mercredi 11 janvier 2006

A pa bô la guerre

...mais vendre des armes c’est rigolo

Le début du film, comme souvent, donnait le ton. Too much. Traveling sur un tapis de douilles et arrivée sur Nicolas Cage qui nous fait sa confession face caméra.
« Bonjour, c’est moi, je vais vous raconter ma vie, vous allez avoir des images chiadées d’armes en tous genres plein les mirettes pendant deux heures. »

Et ça part dans un générique m’as-tu-vu où on suit la vie d’une balle. Autant dire que les gars aux manettes sont tout fiers de leurs idées et vont nous le faire savoir. Soit dit en passant on pourrait être indulgent avec ces indigences de clippers, malheureusement le générique résume le propos du film : « On n’empêchera pas la terre de tourner, les marchands d’armes d’en vendre, les négociants de se faire de couilles en or au passage et les enfants africains de se prendre une balle en pleine poire à l’occasion. »
Avec ce résumé vous pouvez d’ores et déjà gagner du temps, arrêter de lire cette bafouille et éviter le film.


L’esthétique de la balle en pleine poire


Je ne vais pas m’étaler sur le sujet comme un beau coulis de sang frais échappé d’un cerveau joliment perforé. La violence gratuite c’est un concept cool pour Tarantino & co et c’est vachement ringard de critiquer d’abord. Dans Lord of War la violence est gratuite mais c’est juste un détail au milieu de l’étal du marchand d’armes filmé dans toute sa profondeur de gamme et toute sa dimension phallique.

Notez, c’est pas que je hasarde ici une analyse psycho-pipo des trous de balles en chef mais filmer autant d’armes, se rengorger en offrant une telle débauche de grosses mécaniques surpuissantes, bien huilées et malgré tout simples joujoux, vraiment faut être un peu atteint, un peu bloqué au stade full metal quéquette.

Je me permets une petite idée constructive derrière ça : est-ce que ça n’aurait pas été plus malin de montrer un négociant d’armes sans jamais montrer d’armes, en parallèle avec ces fonctionnaires parfaits qui affrêtaient consciencieusement des trains vers des camps de travail ? Ou pour suivre le traitement documentaire de Traffic pour la drogue, prendre le point de vue de la femme ou d'un proche du trafiquant, un point du vue qui ne peut pas rester innocent trop longtemps sans se mentir.
Dans le genre personnage pas clair Nicolas Cage est juste un gars qui a eu la mauvaise vocation (c’est trop bête) mais la femme de ses rêves (super cool), oh mais les armes c’est toujours pas bien alors il faut lui pourrir la vie à la fin tout en expliquant que les vrais pourris c’est pas les petits dealers c’est les Etats marchands d’armes. Ouais ! Vive la conclusion de bon ton, à l’arrache, et tant pis pour la polémique. Heureusement quelque part, sinon le film aurait eu de la pub gratuite.

Et niveau gratuit on a ce qu’il faut avec la violence d’un long métrage qui se complait, désinvolte, dans sa débauche d’accessoires de guerre. Au final, parce qu’il est documenté sur le sujet le film se croit intelligent. Tout ça donnne l’œuvre d’un polard potache : il a potassé son sujet comme une mule, comme une mule il n’a rien digéré alors il recrache tout en faisant du bruit pour faire rire la classe et oublier qu’il a l’air con et qu’en plus il est vraiment très con.


S’empresser de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer


Cette citation de Beaumarchais ne sera pas mise entre toutes les oreilles. Et a fortiori pas dans toutes les cervelles.
Ce qui m’a mis mal à l’aise dans ce film c’est ce mélange bancal d’un ton enlevé (où serait la différence avec Will Smith ou Chris Rock en dictateur sanguinaire du Libéria ?) et d’un fond froidement documentaire (vas-y balance des chiffres en voix-off, personne retiendra que dalle). Est-ce que vous imaginez Pierre Richard ou Bébel en trafiquant d’armes vous ? Nicolas Cage a beau avoir des cheveux maintenant, il traverse le film en clown auguste avec, tsoin-tsoin, son frère en débile léger cocaïnomane pour mettre son nez rouge dans la poudre : ouarf. Soit dit en passant on appelle ça un personnage de « comic relief » dans les scénarios écrits sur des formulaires, et comme vous êtes toujours là je vous donne un tuyau : pour une belle mécanique émotionnelle il suffit, pif-paf, de tuer le personnage du comic relief auquel le spectateur s’est attaché. Ça marche à tous les coups. Sur le papier (d’ailleurs en général c’est un personnage fin comme une feuille de papier).

Comment faire d’un négociant d’armes le personnage principal d’une histoire à ce point ancrée dans la réalité la plus dure ? Pour moi c’est évident que ça voudrait dire faire un film noir, ambigü, pas mettre en scène un mec normal qui en chie à faire du porte-à-porte pour gagner sa croute.
Franchement je suis pas chochotte, j’ai vu Eraserhead sans arrêter la cassette et Irréversible sans presque détourner la tête, mais là les spectateurs qui rient aux grosses blagues placées entre deux deals de kalashs folklos et un ou deux morts parce qu’ils le valent bien, ça suffit à me refroidir complètement.

Je veux bien qu’il y ait des films nuls, des gens qui aiment les films nuls (tous les goûts de chiotte sont dans la nature, on appelle ça la pollution) mais des gens qui s’amusent devant des films nuls et irresponsables, merde.
Devant un film d’horreur on se racroche aux accoudoirs, à son voisin, on se crispe sur quelque chose de tangible pour sentir qu’on n’est pas vraiment dans le film, que tout ça n’est pas réel. C’est tout à fait normal dit mon docteur. Malheureusement il y a aussi le spectateur lâche (ou con, et pourquoi pas les deux) qui se tourne vers son voisin pour faire une blague avant d’avoir trop peur. Ou plus précisément pour rire de la peur de l’autre afin de ne pas montrer la sienne.
Autant je trouve ça juste pénible devant un film d’horreur, autant quand le film a au contraire la prétention d’être réaliste, intelligent je trouve ce genre de réaction déprimant.
Au secours.

Aucun commentaire: