mercredi 18 février 2009

Désarmorcer une critique prout-prout pour les nuls

A défaut d'une meilleure appellation j'appelle critique prout-prout le papier qui se sent obligé de trouver des arguments pour aimer un film, la bouche en cul de poule. Prout prout. Aucune sincérité donc, aucune spontanéité, et cela se voit tout de suite dans les tournures raides qu'ils empilent laborieusement. Si c'est inconscient, tout ça est bien révélateur ; conscient ou pas, de toute façon cela rejoint ma thèse selon laquelle les critiques voient plus les films par obligation professionnelle que par envie.

L'exemple du jour (ils sont légions dans l'ensemble de la presse qui se veut de qualité et héberge donc ces intermittents de la paraphrase verbeuse) est attrapé de volée à l'étalage Télérama. La critique favorable commence par cette phrase :
S'il y a bien un défaut qui ne peut être reproché à François Ozon, c'est le manque d'audace.
Vous remarquerez sans doute qu'on démarre sur le ton de la justification : le parti-pris de défense du réalisateur est flagrant. Je ne la critique pas en tant que telle, mais s'il y a lieu, elle doit venir après l'exposé d'arguments étoffés. Au lieu de ça, admirez la tournure de lieu commun, on se croirait dans une dissert de lycéen (pas payé pour écrire des conneries, lui) timide et peu inspirée "De tous temps le François Ozon a été reconnu pour son dévouement indéfectible et protéiforme au Septième Art." D'accord, j'en rajoute dans le côté pompeux tendance aChiers du Cinéma alors que, pour rester honnête, Télérama donne rarement là-dedans (de mémoire, Pierre Murat se la pète grave "moi on me la fait pas avec tous les films que j'ai vus").

Si cette première phrase pue le lieu commun, ce n'est pas juste par manque de style du plumitif de garde (Samuel Douhaire, puisqu'il faut l'appeler par son nom), non. Je ne vais pas m'amuser à citer l'Art Poétique de Boileau, puisqu'on est à des lieux de toute velléité de faire des phrases bien tournées, mais quand un film nous inspire on sait trouver les mots pour le défendre. On ne fait pas des phrases poussives, on ne commence pas par une constatation d'une banalité écrasante. Les mots ne mentent pas. S'il ne viennent pas c'est qu'on n'a rien à dire d'intéressant sur le sujet.

Je ne vais pas analyser phrase par phrase la médiocrité du truc, il y a déjà suffisamment de paraphrase dans les critiques de ciné, mais je vais quand même attraper un exemple plus loin dans le développement scolaire et servile du préposé aux alinéas :
Le pari, gonflé, de ces ruptures de ton a de quoi dérouter. Il séduit le plus souvent, comme lors de la fugue, très drôle, du bébé dans un supermarché.
Notez la double mise en exergue de qualificatifs suffisamment vagues pour être pipeau (gonflé, très drôle) comme cette structure parallèle qui sent trop l'échafaudage pour respirer la sensation saisie à vif. Et en paraphrase d'un exemple visuel : quelle médiocrité journalistique !

En revanche la critique défavorable, comme c'est souvent le cas, ne s'encombre pas de tournures alambiquées avec enjoliveurs bling-bling. Tout est très direct, Juliette Bénabent ne commence pas sur une mise en perspective bateau-mouche de la carrière d'Ozon (elle ne part pas avec l'a priori d'être indulgente avec lui) mais le problème du mélange des genres dont se croit capable le cinéaste. Elle dit simplement pourquoi ça ne marche pas, selon elle, là où son collègue des chiens écrasés force ses mots entre deux accès de paraphrase empesée.

Verdict sur Ricky à la simple lecture de ces critiques : les seuls arguments objectifs sont dans le papier négatif. Il y a de très grandes chances que le film soit mauvais (tout en se prenant très au sérieux, comme souvent chez Ozon). Vous avez gagné le droit d'aller tenter votre chance avec d'autres films.

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