cet ultime marché où on vend du vent, càd des bytes qui circulent sur les ondes ou dans des tuyaux. Mais savoir si ils ne risquent pas de tuer la poule aux oeufs d'or (le DVD), de traire la vache à lait jusqu'à pervertir irrémédiablement toute la chaîne alimentaire, ça personne ne pose se pose la question.
C'est d'autant plus énervant que c'est censé être un secteur où la créativité n'est pas un vain mot.
¨ Jusque là on ne peut pas dire que les films téléchargés soient de bonne qualité, mais on y vient et un jour certainement on aura des formats de compression bien meilleurs et un gros disque dur branché sur l'écran de télé familial (quelle part du budget familial pour un home-cinéma dans dix ans c'est une autre question). Or c'est pas vraiment les salles qui en souffrent dans l'immédiat, mais les ventes de DVD, selon le mm principe que les gros films d'action/sfx sont les plus copiés (rippés). Ce qui ne les empêche pas de vendre, malgré tout, un grand nombre de galettes à la jaquette chatoyante. Seulement voilà, le DVD est une telle manne que l'oncle Picsou ne supporte pas l'idée d'avoir perdu un centime en route. Entre paranthèses je suppute qu'il n'aime pas non plus cette idée qu'un film qui n'a pas rempli ses objectifs en salle sera plus volontiers copié qu'acheté, mais c'est la loi du sport.
¨ Si on laissait faire l'oncle Picsou il sortirait les films en salles le mercredi, le dvd 15j après et ouvrirait les robinets de la diffusion VoD (Pay-per-view) un mois après. Que vaudrait la projection du film en salles? Et le DVD? Je ne vois personne se poser ces questions de l'impact de la dématérialisation qui se dessine sur 1/le cinéma (en tant que loisir, spectacle public à part entière) et 2/l'économie du cinéma, avec le film compris comme produit générant un revenu récurrent. Comme trop souvent c'est "Prends l'oseille et tire-toi."


(post original en réponse à janakan)

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