vendredi 17 décembre 2010

Taxe sur la Copie privée, une aberration tenace

Article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, c'est là que se trouve le machin, mais je ne rentrerai pas (encore) dans le chou des défenseurs de la Copie Privée. Simplement je veux essayer de montrer clairement en quoi c'est aujourd'hui, plus qu'en 1986, une aberration. Et plus qu'une aberration : un scandale, une vaste escroquerie organisée.

Une taxe injuste par définition : payer pour compenser les abus du droit

Tout d'abord, même avant la dématérialisation des musiques et vidéos, on avait déjà une situation où le consommateur payait une taxe pour un droit reconnu. La justification ? Légalement, dans l'esprit, c'est très limite puisque qu'on soumet un droit isolé une taxe spécifique. Sauf qu'en réalité ce n'est pas vraiment un droit mais une exception au droit d'auteur. La logique concrète est donc de compenser le manque à gagner dû à l'abus de ce droit, à savoir copier pour un usage non privé.
Le lobby à l'origine du machin ne s'en cache pas, il s'agit bien d'une compensation pour le supposé préjudice commercial induit. La loi, elle, ne peut pas valider l'existence d'une taxe pour quelque chose d'illégal. C'est pourquoi on nage en pleine hypocrisie (bcp de pognon permet de se trouver naturellement une vocation d'hypocrite) et officiellement on a un droit très particulier soumis à une fiscalité spécifique.

On est bien d'accord, si personne n'est hypocrite le droit à faire quelques copies à usage strictement privé n'exige pas de rémunération. C'est comme si un éditeur exigeait une taxe sur le fait que je puisse prêter ou revendre le livre/disque après l'avoir acheté. La seule justification rationnelle d'une compensation est sur le fait que je reste propriétaire de la copie duement payée tout en faisant circuler d'autres copies qui constituent alors chacune un manque à gagner certain, mais pas intégral (1 copie illicite n'égale 1 vente en moins). En clair, hors toute hypocrisie d'énoncé, on est dans une justice d'exception totale.

Ce qui est indiscutable pour tous c'est que nos droits de citoyens sont soumis à des devoirs, notamment celui de s'acquitter d'impôts & taxes divers. Ces rentrées d'argent pour le Trésor Public vont permettre de financer (plus ou moins efficacement, rigoureusement ou intelligemment, mais ce n'est pas la question) le Bien Commun, la possibilité de bien vivre en société. L'État répartit ces rentrées en les affectant à ses services, qui eux mêmes peuvent être chargés de les attribuer à d'autres organismes, publics, para-publics ou privés, dans le cadre de missions spécifiques.

Mais avec la fiscalité d'exception de cette exception au droit d'auteur, on entre dans l'aberration brute la plus préjudiciable à l'image d'intégrité de l'État. Égalité entre les citoyens ? Un lobby demande une faveur et l'obtient. On n'est pas naïfs, on sait que ça existe tous les jours, mais là c'est au niveau national et ça touche massivement la très grande majorité des français qui sont rentrés dans l'Ère du Numérique.

Soit dit en passant, la petite manne copie privée (quelques centaines de millions d'euros) n'a pas aidé l'industrie de la production/distribution audiovisuelle a réagir aux défis apparus avec internet, donc bien mal acquis...

Lors, face à cette posture nauséabonde des "ayants droits" (en fait, les éditeurs-maquignons contre lesquels le droit d'auteur a toujours cherché à protéger les créateurs - cf. histoire du droit d'auteur par Maitre Eolas), il n'y a que la solution de la désobéissance civique. Acheter ses enregistreurs et supports numériques ailleurs dans l'Union Européenne pour ne pas payer cette taxe inique. Et continuer à profiter des offres en streaming qui, si elles gaspillent de la bande passante contrairement au téléchargement en P2P, ne mettent pas le consommateur dans une quelconque position de voleur/receleur/contrefacteur.

Vive le codec libre !

4 commentaires:

Tonton a dit…

La copie privée est très utile, y compris pour ceux qui la paient. Soit vous l'ignorez, et dans ce cas il est encore temps de vous renseigner, soit vous le savez mais vous rendez coupable de la même hypocrisie que vous critiquez.

Si votre blog a une vocation informative, s'il vous plaît informez vraiment les gens. Sinon, pardon pour le dérangement.

viktor a dit…

Bonsoir Tonton,

Que l'argent récupéré par le biais de la taxe sur la copie privée soit utile à qqch n'est pas la question. La question respose sur la logique de cette taxe. En l'ocurrence il y a hypocrisie, comme il y aurait hypocrisie si l'origine des fonds était crapuleuse.
Mais l'argent n'a pas d'odeur, c'est bien connu, alors avec comme haute aspiration le financement de la culture, on laisse le cerveau aux vestiaires.

Sinon ceci est blog, donc pas de pas vocation particulière à informer qui tombe dessus, mais juste l'ambition de peut-être faire réfléchir, donner des idées, proposer un point de vue original...
La Culture avec la Copie Privée, ça a l'air mignon tout plein, c'est le monde des bisounours qui cache la grosse hypocrisie d'une taxe inique, taxe qui permet aux gros lessieurs de la culture de donner des miettes aux petites mains de la culture.

Anonyme a dit…

La copie privée reverse aux ayants droit 75% des recettes. Tu es auteur, plus tu vends plus tu prends.
Vu que la majorité des "revenus culturels" est perçue par une minorité d'auteurs, la majorité des recettes copie privée est donc reversée à une minorité d'auteurs.

Pour que la copie privée soit bénéfique à notre chère culture, il faudrait plutôt inverser la répartition, moins tu vends plus t'en prends. Enfin c'est une idée…qui ne déplairait en plus qu'a une minorité. Presque tout le monde serait content, c'est pas ça le but de notre société ?

Inverser les répartitions ce n'est pas de moi mais ça marche pour beaucoup d'autres choses.

viktor a dit…

C'est vrai que dans l'hypocrisie générale on mélange financement et rétribution. On met en avant les créations que les revenus de cette taxe peuvent financer, mais en réalité c'est avant tout un moyen pour les "gros" ayant-droits (et leur syndicat de perception des droits) de s'octroyer une compensation pour les pertes que les copies "pirates" auraient causées.

Cette taxe est devenue un vrai racket. Principalement parce que la commission d'Albis décide ce qu'elle veut en termes 1/de supports redevables et 2/d'augmentation annuelle de la taxe. Et tant qu'on restera dans cette logique il ne faut pas espérer que la logique de financement de la culture devienne concrètement plus importante que la logique "vigilante", au sens où les organismes de collecte se font justice eux-mêmes.