dimanche 30 septembre 2007

Beginners' Method ou la méthode des quotas appliquée au cinéma

Je suis toujours étonné par l'indulgence dont peut bénéficier un film relativement médiocre simplement parce qu'il est un poil (plus ou moins large) original. Hé oui, pour faire un bon film il faut un peu plus qu'une bonne idée de départ. La bonne idée de départ c'est celle qu'on voit, mais toutes les autres bonnes idées doivent venir en soutien pour lui donner corps.

El Método (La Méthode, sorti il y a 1 an en France) avait pourtant l'avantage d'être adapté d'une pièce de théatre (El Método Grönholm) qui permettait d'identifier les points forts, les faiblesses et les besoins en matière de mise en scène pour le passage sur grand écran. Mais bon, avoir une bonne idée ne signifie pas avoir du talent et la production hispanique est tellement dominée par Almodovar qu'un petit film vaguement original a vite fait de rassembler les frustrations nationales dans un marché écrasé par les films US. J'avais déjà noté ça pour le très moyen film argentin 9 reines (Nueve Reinas). Sur ces 2 films je note que les réalisateurs ne m'ont pas donné tort restant dans l'anonymat cinématographique complet. Il n'y a pas de coïncidence à ce niveau là, si un réalisateur a une imagination débordante, un vrai talent visuel narratif, il y a forcément quelque chose qui va émerger, il va se débrouiller pour réaliser ne serait-ce qu'un film fauché où il va démontrer ce dont il est capable.

Petite parenthèse sur Kounen : ce mec a placé la barre vachement haut niveau sens visuel, mais il s'est avéré très tendre au-delà du superficiel (raconter une histoire, faire vivre des personnages, gérer le rythme d'un film et faire la différence entre celui des personnages et celui de l'histoire racontée...). 99 francs promet d'être visuellement réussi dans chaque sketch qui le compose, mais ça restera un film à gags légers reposant sur un personnage pas positif du tout et qui justement se cherche. C'était déjà le problème du bouquin (que j'ai jeté au bout d'environ 60 pages) et je ne vois pas trop comment ça peut donner un film intéressant, au-delà des gags. Le public des moins de 16 ans de Jean Dujardin ne va pas s'y retrouver, et les autres ne vont pas apprécier un film pas réconfortant du tout. Dur de faire une comédie qui attaque de front les certitudes des consommateurs...
Ceci dit, sur un malentendu tout est possible.

El Método commence de la pire des manières qu'il soit. Réveil-matin, petit-déjeuner... les différents protagonistes du film émergent pour se rendre dans le lieu du huis-clos. C'est honteux qu'une équipe de professionnels puisse pondre un début autant dénué de créativité. Le tout pour habiller un générique sur fond de split-screen sans aucune espèce d'intérêt. On est dans du remplissage au ras des paquerettes par rapport au matériau de base qu'était la pièce de théatre. A l'heure où les séries télé US deviennent plus créatives que les films c'est totalement inacceptable. Cela fait au moins 50 ans que les génériques ciné ne sont plus conçus que comme de vulgaires pages de titre, mais intégrés à l'expérience filmique pour plonger le spectateur dans une atmosphère. D'ailleurs certains films se passent très bien de générique. Trainspotting en faisait l'économie par exemple et c'était bien pensé vu que le rythme élevé du film n'aurait pas supporté l'intrusion de vagues de lettres dans ses images.

Le démarrage pitoyable d'El Método montre une fois de plus qu'un film montre ce qu'il a dans le ventre dans les 10 première minutes. Avec une seule idée le film ne peut pas être bon sur chaque bobine, et a fortiori pas la première puisqu'il va diluer cette idée sur tout le métrage. Si je prends le principe de la méthode des quotas, n'importe quelle scène prise au hasard doit donner envie de voir le film ou de l'éviter. Comme heureusement personne ne va au cinéma avec une approche de statisticien c'est les premières scènes du film qui doivent convaincre. Certes l'échantillon n'est pas pris au hasard dans la continuité du film mais il est pris au hasard dans la créativité de l'équipe qui l'a pondu. A moins évidemment que le réalisateur/scénariste soit partis sur une scène géniale qui ne débouche sur rien. C'est très rare. Si le génie peut frapper au hasard il peut le faire sur tout un film, et en l'occurrence je n'ai pas d'exemple en tête. Un film va plutôt décevoir dans son ensemble, pas par rapport à une scène d'intro ; en général les petits malins vont plutôt essayer de faire une fin d'esbrouffe qu'une intro trop puissante, justement de peur de ne pas pouvoir assurer derrière.
Ma critique d'El Método sur IMDb (en)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

au monsieur si virulent sur el método: et quand les premières scènes du film sont excellentes et le reste une horreur, on fait quoi??

viktor a dit…

Quand le début est excellent et le reste totalement naze, on appelle ça une grosse déception. Ça arrive assez souvent, mais c'est très rare au niveau d'un grand écart entre introduction magistrale et suite exécrable.

Je n'ai pas d'exemple récent en tête et comme au final l'impression est plus mauvaise qu'avec un film uniformément médiocre (surtout si on n'en attend rien de particulier) j'ai oublié les films qui pourraient illustrer ça.
Ceci dit Driver est à ranger dans cette catégorie des films décevants, mais plus par rapport à son succès en salle (et donc aux attentes gonflées) que par son introduction prenante, efficace sans être bluffante, qui nous amène ensuite dans un vide intersidéral décoré d'ultra-violence d'autant plus gerbos qu'elle se veut chicos.

De mes souvenirs d'El Método je n'ai pas l'impression d'avoir été trop sévère. Le film est une captation sans relief d'une pièce de théâtre. L'exercice est toujours risqué, j'attends de voir comme Polanski s'en est tiré avec Carnage.