jeudi 8 juillet 2010

The Social Network

J'avais eu une discussion il y a quelques années sur pourquoi on avait des films américains comme Wall Street (1987) (la suite a été présentée cette année à Cannes) et pourquoi le roman Bel-Ami de Maupassant n'avait pas été adapté par un cinéaste français. Dans l'esprit Michel Deville avait réalisé Le Mouton enragé (1974), très réussi en soi mais, défaut classique des films français, très limité en envergure. Le film ne risque jamais de laisser un souvenir inoubliable, ce qui est normalement typique des films médiocres. Médiocrité d'ambition alors ? Pour le coup Bel-Ami offre une vision de l'arrivisme politique et des collusions avec le journalisme qui présentent un sacré défi.

Le manque d'ambition du cinéma français n'est que le défaut générique de notre système bien protégé, notre exception culturelle où une poignée de producteurs se mordent la queue en cherchant à remplir des cases. Derrière ce défaut il y a une pose d'intellectuels bien-pensants "qui osent critiquer Pinochet à moins de 10 000 km de Santiago" (Desproges). Le machin politique c'est Costa-Gavras qui tenait la boutique : faire des films sérieux ou la seule émotion est l'indignation. Ca fait roucouler à Saint-Germain-des-Prés mais ça ne pisse pas loin. Idem, quand Michael Moore leur dit ce qu'ils ont envie d'entendre sur les américains ils trouvent ça puissant. Mais au niveau des fictions politiques qui ont l'ambition de parler d'actualité on n'a eu que de misérables flops. Ce qui tend à entretenir l'idée que les français ne veulent pas voir de fictions ancrées dans la réalité du monde politico-économique.

Ceci dit, pour en revenir à Bel-Ami, le problème est qu'on ne peut pas avoir au cinéma un héros négatif qui montre en creux la corruption de son environnement. Si le méchant incarné par Michael Douglas est le personnage le plus important de Wall Street, la narration suit les pas d'un jeune ambitieux et naïf qui va avoir des problèmes de conscience une fois dans le délit d'initié au côté obscur.

J'ai repensé à ça en voyant que David Fincher (dit chez moi FincherPrice) allait sortir un film retraçant la création de Facebook en suivant son (peu sympathique) PDG Mark Zuckerberg. La communication autour du film essaie de faire monter le buzz, les attachés de presse s'évertuent à dire que ce sera le film événement de la rentrée. Une héros négatif ? Même si des personnages secondaires relevent le niveau moral c'est l'histoire de son ascension. Et je ne le vois pas chuter à la fin puisque les gens viendraient y voir une histoire vraie. Un biopic de Facebook ? Mais les 500 millions d'utilisateurs s'en foutent. Les coups tordus de la génèse de Facebook sont connus de ceux qui se sont intéressés à la question, mais les autres se contentent de jouer à Farmville comme des gros boeufs.
Personnellement je pense donc que le film ne va pas être à la hauteur du battage marketing qui se lance. Si le film est réussi la curiosité du sujet aurait fait le travail du buzz, là ils sont en train de réduire la perception des gens en boostant les attentes sur des points qui ne correspondent pas forcément à ce qui peut intéresser un public là-dedans. Typiquement je pense que ce genre d'histoire marcherait mieux avec un héros positif qui devient millionnaire plutôt qu'une histoire qui insiste sur les ennemis qu'il se fait au passage.
Beau défi pour Fincher ? Tu parles, ce mec est un clipeur qui fait mumuse avec sa caméra, on lui donne un scénar, il fait des belles images dessus. Cette esbrouffe marche plus ou moins suivant le scénar mais là, vu qu'il se contente de filmer ses personnages comme des gravures de mode, ça va être saignant.

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