lundi 20 juin 2005

Batman 0 & les faux culs de la critique

Il y a un moment que je ne lis plus les critiques de la presse (les internautes d'Imdb sont beaucoup plus intéressants, à condition de prendre le temps de trier) et j'évite autant que possible les gros blockbusters US au marketing envahissant, mais je suis allé voir Batman 0 ce week-end. Mea culpa.

Pour commencer par le début, puisque c'est "l'idée" pour relancer la franchise Warner Bros (par l'odeur du Spiderman de Sony aléchée), Batman Begins est une horreur cinématographique. Un produit boursoufflé sans aucune personnalité et surtout sans aucune subtilité : 5 ou 6 flashbacks pour qu'on comprenne bien l'enfance de Bruce Wayne, un stage avec des moines shaolins pour expliquer comment on devient un super-héros musclé, des scènes complètement tartes où Bruce Wayne est censé vouloir venger ses parents de leur agresseur, un import du Q de chez James Bond (incarné par Morgan Freeman) pour expliquer comment s'habille un super-héros, des dialogues explicatifs et tartes au possible... En gros toute l'obscurité du personnage est impitoyablement et grossièrement mise en lumière avec des projecteurs de 50 000 watts (on apprend même que la famille Wayne est une famille de très gentils depuis au moins la guerre de Sécession).
Côté positif je retiens quand même Cillian Murphy (vu dans 28 jours après...) bien plus intéressant comme méchant (Scarecrow) que la secte des hommes de l'ombre pour laquelle il bosse. Une scène très Largo Winch où Bruce Wayne joue au milliardaire entouré de bimbos est réussie mais lourdement plaquée au milieu de tout ça (Alfred demande à Bruce de faire comme si il n'était qu'un gros fils à papa insouciant et celui-ci s'exécute).

De manière générale ce produit veut s'adresser à toute la famille, donc faire de l'action non-violente (merci pour le montage hâché des scènes de baston et l'absence de sang qui rend la violence banale) avec qq touches comiques : tout ça ne correspond pas au personnage de Batman et de toute façon le tout est enrichi en graisses, en sucre pour abassourdir le consommateur dès les premières images.

LA CASUISTIQUE DE LA CRITIQUE OFFICIELLE

Comme des gros théologiens moralisateurs les critiques "professionnels" (c'est à dire qui sont payés pour voir des films) doivent faire les chèvres, ménager la maison-mère, la feuille de choux et le Saint-Esprit. Et même sans parler d'indépendance financière de la presse (les gros studios ont de gros budgets pub DVD) les critiques sont très largement dans une position bancale : un blockbuster annoncé va de toute façon faire des millions d'entrées donc on le critique en abaissant le niveau d'exigence critique à son minimum.
J'avais déjà été effaré par la prose paraphrasoïde du pigiste illétré de Télérama pour Terminator 3 et, dix ans plus tôt, par le 'pontificateur' Pierre Murat qui défendait la nullité cinématographique de Goldeneye face à Aurélien Ferenczi ; mais la tendance est apparement générale.
Comme je le disais je ne lis pas les critiques et surtout pas avant d'aller voir un film que j'ai envie d'aller voir, donc je ne suis pas gêné par cet état de fait, en revanche ce qui me gêne c'est qu'il y ait deux poids/deux mesures avec des critiques qui font leur méprisable métier en ne se permettant d'être virulents que quand ça ne mange pas de pain.

WALL OF SHAME 'BATMAN BEGINS'

Extraits de critiques obséquieusement dévouées (c'est par charité pas chrétienne du tout que je n'affiche pas les noms) :
  • Version gros trouduc : "Batman Begins de Christopher Nolan échappe à la plaie du genre : l'infantilisation du spectateur." (Nouvel Obs) [tant qu'à écrire des conneries autant y aller franco et nier l'évidence : ce film n'infantilise pas puisqu'il prend le spectateur pour un abruti]
  • Version copier/coller du dossier de presse : "Nolan (...) nous livre un film d'action trépidant, des conflits moraux passionnants, sans manichéisme primaire ni second degré rassurant." (MCinema.com)
  • Version attelage hypocrite : "Il réalise un film sombre et réaliste avec un personnage certes fanatique, obsédé par l'injustice, mais moins schizophrène que ne le fut Michael Keaton dans la série signée Tim Burton." (Figaroscope) [notez la tournure "certes... mais", élément de base du critique hypocrite]
  • Version djeun péteux : "Au final, aucune déception, plutôt un grand plaisir à voir que le trio Nolan/Goyer/Bale va de front vers le radical et l'épure pour offrir aux fans, comme aux profanes, un diamant noir." (Score) [comme quoi il ne suffit pas de mettre des tournures alambiquées pour faire croire qu'on sait écrire en français]

  • Voir sur Allociné les restes de la revue de presse : seuls le Monde et Zurban rendent honnêtement compte de la profondeur abysmale du machin.

    SUBTILITE ET SUSPENS SONT LES DEUX MAMELLES...

    Je laisse la parole à Spielberg pour la leçon de cinéma à l'attention des inemployés aux écritures sus-mentionnés.
    Spielberg has mixed feelings about the effects of digital technology, however. “I’m as guilty as anyone, because I helped to herald the digital era with Jurassic Park,” he says. “But the danger is that it can be abused to the point where nothing is eye-popping any more. The difference between making Jaws 31 years ago and War of the Worlds is that today, anything I can imagine, I can realise on film. Then, when my mechanical shark was being repaired and I had to shoot something, I had to make the water scary. I relied on the audience’s imagination, aided by where I put the camera.

    “Today, it would be a digital shark. It would cost a hell of a lot more, but never break down. As a result, I probably would have used it four times as much, which would have made the film four times less scary. Jaws is scary because of what you don’t see, not because of what you do. We need to bring the audience back into partnership with storytelling.”

    That he might suddenly lose his extraordinary facility to touch the vast audience that he has enthralled and captivated for a generation may be Steven Spielberg’s most compelling, and, we trust, his most irrational, fear.
    Adam Simpson, Sunday Times d'hier.


    PS Merci à Leloup de m'avoir invité au ciné ce w-e, je te revaudrai ça vieux !

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