lundi 28 novembre 2005

Le nez dans le tracas

Cet article communiqué de presse se pame devant l'adaptation l'adaptation en cours du roman Le Parfum de Patrick Süskind. Je ne vois pas comment ça peut marcher :

1/ il y a le problème évident de la représentation visuelle des sensations olfactives qui caractérisent et guident le héros. Je veux bien imaginer une trouvaille technique (filmer le vent ? le point de vue de la particule de pollen à la Michael Bay ?) mais même en supposant que les gars aient trouvé la solution miracle, comment la décliner 10~20 fois dans le film sans jamais lasser ? Quelque part faire sentir des odeurs au cinéma c'est le comble de l'intellectualisation.

2/ le héros n'a rien de positif, c'est un inadapté social, donc pour le cinéma il faudrait trouver un point de vue extérieur qui raconte son histoire. Or précisemment l'intérêt du roman c'est d'être dans la tête du sieur Grenouille. Personnellement le roman m'a lassé, notamment dans la partie hermite en Auvergne (qu'on peut facilement zapper lors de l'adaptation) : on est entrainés dans une fascination morbide pour le héros qui ne peut pas fonctionner à l'image. Encore une fois le but du héros est totalement intellectuel, la quête de la perfection d'un seul sens en marge et contre la société nauséabonde. C'est à la fois élitiste et profondemment cynique : qui peut se prendre ça dans la tête pendant 1h30 à 2h ?

3/ Formule, flacon et volatilité. Est-ce que Le Silence des Agneaux marcherait du point de vue d'Hannibal Lecter ? Non, ça ferait un roman peut-être très prenant mais impossible à transcrire au ciné. Si on regarde la suite, Hannibal, qui est censée être plus centrée sur notre esthète cannibale Clarice Starling perd tout intérêt, toute profondeur parce qu'elle n'est plus en relation directe avec lui. Au contraire c'est le flic italien (superbe Giancarlo Giannini) qui permet au film de prendre forme, à Hannibal d'incarner le Mal dans l'ombre donc à la tension de se créer sans dégoûter le spectateur en le forçant à vivre 24h/24 avec un psychopathe.
Howard Howaks a reconnu avoir commis ce que j'appelle une "erreur de flacon" sur Bringing up Baby : tous les personnages tombent dans le burlesque et trop de burlesque ubuesque (à l'image d'Howard Hugues cherchant de gros nuages pour filmer la sensation de vitesse, sans référentiel de normalité le délire perd toute saveur).

MARCHER AU FLAIR, A L'ORGUEIL ET SENTIR LE SAPIN

Soit dit en passant l'article montre vraiment comment les journaleux de ciné ne font pas leur boulot et recrachent le discours au cordeau des attachés de presse : si Kubrick, Ridley Scott ou Scorsese n'ont pas fait ce film ce n'est pas un hasard, c'est qu'ils ont tous vite abandonné l'idée de cette adaptation impossible. Oui c'est un beau défi pour un jeune réalisateur mais je crois qu'il faut savoir être réaliste avant de laisser le champ libre à son orgueil de créateur : le film pourra être très très joli mais personne ne voudra le voir. En tout cas personne ne pourra le sentir.

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