jeudi 16 octobre 2008

Faites des films d'amour, pas des films de guerre

J'ai longtemps évité de regarder Black Hawk Down (La Chute du Faucon Noir) de Ridley Scott. Préjugé principal : film de guerre américain centré sur un événement historique somme toute anecdotique et ne racontant pas en particulier l'histoire d'un ou de quelques hommes. Comme je suis un peu ouvert d'esprit j'ai donné sa chance au produit, et c'est sans aucune fierté (j'ai perdu 2h de mon temps) que je peux affirmer que c'était bien ce que je craignais.

La débauche d'effets militaires écrase le semblant d'histoire, de suspens, de personnages etc. Très impressionnant la variété des plans de l'embuscade géante (et qui n'en finit pas), mais on finit par être anesthésié, à ne plus trop savoir quel groupe on suit, dans quelle direction, avec quel obectif (retraite? groupe de secours? lequel des 2 crashs? le groupe est-il encore au complet ou a-t-il perdu des hommes en route?).
A force de surenchère on ne sait plus trop où on est : l'impression serait réussie si on suivait un seul troufion genre Josh Hartnett, stressé au début puis qui a finalement passé l'épreuve du feu (manquent juste un petit drapeau US en surimpression pour que ce soit ridicule ; faut avouer que Ridley n'a pas trop forcé sur le patriotisme, mais bon, ils sont tellement sympa et mignons tous ces soldats...).

Faire un film en s'acoquinant avec l'Armée ça fait trop de concessions pour un seul homme. Toute l'armée doit être présentée comme clean, il faut glorifier les KIA (morts au combat), les vétérans, rabâcher les valeurs "no child left behind" (enfin presque)... ça ne peut que faire un film bourrin ou bande démo pour l'armée, voire les deux, et ce, qui que tu mettes derrière la caméra.

Un film pro-armée mais anti-guerre se défend Ridley Scott ? Ben tous les films qui ont voulu mettre en scène l'absurdité de la guerre, sans être concentrés sur un individu, ont bien été obligé de montrer l'absurdité de l'armée (chaine de commande moins humaine que le pauvre Général Garrison stressé pour ses positions comme un trader en plein krach). Johnny got his gun ne parle que d'un jeune américain, mais Les Sentiers de la gloire ne cherche pas à faire une tragédie Péplum où les armées sont victimes des mauvais sorts divins tombés sur leurs chefs qui ont snobé les augures. L'approche de Cimino c'est la fresque interminable sur la violence humaine, pas spécifiquement sur la guerre ou les soldats. Spielberg en revanche donne au soldat un rôle romantique et brosse le vétéran (et la mémoire collective qui veut tout mythologiser) dans le sens du poilu. Dans Full Metal Jacket Kubrick faire encore moins l'économie de la confrontation avec l'absurdité de l'armée, l'absurdité de la guerre est presque un soulagement à côté et en tout cas elle permet à l'occasion au soldat de faire appel à son propre jugement sans être continuellement harcelé par la discipline de caserne et l'émulation négative qui l'accompagne.

Quand Tarantino pense à faire un film qui se passe pendant la guerre il part sur la piste 12 salopards : la simplicité logique, donc scénaristique, d'un commando avec en plus un groupe de gais lurrons. C'est déjà plus sympa comme approche : pas besoin de grosses scènes de bataille compliquées (ou juste une pour illustrer en passant comme dans Le Bon la Brute et le Truand : excellent exemple sur l'absurdité de la guerre sans en faire un fromage de 2h30), juste besoin d'un but précis vite dévoilé (quitte à être modifier en cours de route). Je ne suis pas très fan des 12 salopards, très schématique et zéro substance derrière, mais j'avoue que connaissant le talent de scénariste/dialoguiste + le sens de l'image de Tarantino Inglorious Bastards me tente pas mal, sauf s'il s'avère qu'on est dans la pan-pantalonade pour ados genre Une Nuit en Enfer (pour info je n'ai toujours aucune envie de voir Kill Bill pour la simple et bonne raison que j'ai l'impression que QT y galvaude son talent en se faisant plaisir après avoir -un peu trop- essayé d'être sérieux dans Jacky Brown). Évidemment Inglorious Bastards se veut à la croisée des 12 salopards et du film spaghetti...

Mais trêve de bavardages, le film de guerre n'est qu'un genre bâtard qui a vu le jour parce qu'il fallait faire de la propagande pour l'effort de guerre (inter)national et donc pour les braves soldats qui se sacrifient en combattant l'Axe du Mal. Avant ça le soldat était juste un personnage romantique dans un décor exotique ou rattrapé par son passé (la légion à l'écran c'était Gary Cooper ou Jean Gabin, mais pas John Wayne).

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