Hier je suis allé avec Leloup au ciné. Je n'avais pas particulièrement envie de voir un film ou un autre, et certainement pas un western. Pourquoi ? Parce que le genre est très largement balisé, que Sergio Leone a imposé sa marque, il y a plus de 40 ans, en versant dans la parodie pour sortir des codes, allant même jusqu'à se prendre très au sérieux dans son maniérisme parodique (Il était une fois dans l'Ouest). Même les westerns de Clint Eastwood tombent aussi dans un maniérisme, propre à leur réalisateur certes, mais dénué d'humour.
Bref, entre tous les westerns des années 40 à 60 dont ceux de John Ford, Sergio Leone, et depuis avec ceux de Clint Eastwood, le western est un genre usé jusqu'à la corde. Une fois sortis du schéma des tuniques bleues qui arrivent pour génocider les méchants indiens et sauver le gentil colon et sa famille, le western n'était plus qu'un cadre simple à l'intérieur duquel il est plus facile de raconter, de manière libre, une histoire simple. Missouri Breaks, Jeremiah Johnson font partie de cette démarche dans les années 70. Cimino a voulu se prendre au sérieux, faire dans le monumental et il s'est emmélé les pinceaux avec Heaven's Gate, plus connu aujourd'hui pour avoir coulé le studio United Artists que pour sa succession de jolis tableaux naturalistes ou les fesses d'Isabelle Huppert.
Pour Appaloosa certains évoquaient Butch Cassidy et le Kid. Effectivement le ton est assez humoristique globalement, mais nos deux cowboys solitaires restent bien proches de caricatures taiseuses plus rapides que leur ombre (voir ma critique en anglais sur IMDb). Butch Cassidy c'était quand même nettement plus qu'un contexte bateau de western, avec un ménage à trois (pas juste un boudin jeté au milieu de l'histoire), une aspiration à la liberté (pas un sheriff coincé dans Main Street), un exil vers l'Amérique du Sud... Enfin, qu'on ne compare pas le scénario qui a révélé William Goldman à cette adaptation d'un roman de cowboys vachement impressionnants avec leur gachette, mais totalement creux sans leur calibre.
Bref l'affiche du film faisait déjà western calibré, regards sévères et machoires serrées, mais Leloup, dans sa déformation professionnelle de rassembler des avis prétendument éclairés sur une question, avançait que les critiques étaient bonnes. "Objection rejetée !" lui ai-je dit, les critiques ne servent qu'à vendre du papier et n'ont aucun recul dans leur rôle de scribouillards des salles obscures. "Mais ça peut permettre d'éviter de se fourvoyer avec des daubes." Non. Dépendants des infos et des interviews qu'on veut bien leur accorder, les critiques font du bruit pour les gros films (un Despléchin est un gros film aussi en termes d'a priori favorables) et ne peuvent pas grand chose pour attirer l'attention sur des petits films qui le mériteraient. Les critiques ne sont pas au service du spectateur ou du film, mais au service du lecteur et du distributeur.
De mon point de vue, on ne prépare pas son envie de cinéma. Si on attend un film en particulier alors oui, on va lire ce qui se dit dessus mais ce serait dommage d'avoir certaines scènes (voire certaines scènes clés) déflorées par un critique dont le travail, peu exigeant intellectuellement, consiste la plupart du temps à paraphraser ce qu'il a vu, et dans le pire des cas ce qu'il a lu dans le dossier de presse.
Mais je vous sens fébriles là. Malgré tout ce que je peux dire sur la vacuité de la critique cinématographique vous voulez toujours savoir comment anticiper la qualité d'un film avant, éventuellement d'aller le voir, n'est-ce pas ? Alors d'abord, sans lire les critiques, sachez que le consensus critique n'est pas d'une aide plus fiable. La moyenne des notes des internautes pour Appaloosa est à 7.0/10, ce qui correspond à la note moyenne de tous les films répertoriés sur le site. Donc, rapporté à une plus juste proportion ça veut dire 10/20. Pas terrible. A l'école on dit passable pour un élève qui atteint juste la moyenne. Rottentomatoes met le curseur de l'ensemble des critiques US à 75%, c'est à dire 75% de critiques favorables ou assez favorables (les 25% restants sont donc ceux qui jettent des tomates pourries). On dirait aussi que c'est bien, mais pas du tout. Compte-tenu du biais inhérent au travail du critique "professionnel" (il est "structurellement" obligé d'être positif une fois sur deux, ou au moins une fois par semaine) 25% de rotten tomatoes c'est beaucoup. Au delà de 10-15% il faut déjà avoir des doutes. En France Allociné a un système d'étoiles pas précis du tout : normal, leur business c'est de vendre de la pub aux distributeurs et surtout pas de laisser trop de place à ceux qui disent du mal des gros budgets !
Mon approche consiste donc à voir les arguments des critiques qui ont le moins aimé. Si ces argument sont honnêtes le film a des chances d'être mauvais, sinon on peut lui donner sa chance. IMDb permet d'ailleurs de lire les commentaires en alternant critiques positives et négatives, Love/Hate, ce qui permet de survoler les arguments d'internautes sincères à 90% (il y aura toujours qq gars ayant bossé dans la prod qui se croiront obligés d'essayer de dire un truc intéressant). Si malheureusement vous ne pouvez lire que les critiques en français je n'ai pas de potion magique.
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