dimanche 9 septembre 2007

Les Morts et les Morts Vivants

Depuis un an et cette été encore pas mal de grands noms du cinéma ont disparu. Avec Ingmar Bergman disparaissait le dernier géant du premier siècle d'histoire de cette lanterne magique améliorée devenue le 7e Art. Bergman, avec Griffith, Murnau, Lubitsch, Lang, Hitchcock, Capra, Kazan... faisait partie d'une liste très restreinte de réalisateurs qui s'étaient impliqués dans le cinéma pour le faire avancer et montrer qu'on pouvait toujours en attendre plus. La Nouvelle Vague a voulu résumer ça en parlant l'auteurs, pour se les rendre accessibles d'abord en tant que cinéphiles mais avec une grosse arrière-pensée d'assurer leur propre propagande en vue de s'octroyer une place (de figurant) au Panthéon du Cinéma.
Tiens ça me fait penser que Godard n'est toujours pas mort. Enfin, tant qu'il arrête de parler de lui (càd de parler de cinéma comme si c'était lui qu'il l'avait inventé), ça reste supportable.

Il y a ceux qui sont morts, et puis il y a ceux qui sont complètement à la ramasse dans le cinéma d'aujourd'hui. Des morts-vivants en quelque sorte. Alain Corneau a fait quelques très bons films noirs entre les années 70 et le début des 80s. Pas des chefs d'oeuvre, rien d'innovant ou qui suscite des vocations, mais de très bons films. Ce succès aidant il s'est vu confier des budgets énormes pour des films qui ne le concernaient peut-être plus vraiment en tant que cinéaste. En tant qu'homme avide de reconnaissance il avait en revanche très certainement envie de faire Fort Sagane. Quand il a livré le Prince du Pacifique est-ce qu'il avait encore envie de faire du cinéma comme 30 ans plus tôt ? Dûr à imaginer.
En tout cas on l'a branché il y a quelques années sur un gros projet, a priori du cousu-main pour le Corneau d'il y a 30 ans : un remake du Deuxième Souffle, un film de Jean-Pierre Melville adapté de José Giovanni.

AUTOPSIE D'UN PLANTAGE ANNONCÉ

Mettons qu'Alain Corneau ne soit pas fatigué et pas perdu sur une prod où un petit malin s'est dit "remake + gros budget = carton assuré", le genre de recette qui rend vite zinzin un producteur. Faut dire qu'avec un tel problème de certitudes mal équarries n'importe quel producteur aurait vite fait de se rengorger de son génie pour laisser son cerveau au vestiaire des avances sur recettes du CNC.
Mettons que le film de Melville/roman de Giovanni laisse la place à une nouvelle version. Une interprétation moderne, par exemple.
Ce n'est pas trop demander et pourtant à voir la bande-annonce il y a de quoi être atterré par l'accident industriel.


Un film rétro, ambiance années 50, c'est risqué mais soit, c'est le boulot du producteur de mesurer et prendre des risques. Mais un film noir avec couleurs acidulées, une lumière sans ombres profondes... c'est à croire qu'on peut être beaucoup de professionnels à travailler sur un projet et faire quand même des choix aberrants.
La bande-annonce du Deuxième Souffle (version 2007 démasterisée) c'est, au niveau visuel, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, sauf que pour en rire il faut être sacrément vicelard, détester viscéralement ARP, la famille Pétin ou encore s'appeler Alain Corneau, avoir pris énormément d'argent sur le film et n'avoir aucun amour propre.
Leloup retournait le Corneau dans la plaie en me rappelant combien, sur une base similaire (roman noir situé dans les 50s) L.A. Confidential était réussi. Faut dire que Russell Crowe c'est pas Ugolin. Je veux bien reconnaître le talent de Daniel Auteuil pour incarner des petits gringalets, des français moyens plus ou moins denses, plus ou moins tourmentés, mais pour reprendre un rôle de truand créé par Lino Ventura, pfffff... ça fait cher l'erreur de casting.
On parle de Monica Blonducci ? Non, inutile de tirer sur un corbillard.
Le Deuxième Souffle, embaumé par Alain Corneau, une formolité ARP : rapport d'autopsie le 24 octobre (une semaine avant Halloween et son cortèges d'horreurs volontaires)

Heureusement dans cette année marquée par nombre de disparitions j'ai vu La Vie des Autres. Voilà qui fait oublier toute la médiocrité que j'ai pu subir sur les écrans depuis dix ans, sans parler de ce que j'ai évité.

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