jeudi 29 avril 2010

Tintin 3D : le crabe aux oeufs d'or à l'américaine

Enfin, depuis environ 6 mois, on sait que le projet d'un Tintin mis en scène par Sielberg va voir le jour. La première fois qu'on avait parlé de ce projet c'était à l'époque où Spielberg faisait encore des films bourrés d'un enthousiasme digne des aventures de Tintin, et dépourvu de sentimentalisme lourdingue. Bien que ce projet d'adaptation n'ait pas vu le jour il y a 25 ans, il reste qu'Indiana Jones était devenu l'hommage de Spielberg à Tintin, alors que L'homme de Rio et les Tribulations d'un Chinois en Chine (de Philippe de Broca, avec Belmondo) restent les films les plus proches de l'esprit insuflé par Hergé à son héros au fil de ses aventures (1).

Indiana Jones est un quidam, habillé en archéologue pour lui donner de la densité, plongés dans des aventures truffées d'énigmes et de dangers qu'il affronte sans se défiler. Tintin à côté est beaucoup plus translucide, lisse et béatement courageux. Indiana Jones lui est vraiment humain, il a un côté geek, il a peur des serpents, il court à chaque fois derrière les méchants nazis mais n'abandonne jamais. Bref Indiana Jones est un Tintin réécrit pour le public du cinéma américain et c'était bien comme ça. D'un autre côté les adaptations en dessins animés de Tintin enlevaient beaucoup du charme des albums, mais permettaient de faire découvrir ceux-ci aux nouvelles générations, plus souvent scotchées à un écran qu'à des livres, même très coloriés.

Les technologies d'aujourd'hui permettront-elles de donner une nouvelles dimensions à Tintin ? Au niveau visuel on peut faire confiance aux américains pour être créatifs en restant dans l'esprit de l'œuvre originale, en revanche j'ai plus de doutes au niveau de l'histoire. Tout d'abord je pense qu'il faut poser Tintin de manière plus précise que dans les albums où il est vaguement décrit comme un reporter. Là aussi les scénaristes américains savent faire, mais j'espère même qu'Hergé leur aura réappris leur métier en termes de précision et de rythme. Le pire pour moi serait que Spielberg oriente ça dans le sens d'Indiana Jones 3 où il ajoute un père à son héros de BD (2). Il ne s'agit pas de recréer l'environnement quotidien du héros et c'est malheureusement la tendance chez Spielberg avec sa lourdeur sentimentaliste.

Personnellement, l'album où j'ai trouvé Tintin campé de manière la plus convaincante, dans le sens où il n'est pas juste happé par une aventure mais fait précisément un boulot de journaliste d'investigation, c'est le début du Pays de l'Or noir. On peut raisonnablement reprendre le canevas pour le lier à l'intrigue du Crabe au Pinces d'or puisqu'il s'agit, pour le premier film, de faire se rencontrer Tintin et Haddock (évidemment puisque Haddock est celui qui apporte son humanité aux aventures). Seulement, comment relier cette rencontre à l'aventure principale du premier volet de cette trilogie Secret de la Licorne/Trésor de Rackham le Rouge ?

Grosso modo je suis assez dubitatif, d'abord parce que pour le Secret de la Licorne il faut que Tintin connaisse déjà Haddock, ce qui demande d'enchainer le trafic du Crabe aux Pinces d'Or (et Omar Ben Salaad interprété par Gad Elmaleh) avec l'opposition aux méchants frères Loiseau. Vraiment bizarre. Mais surtout j'ai peur que dans ce besoin de tout raccorder, le capitaine Haddock ne soit plus présenté comme un vieil alcoolique et juste un truculent loup de mer bien propre sur lui. Quel que soit le talent de scénariste là, je suis très dubitatif.
Réponses certainement à la rentrée avec de premières images.


(1) Hergé a aussi, pour commencer, été largement influencé par le cinéma : en particulier le rythme des comédies muettes sur les premiers albums (Harold Lloyd par exemple) et certains cinéastes majeurs sur des exemples précis d'avant guerre notamment (Alfred Hitchock, Fritz Lang), mais il est le véritable créateur de ce héros emblématique du XXe siècle dont les aventures le portent aux quatre coins du monde, faisant exploser le cadre du quotidien de ses contemporains. En ce sens James Bond n'est qu'une déclinaison de Tintin, la plus marquante et pérenne certes, mais sans la création visuelle, donc dynamique, du héros les bouquins de Ian Fleming ne valaient pas grand chose.

(2) et je ne parle même pas de ce patchwork difforme d'Indiana Jones 4... Spielberg a quasiment tué son Tintin, espérons qu'il a retrouvé un peu d'enthousiasme juvénile pour Tintin. Sur ce point je fais plus confiance à Peter Jackson.

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