vendredi 12 octobre 2007

La Loi de Peters-Murphy

Oui, je sais, bien malin qui trouvera la recette pour faire des entrées à coup sûr. Simplement, si on ne sait pas reproduire l'élixir du blockbuster, on arrive au moins à identifier ce qui fait qu'un film ne marche pas. A posteriori (with the benefit of hindsight) c'est plus facile, mais c'est aussi parce que c'est un vrai métier de juger sur le papier de ce qui va fonctionner ou pas une fois ajouté la dimension humaine du projet. C'est une question de capacité analytique, d'expérience et de culture qui permettent d'étoffer une vision d'ensemble qui saura s'affranchir du poids des zéros, du choc des égos.

En tant que simple spectateur je considère ainsi que les films qui se plantent à leur sortie ont en grande partie ce qu'ils méritent. En effet je distingue 3 cas de figure pour une exploitation ratée :
1. le film est raté = mauvais, bancal... il lui manque au moins un petit quelque chose
2. le film est sur-vendu = attentes suscitées au-dessus du positionnement intrinsèque du film
3. le film est mal vendu = mal mis en avant, mauvais marketing, mauvaise presse, mauvaise stratégie de distribution...

Cependant quand je vois que Sa Majesté Minor marche encore moins bien que L'ennemi intime, film complètement raté, sans intérêt autre que la photo : dur pour Annaud qui a pris des risques sur un sujet original auquel il manque juste d'être génial (que la comédie tourne vraiment à la fable politique au lieu de rester plantée dans la farce).
Je me console en me disant qu'il vaut mieux avoir un échec prestigieux, se vautrer avec panache, que de tomber directement dans les oubliettes de l'histoire du cinéma.

dimanche 7 octobre 2007

Sa Majesté le Téléchargement

Sur son blog lancé à l'occasion de la post-prod de Sa Majesté Minor Jean-Jacques Annaud a pris le temps de répondre à quelques internautes. L'un d'eux, James, s'interrogeait en août sur le téléchargement et l'intêret de ses questions consistait moins dans leur précision dans l'idée de structurer le débat que sur son point de vue totalement neutre de consommateur mis devant le fait de tarifs abusifs pratiqués par les majors et par les grosses chaînes d'exploitation.
Par exemple Minor sort le 10 octobre 2007 en France, il est certain de pouvoir le télécharger au minimum le jour même de la sortie si il n'y à pas d'avant-première.

Personnellement je suis contraint de constater que c'est quasi normal maintenant. A 10€ pratiquement la place, il est impossible de voir plus de 2 a 3 films récents par mois (il faut compter le budget dvd, internet, media vierges etc....).
La réponse de JJ Annaud est malheureusement en fichier audio mais si vous avez 5 min je vous conseille de l'écouter car le réalisateur y fait preuve d'une honnêteté et d'une franchise qui détonne dans la mauvaise foi ambiante des grosses compagnies gripsou, crispées sur leur rente de situation et osant gueuler à la mort de la création. La Création, un mot qu'elles ne comprennent d'habitude que préalablement traduit en gros chiffres et converti en produit financier affichant tel taux de profitabilité avant intérêts, impôts et amortissements.

MAJORS CONTRE MINOR

Si Jean-Jacques Annaud est honnête dans l'expression de son point de vue il n'empêche qu'il est marqué par les arguments martelés par ceux qui sont du côté du manche (et pas manches pour investir dans la communication, le lobbying, bref taper où il faut). D'abord, et on ne le répétera jamais assez, le terme de piratage ne s'applique qu'à ceux qui commercialisent des copies illégales. Annaud évoque ainsi dans un exemple Malgache l'argument que les copies pirates détruisent la création. Personne ne le nie, personne ne veut protéger les contrebandiers qui pillent sans vergogne un répertoire pour s'enrichir. Si on met la culture et la diversité culturelle sur un même plan que la santé et l'ordre publics il n'y a pas de raison de traiter les pirates avec plus d'indulgence que les trafiquants de drogue.

Le téléchargement est un problème complètement différent, qui alimente il est vrai le problème du commerce pirate dans les pays où le tarif d'une connexion ADSL, rapporté au niveau de vie des habitants, relève du luxe. Est-ce que cela veut dire qu'on devrait brider le déploiement d'Internet dans les pays les plus développés ? Évidemment c'est complètement illusoire. Les fournisseurs d'accès sont-ils malhonnêtes en vantant les performances de leurs offres qui favorisent le téléchargement massif ? Pas plus que les Majors quand elles viennent pleurer en jouant les mécènes de la création musicale et cinématographique. C'est là le point le plus douteux dans l'explication de JJ Annaud : s'il y a une lutte stratégique entre fournisseurs d'accès et fournisseurs de contenu, il n'y a pas de gentils et de méchants.

Enfin JJA conclut sur le fait que le téléchargement tue dans l'oeuf les nouveaux artistes, pas ceux, comme lui, bien installés ni les maisons de production qui ont de la ressource. Pourquoi prendre un exemple isolé et dépeindre Internet plus comme une menace mortelle que comme une opportunité formidable ? Oui il y a quelques années les jeunes artistes ne savaient pas encore comment profiter d'Internet pour se faire connaître plus vite, mieux etc. mais ce n'est plus vrai. Internet ouvre de nouveaux horizons, le téléchargement est un principe de base, disons (par provocation) un point de détail dans l'histoire de l'Internet : Internet se développe grâce au progrès technique qui permet de transférer plus de données plus vite, mais ce n'est que le socle technique. Si on s'arrête à ça il faut condamner Internet (et les esprits -nantis- les plus conservateurs ne s'en privent pas) en bloc (et en blic) et refuser tout ce qu'Internet peut apporter. On ne peut pas prendre un traitement et exiger que les effets secondaires ne se manifestent pas, il faut savoir pourquoi on suit un traitement, connaître les effets secondaires et s'y préparer. Aujourd'hui toute personne ouverte sur le monde et l'actualité des nouvelles technologies veut utiliser Internet, en profiter et y apporter sa contribution. Au milieu de tout ça les effets secondaires du téléchargement ne sont que des problèmes techniques que l'ont se doit de surmonter avec le plaisir de trouver derrière une utilisation riche au point d'être illimitée dans son potentiel.

Aujourd'hui nous sommes tous des Minor perdus face aux Majors qui veulent nous culpabiliser dans l'utilisation d'Internet qu'elles n'ont pas voulu anticiper parce qu'elles faisaient de très grosses marges sans. Internet c'est du pouvoir rendu au consommateur lambda, à lui de le saisir. Sans être une démarche réfléchie et organisée le téléchargement de mp3 ou divX participe à un mouvement général qui pousse tout le monde à être créatif, y compris les grosses boites qui somnolaient sur leur business model d'un autre âge. C'est la Guerre du Feu monsieur Annaud, une fois le feu acquis à l'humanité il n'y aura plus de raison de se battre pour des flammèches. Tout ça ne peut vraiment pas empêcher des créateurs comme vous de garder la flamme et d'espérer que d'autres viennent y allumer leur inspiration. S'il y a dans tout ça un Feu Sacré c'est Internet, et personne ne pourra l'éteindre, heureusement.

dimanche 30 septembre 2007

Beginners' Method ou la méthode des quotas appliquée au cinéma

Je suis toujours étonné par l'indulgence dont peut bénéficier un film relativement médiocre simplement parce qu'il est un poil (plus ou moins large) original. Hé oui, pour faire un bon film il faut un peu plus qu'une bonne idée de départ. La bonne idée de départ c'est celle qu'on voit, mais toutes les autres bonnes idées doivent venir en soutien pour lui donner corps.

El Método (La Méthode, sorti il y a 1 an en France) avait pourtant l'avantage d'être adapté d'une pièce de théatre (El Método Grönholm) qui permettait d'identifier les points forts, les faiblesses et les besoins en matière de mise en scène pour le passage sur grand écran. Mais bon, avoir une bonne idée ne signifie pas avoir du talent et la production hispanique est tellement dominée par Almodovar qu'un petit film vaguement original a vite fait de rassembler les frustrations nationales dans un marché écrasé par les films US. J'avais déjà noté ça pour le très moyen film argentin 9 reines (Nueve Reinas). Sur ces 2 films je note que les réalisateurs ne m'ont pas donné tort restant dans l'anonymat cinématographique complet. Il n'y a pas de coïncidence à ce niveau là, si un réalisateur a une imagination débordante, un vrai talent visuel narratif, il y a forcément quelque chose qui va émerger, il va se débrouiller pour réaliser ne serait-ce qu'un film fauché où il va démontrer ce dont il est capable.

Petite parenthèse sur Kounen : ce mec a placé la barre vachement haut niveau sens visuel, mais il s'est avéré très tendre au-delà du superficiel (raconter une histoire, faire vivre des personnages, gérer le rythme d'un film et faire la différence entre celui des personnages et celui de l'histoire racontée...). 99 francs promet d'être visuellement réussi dans chaque sketch qui le compose, mais ça restera un film à gags légers reposant sur un personnage pas positif du tout et qui justement se cherche. C'était déjà le problème du bouquin (que j'ai jeté au bout d'environ 60 pages) et je ne vois pas trop comment ça peut donner un film intéressant, au-delà des gags. Le public des moins de 16 ans de Jean Dujardin ne va pas s'y retrouver, et les autres ne vont pas apprécier un film pas réconfortant du tout. Dur de faire une comédie qui attaque de front les certitudes des consommateurs...
Ceci dit, sur un malentendu tout est possible.

El Método commence de la pire des manières qu'il soit. Réveil-matin, petit-déjeuner... les différents protagonistes du film émergent pour se rendre dans le lieu du huis-clos. C'est honteux qu'une équipe de professionnels puisse pondre un début autant dénué de créativité. Le tout pour habiller un générique sur fond de split-screen sans aucune espèce d'intérêt. On est dans du remplissage au ras des paquerettes par rapport au matériau de base qu'était la pièce de théatre. A l'heure où les séries télé US deviennent plus créatives que les films c'est totalement inacceptable. Cela fait au moins 50 ans que les génériques ciné ne sont plus conçus que comme de vulgaires pages de titre, mais intégrés à l'expérience filmique pour plonger le spectateur dans une atmosphère. D'ailleurs certains films se passent très bien de générique. Trainspotting en faisait l'économie par exemple et c'était bien pensé vu que le rythme élevé du film n'aurait pas supporté l'intrusion de vagues de lettres dans ses images.

Le démarrage pitoyable d'El Método montre une fois de plus qu'un film montre ce qu'il a dans le ventre dans les 10 première minutes. Avec une seule idée le film ne peut pas être bon sur chaque bobine, et a fortiori pas la première puisqu'il va diluer cette idée sur tout le métrage. Si je prends le principe de la méthode des quotas, n'importe quelle scène prise au hasard doit donner envie de voir le film ou de l'éviter. Comme heureusement personne ne va au cinéma avec une approche de statisticien c'est les premières scènes du film qui doivent convaincre. Certes l'échantillon n'est pas pris au hasard dans la continuité du film mais il est pris au hasard dans la créativité de l'équipe qui l'a pondu. A moins évidemment que le réalisateur/scénariste soit partis sur une scène géniale qui ne débouche sur rien. C'est très rare. Si le génie peut frapper au hasard il peut le faire sur tout un film, et en l'occurrence je n'ai pas d'exemple en tête. Un film va plutôt décevoir dans son ensemble, pas par rapport à une scène d'intro ; en général les petits malins vont plutôt essayer de faire une fin d'esbrouffe qu'une intro trop puissante, justement de peur de ne pas pouvoir assurer derrière.
Ma critique d'El Método sur IMDb (en)

Beginners' Method - alternative ending

(1 après j'ai dillué un peu la fin de ce post, pas forcément pour le meilleur, mais je vous laisse juges)

Le démarrage pitoyable d'El Método montre une fois de plus qu'un film donne un idée de ce qu'il a dans le ventre au cours des 10 première minutes. Avec une seule idée le film ne peut pas être bon sur chaque bobine, et a fortiori pas la première puisqu'il va diluer cette idée sur tout le métrage. Si je prends le principe de la méthode des quotas, n'importe quelle scène prise au hasard doit donner envie de voir le film ou de l'éviter. Comme heureusement personne ne va au cinéma avec une approche de statisticien c'est les premières scènes du film qui doivent convaincre. Certes l'échantillon n'est pas pris au hasard dans la continuité du film mais il est pris au hasard dans la créativité de l'équipe qui l'a pondu.
Dit autrement, si le réalisateur s'attache particulièrement à soigner la scène d'intro :
  • soit il arrive à rester sur ce tempo (sans s'essoufler, c'est un tour de force),
  • à jouer des pleins et des déliés (maitrise parfaite de son histoire et de son équipe),
  • ou au moins sur des nuances chromatiques (soin maniaque apporté au cadre et au jeu d'acteur ; cas du huis-clos par exemple, très bon juge du talent de metteur en scène pur, çàd d'un metteur en scène qui recherche l'émotion dans le cadre plutôt que de la préconcevoir dans son découpage, dans l'action).
Dans tous ces cas le film fonctionne bien et a des chances d'être même très bon.
Sinon le film,et le spectateur, piquent du nez très vite. Le pire étant un film qui devient de pire en pire, de plus en plus abscons à mesure que la fraicheur des personnages et des situations s'estompe. Ici le réalisateur n'arrive pas à faire illusion, pour une raison qu'il n'a malheureusement pas identifiée assez tôt. C'est peut-être son talent, et cette dure vérité est d'autant plus dure à accepter qu'il a réussi un film avant (par hasard, ou parce que des critiques se sont enthousiasmés pour des raisons qui échappent au spectateur).
A contrario si l'échantillon des 10 premières minutes, ce sacro-saint first reel contact qui a son équivalent dans la littérature avec l'incipit, n'est pas bon, le film ne sera pas bon, et rien dedans n'aura eu l'occasion de faire au moins illusion.

Bref, s'il peut exister des films, globalement décevants, dont les 10 premières minutes promettaient beaucoup, aucun exemple ne me vient en tête, et si je ne m'en rappelle pas c'est comme s'ils n'existaient pas.


PS1 Matrix n'est pas un mauvais film, en revanche je m'en souviens de son entrée en matière époustouflante puis d'un gros coup de mou quand les frères Wachowski commencent à délayer leur explication du pourquoi du comment. Après c'est du jeu vidéo, entrainement puis balles réelles : très faiblard d'un point narratif. J'ose espérer que ceux qui l'on revu sur un petit écran on nettement mieux vu ses gros défauts.

PS2 La structure huilée d'un James Bond fait commencer chaque film par un prologue plutôt bien vitaminé : les spectateurs sont obligés de se presser pour ne pas en rater une miette, puis le générique leur laisse le temps de bien s'installer, mais ils sont déjà dans l'ambiance et le rythme peut repartir de nettement plus bas. Bémol avec Casino Royale (Casserole Royale pour moi) : le prologue est une honte pour la franchise 007, ils l'ont tourné à l'arrache pour plaquer là le côté bien rugueux de la nouvelle mouture aux machoires crispées, aux muscles tendus (mais si tendu du slip que ça), alors que la poursuite Yamakasi à Madagascar, quoi que complètement dénuée de sens narratif (franchement faut travailler votre McGuffin les gars), est un moment d'anthologie. Personnellement j'ai un faible pour la poursuite en Sibérie qui ouvre A View to a Kill, mais là c'est époustouflant à un autre niveau.

vendredi 21 septembre 2007

Le Cinéma de demain (1) - L'exploitation

Il y a longtemps qu'on n'a pas fait le point sur ce que le cinéma sera demain. Les nouvelles technologies numériques ont laissé la place à beaucoup de fantasmes, elles ont autant suscité de peur que d'espoir, mais on n'a jamais pris le temps de se poser pour réfléchir.

Partons de points concrets, c'est à dire d'abord les salles.

L'évolution des 15 dernières années a vu la naissance des multiplexes, sorte d'hypermarchés du cinéma où les spectateurs sont parqués entre un café plus ou moins cosy, un stand de friandises et une file d'attente (monstrueuse le week-end pour les salles de plus de 300 places).
Dans la grande rationalisation amenée par le multiplexe il y a eu la possibilité de diffuser une même copie dans 2 salles, presque simultanément (système interlock où une bobine court sur des rails entre deux cabines de projection). Ce système n'aurait évidemment plus lieu d'être une fois toute la projection passée en numérique, ce qui représente un coût trop élevée aujourd'hui. Mais les technologies évoluent tellement vite que 2010 ne parait pas trop tôt pour imaginer un nouveau changement fondamental dans l'exploitation.
Si la projection numérique ne progresse pas plus vite, c'est que se pose en premier la question de sécuriser les flux. Le problème ensuite c'est que personne n'est trop pressé d'y passer, personne ne veut trop s'avancer sur un sujet sensible : détourner le regard ou un pas de côté valent mieux qu'essayer d'avancer pour le job des gens en place (et qui ont dû manœuvrer longtemps pour arriver en place). Avec des cabines de projections reliées à Internet on peut imaginer un système de clés, générées en fonction de l'heure de la séance pour un projecteur donné, et valables uniquement pour une projection donnée. Ici on touche au domaine des DRM entièrement acceptables par tous puisque la copie en question est simplement loué par un distributeur. Concernant le possible piratage des flux en sortie, le marquage de la copie (par un code incrusté dans des images du film) en cours de projection pour identifier la séance permettrait de s'assurer que l'exploitant respecte son contrat.

Ceci dit il reste à voir ce que la projection dématérialisée (ou presque, vu l'importance du projecteur/ordinateur dans ce nouveau système) va changer concrètement dans le rapport de force. Si c'est pour renforcer l'effet multiplexe, non merci. Le seul intérêt serait de ramener les projection dans ces mêmes lieux fuis par la rationalisation à outrance : petites salles de quartier, de villages, ciné-club occasionnels... Dans ce mouvement, les investissements à rentabiliser n'étant pas ceux de gros bunkers climatisés-moquettés-aseptisés décidé par des grands groupes financiers, le coup d'une séance ciné devrait être revu nettement à la baisse. Le cinéma devrait être à 3 euros en semaine, 4 le w-e, voire 4 et 5€ dans les grandes villes. Il y a eu trop de lobbying contre cette tendance, la seule qui favorise un cinéma populaire, ces 15 dernières années, justement pour défendre la rentabilisation rapide des multiplexes.

A suivre dans la deuxième partie, The Long Tail of Movie Distribution, ou comment la programmation des salles ne sera plus décidée d'en haut. (EDIT: finalement ce sera la 3e partie puisque James Cameron en personne s'est invité pour expliquer comme le cinéma pourrait évoluer sans isoler les petites salles par la nécessité d'investir dans le tout numérique

jeudi 20 septembre 2007

Ça sème des taxes, encore et encore

Après la taxe sur la copie privée, un impôt décidé unilatéralement grâce à un très bon lobbying (le lobbying est d'autant plus efficace qu'il y a moyen de financer les partis, pratique assez peu transparente en France) la loi DADVSI a carrément criminalisé de fait toute copie privée (mais sans officiellement mettre un terme à ce droit : il n'est plus possible théoriquement de l'exercer sans enfreindre la loi DADVSI).

Normalement il suffirait de mettre à jour le logiciel fiscal pour que disparaissent toutes les taxes prenant leur justification dans l'existence du droit à la copie privée. Mais non, on continue à imaginer de nouvelles taxes. C'est rigolo, il suffit de se retrouver entre amis et de passer en revue les nouveaux supports numériques, comme à un défilé de mode. Sauf que c'est pas pour acheter, c'est pour taxer ceux qui vont acheter.
C'est pas le plus beau métier de maquereau du monde ça ? Du shopping où on fixe ce qu'on va empocher sur des produits qui ne nous doivent rien (bien au contraire, si on ne pouvait pas les taxer on aimerait bien les interdire, et pourquoi pas les brûler ?).

Les disques durs multimédias ou « médiaplayers » sont dans la ligne de mire de la commission d'Albis, chargée d'établir les rémunérations pour copie privée à appliquer aux supports numériques. Ils se présentent sous la forme d'un boîtier autonome à brancher sur un téléviseur et une chaîne Hi-Fi, intégrant un disque dur et des fonctions de lecture de fichiers multimédias et, parfois, d'enregistrement. Ces jukebox multimédias, fournis avec une télécommande, permettent principalement de lire des DivX ou des MP3, sans recourir à un PC.

A lire sur ZDnet

Pour le coup il faut avouer que ce support intéresse en majorité ceux qui téléchargent (dont une grosse majorité ne téléchargent pas en payant). Le problème est donc moins sur le plan du racket que présente cette future taxe, mais sur le plan de la logique économique. A partir de quel niveau de taxe le distributeur français sera complètement débordé par les imports des pays européens ? Les (plus gros) consommateurs se regroupent déjà pour faire ce genre d'achats, sans parler des régions limitrophes de pays plus cléments, donc même en calquant le niveau de taxation sur des frais de transport intra UE le distributeur français se retrouve amputé de quelques mètres de linéaire pour des produits stars dans ses rayons de Noël.
Mais que fait M.E. Leclerc ?

vendredi 14 septembre 2007

Celtx 0.9.9.5 : traitement de texte pour scénario et bien plus...


Dernière version avant la version 1 (?) Celtx 0.9.9.5 est sorti hier. Pour les changements qui se voient en un clin d'oeil il suffit d'admirer le look nettement modernisé de l'interface (cf. image ci-contre).

Télécharger ici Celtx 0995 (OS X, Windows, Linux - 32bits seulement - en anglais et déjà en français !)

Nouveautés Celtx à découvrir donc :

  • Des nouveaux formulaires de développement d'une trame (pour ceux qui aiment traîner des pieds avant de passer aux choses sérieuses)
  • Un éditeur de scénario différencié suivant que vous travaillez sur un film, une pièce de théâtre, un documentaire ou autre projet audiovisuel nécessitant d'avoir deux colonnes pour décrire le son et l'image séparemment (Script AV), une pièce radiophonique ou enfin un simple document en texte brut (ça ne remplacera pas votre traitement de texte préféré mais c'est toujours utile de ne pas avoir à ouvrir les très lourds MS Office ou Open Office juste pour créer un petit texte, mettre de côté des notes etc.).
  • Typeset : l'avantage de base de Celtx, encore amélioré. Le formatage scénario de votre texte, c'est normalement pénible, ici il suffit de faire un copier-coller d'un document texte antérieur ou de saisir action, noms des personnages avec leur dialogue juste en se servant de la touche entrée et de celle de tabulation. Typeset anticipe d'ailleurs le formatage du bloc de texte suivant. Tout ça devient tout de suite indispensable.
  • Les fiches indexées : chaque scène est présentée sous forme de fiche (visionneuse en mode séquencier pour les habitués à Final Draft) au dos de laquelle il est possible d'ajouter des notes. Très pratique pour avoir une vision d'ensemble de tout un pan de son scénar, éventuellement imprimer les fiches pour jouer avec sur un mur recouvert de liège (c'est très pratique mais je n'ai pas encore vérifié si Celtx gère déjà l'impression recto-verso des fiches, notamment en fonction des imprimantes qui gèrent toutes seules ou pas le recto-verso).
  • Autre nouveauté qui fera plaisir à ceux qui utilisent maintenant Celtx très régulièrement (et qui ne peuvent presque plus s'en passer) : la possibilité de créer des modèles pour tous les documents que Celtx vous propose de créer à partir de modèles standards (ceux qui n'aiment pas la standardisation US Courrier 12pt vont pouvoir s'amuser et perdre avec le logiciel le temps qu'il est censé leur faire gagner...).
  • et la prévisualisation story-board et dépouillement, l'organisation en dossiers, la fonction plan de travail et rapports, les sauvegardes, la collaboration... tout ça a encore été amélioré !

    En revanche ce qui n'a pas changé c'est que Celtx, construit sur la base de Firefox (et son moteur de rendu Gecko), est libre et gratuit ! Comment font-ils alors ? Des publicités bien-sûr, intégrées à l'interface (pas celle de travail, juste le menu d'ouverture de l'application) pour promouvoir des festivals, des concours de scénario... Et ils proposent aussi de faire bénéficier de leur savoir-faire technique.

    Bon appétit !
  • mercredi 12 septembre 2007

    Ça sème pas beaucoup, mais qu'est-ce que ça récolte...

    Le scandale du racket Sacem & co. continue son petit bonhomme de chemin.

    Au départ, il y a plus de 20 ans, cette taxe a été imposée sur les supports vierges, d'abord cassettes puis CDs, DVDs (et aujourd'hui lecteurs mp3 et autres iPod), pour contre-balancer le principe de "copie privée", bête noire de la Sacem. Puisqu'il n'y avait rien à faire au niveau juridique contre ce droit à la copie privée, ils ont poussé au niveau lobbying (la Sacem est une véritable maffia au fonctionnement opaque, et aux dépenses de fonctionnement... enfin disons qu'il y a beaucoup d'argent qui transite par ses caisses).

    Au passage vous noterez que cette taxe reconnaît implicitement le "piratage" et le légalise. Si la copie privée est un droit, une taxe sur les supports vierges n'a de sens que pour compenser les comportements d'abus de ce droit. Cet abus, que ces messieurs Sacem, Universal etc. s'empressent de nommer "piratage" n'est en fait qu'une "infraction naturelle" face aux prix pratiqués par toute une industrie trop occupée à compter les bénéfices d'une rente de situation pour imaginer que les temps peuvent changer.

    Cette taxe qui veut aujourd'hui contre-balancer les "effets pervers du téléchargement gratuit" n'empêche pas les autorités de continuer à pourchasser autant ceux qui téléchargent beaucoup (en tout cas pas de manière discrète) que les véritables pirates qui, eux, font le commerce de copies illégales (et donc s'enrichissent sur le dos des autres). Il y a là l'application d'une double peine.
    Vous me direz : "les gens qui téléchargent ne gravent pas nécessairement le produit de leur surf miraculeux et ne paient donc pas cette taxe en proportion du profit (personnel, pas commercial) qu'ils en tirent." A côté il y en a aussi d'autres qui paient cette taxe pour faire des copies privées sans abuser de leur droit, ou simplement pour graver des sauvegardes : quelque minoritaire que puisse être cette utilisation des supports vierges, la taxe est déjà suffisamment injuste.

    Mais ce n'est pas tout : la taxation d'autres supports vierges, annoncée plus tôt, a été décidée et le décret d'application est paru au Journal Officiel de dimanche dernier. A compter du 1er octobre prochain clés USB, cartes mémoires et disques durs externes tomberont sous le coup de cette taxe inique. Qui peut dire que les clés USB, cartes mémoires et disques durs externes servent essentiellement à stocker des fichiers copiés illégalement ? Et même, la Sacem (et la SACD, l'ADAMI..., représentants des producteurs sonores et audiovisuels qui se partagent la taxe) rémunère-t-elle les éditeurs informatiques dont les logiciels et jeux sont en proportion autant copiés illégalement (et véritablement piratés puisque les protections sont systématiquement "crackées" ou du moins les licences d'utilisateur contournées) ?

    Comment rester impassible face à ce racket élargi à des supports servant, plus que les CDs ou DVDs, à bien d'autres choses qu'à stocker de la musique et des films ?

    Bref cette taxe est un scandale. Pas sûr que Bruxelles puisse quelque chose mais l'action est en cours et il vaut mieux faire du bruit autour de cette histoire que de laisser un dossier se perdre entre les bureaux de la Commission Européenne.
    Les sociétés chargées de percevoir la taxe pour copie privée sont peut-être en infraction avec le droit européen.


    Pour passer à l'action c'est simple : il suffit d'acheter ses stocks de CDs/DVDs/clés USB... en Allemagne, par ex., où les tarifs sont très compétitifs et pas soumis à un impôt totalement anti-démocratique. L'Allemagne c'est dans l'Europe donc il est parfaitement légal de se fournir là-bas et de ne pas reverser la taxe Sacem.
    Peut-on accuser de concurrence déloyale des cybermarchands étrangers commercialisant des CD et DVD vierges en France au motif qu'ils ne s'acquittent pas de la taxe pour copie privée ? Selon la Cour d'appel de Paris, non.



    Pour ceux qui ne veulent pas s'embêter à acheter un DD externe à l'étranger il y a toujours la possibilité d'acheter séparemment en France un DD interne et un boîtier externe pour l'y loger, ça a toujours coûté nettement moins cher.


    Rappel du montant de la taxe appliquée à compter du 1er octobre sur Clés USB, DD externes et cartes mémoires ici.

    dimanche 9 septembre 2007

    Les Morts et les Morts Vivants

    Depuis un an et cette été encore pas mal de grands noms du cinéma ont disparu. Avec Ingmar Bergman disparaissait le dernier géant du premier siècle d'histoire de cette lanterne magique améliorée devenue le 7e Art. Bergman, avec Griffith, Murnau, Lubitsch, Lang, Hitchcock, Capra, Kazan... faisait partie d'une liste très restreinte de réalisateurs qui s'étaient impliqués dans le cinéma pour le faire avancer et montrer qu'on pouvait toujours en attendre plus. La Nouvelle Vague a voulu résumer ça en parlant l'auteurs, pour se les rendre accessibles d'abord en tant que cinéphiles mais avec une grosse arrière-pensée d'assurer leur propre propagande en vue de s'octroyer une place (de figurant) au Panthéon du Cinéma.
    Tiens ça me fait penser que Godard n'est toujours pas mort. Enfin, tant qu'il arrête de parler de lui (càd de parler de cinéma comme si c'était lui qu'il l'avait inventé), ça reste supportable.

    Il y a ceux qui sont morts, et puis il y a ceux qui sont complètement à la ramasse dans le cinéma d'aujourd'hui. Des morts-vivants en quelque sorte. Alain Corneau a fait quelques très bons films noirs entre les années 70 et le début des 80s. Pas des chefs d'oeuvre, rien d'innovant ou qui suscite des vocations, mais de très bons films. Ce succès aidant il s'est vu confier des budgets énormes pour des films qui ne le concernaient peut-être plus vraiment en tant que cinéaste. En tant qu'homme avide de reconnaissance il avait en revanche très certainement envie de faire Fort Sagane. Quand il a livré le Prince du Pacifique est-ce qu'il avait encore envie de faire du cinéma comme 30 ans plus tôt ? Dûr à imaginer.
    En tout cas on l'a branché il y a quelques années sur un gros projet, a priori du cousu-main pour le Corneau d'il y a 30 ans : un remake du Deuxième Souffle, un film de Jean-Pierre Melville adapté de José Giovanni.

    AUTOPSIE D'UN PLANTAGE ANNONCÉ

    Mettons qu'Alain Corneau ne soit pas fatigué et pas perdu sur une prod où un petit malin s'est dit "remake + gros budget = carton assuré", le genre de recette qui rend vite zinzin un producteur. Faut dire qu'avec un tel problème de certitudes mal équarries n'importe quel producteur aurait vite fait de se rengorger de son génie pour laisser son cerveau au vestiaire des avances sur recettes du CNC.
    Mettons que le film de Melville/roman de Giovanni laisse la place à une nouvelle version. Une interprétation moderne, par exemple.
    Ce n'est pas trop demander et pourtant à voir la bande-annonce il y a de quoi être atterré par l'accident industriel.


    Un film rétro, ambiance années 50, c'est risqué mais soit, c'est le boulot du producteur de mesurer et prendre des risques. Mais un film noir avec couleurs acidulées, une lumière sans ombres profondes... c'est à croire qu'on peut être beaucoup de professionnels à travailler sur un projet et faire quand même des choix aberrants.
    La bande-annonce du Deuxième Souffle (version 2007 démasterisée) c'est, au niveau visuel, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, sauf que pour en rire il faut être sacrément vicelard, détester viscéralement ARP, la famille Pétin ou encore s'appeler Alain Corneau, avoir pris énormément d'argent sur le film et n'avoir aucun amour propre.
    Leloup retournait le Corneau dans la plaie en me rappelant combien, sur une base similaire (roman noir situé dans les 50s) L.A. Confidential était réussi. Faut dire que Russell Crowe c'est pas Ugolin. Je veux bien reconnaître le talent de Daniel Auteuil pour incarner des petits gringalets, des français moyens plus ou moins denses, plus ou moins tourmentés, mais pour reprendre un rôle de truand créé par Lino Ventura, pfffff... ça fait cher l'erreur de casting.
    On parle de Monica Blonducci ? Non, inutile de tirer sur un corbillard.
    Le Deuxième Souffle, embaumé par Alain Corneau, une formolité ARP : rapport d'autopsie le 24 octobre (une semaine avant Halloween et son cortèges d'horreurs volontaires)

    Heureusement dans cette année marquée par nombre de disparitions j'ai vu La Vie des Autres. Voilà qui fait oublier toute la médiocrité que j'ai pu subir sur les écrans depuis dix ans, sans parler de ce que j'ai évité.

    dimanche 15 juillet 2007

    Projections en plein air 2007

    Enfin il fait un temps propice aux douces soirées cinéphiles : les projections ont déjà commencé hier dans le 13e arrondissement avec Chacun cherche son chat.

    Suite et fin du programme :
    Happy Times de Zhang Yimou le samedi 21 juillet (22h)
    Miss Daisy et son chauffeur de Bruce Beresford le samedi 28
    La faute à Voltaire d'Abdel Khechiche le samedi 4 août

    A la Villette large choix (sélection nettement au-dessus cette année) à partir de ce mardi 17 et jusqu'au 26 août.
    A noter : Volver (Soirée Ben & Jerry's à volonté), L'enfance nue, Affreux sales et méchants, Tess, All About Eve, Noblesse Oblige, Le Roi et l'Oiseau, The Philadelphia Story, Accatone, Giant...

    Trois fois moins de dates (13) pour le Cinéma au Clair de Lune du Forum des Images du 1er au 19 août dont le charme consiste à investir un quartier de Paris en rapport avec le film du soir. A noter que Sofia fifille Coppola est la choucou des programmateurs puisque Marie-Antoinette est à l'affiche à 2 semaines d'intervalle à la Villette et dans le Parc Montsouris (rapport avec Marie-Antoinette : un parc ?).
    Hors des effets de mode bobo on retiendra Un Héros Très Discret (le 5, parc de Choisy - 13e), La Bandera (12, pl. H. Queuille - 7e), Haute Pègre (17, Montsouris - 14e) et une séance aux abords des Champs-élysées pour A bout de souffle qui reste le film de Godard le moins prétentieux, le plus "naturel" même s'il est déjà bien marqué par la tentation du bon mot d'auteur qui se suffit à lui-même.

    Fichier récapitulatif des 3 programmations à télécharger ici.

    mardi 10 juillet 2007

    Le talent et ses petites contrariétés

    Je me souviens très bien avoir été marqué par le ton sûr de lui, limite fanfaron, de Roman Polanski dans une interview de Michel Ciment (compilation d'interviews sur des réalisateurs expatriés aux US). A l'époque je n'avais pas encore vu Rosemary's Baby et je dois dire après coup que la qualité du film justifie toutes les certitudes de son réalisateur sur son travail en question et son talent en général.

    J'ai récemment vu Le Locataire (tourné à Paris en 1975) qui constitue un dyptique avec Repulsion (tourné à Londres, 1964) voire une trilogie avec Rosemary's Baby (tourné à NY, 1967). Si le talent du réalisateur se manifeste avec autant d'éclat dans chacun de ces films je n'en dirais pas autant de l'intérêt cinématographique, c'est à dire l'intérêt pour le spectateur qui veut voir un film qui le passionne et lui fasse ressentir un large panel d'émotions ou éventuellement quelques émotions fortes bien choisies.
    Autant Repulsion que Le Locataire embarquent très loin le spectateur dans le partage de la névrose paranoïaque de leur héros. Ceci est magistralement réalisé, rien à redire, seulement comment se satisfaire d'un film où l'on observe le héros plonger après avoir eu le temps de s'identifier puis de le juger et enfin de s'en moquer (Le Locataire laisse beaucoup de place à l'humour noir, humour d'abord justifié par la position gauche, naïve et veule du héros qui tourne finalement à l'autodénigrement) ? Que le personnage principal soit fort ou faible la distanciation en cours de route n'est pas possible. Sans pousser trop loin dans la théorie un cinéaste signe un contrat avec son public sur la base des 10 premières minutes du film. Le contrat est rempli à partir du moment où le film nous amène où il veut pourvu qu'il ne renie pas ses fondations.

    Quels peuvent être les problèmes rencontrés par un artiste talentueux ? D'abord qu'il n'ait pas ou plus confiance en lui et se retrouve impuissant à pratiquer son Art. Malheureusement un autre écueil guête l'artiste trop sûr de son talent, trop c'est à dire dès lors qu'il n'est plus possible de lui opposer des critiques, aussi constructives soit-elles, soit parce qu'il dégage une telle assurance qu'il intimide ses collaborateurs, soit parce qu'il refuse explicitement que l'on ose remettre en question ses choix, sa capacité à faire les bons choix, donc ce qui scelle la réalité de son talent.

    Sur le Locataire on peut déceler chez Polanski l'ambition de faire un film kafkaïen, avec un héros seul au milieu de tous, peu à peu dévoré par son environnement. Je ne crois pas trop m'avancer en imaginant un parallèle entre ce film et La Métamorphose. L'ambition est louable mais Polanski s'est peut-être rendu compte en cours de route qu'on ne peut pas adapter Kafka à l'écran (il adapte ici avec Gérard Brach un roman de Topor) parce que l'introspection est trop compliquée, trop pesante, à rendre. Sur la durée d'un film on est obligé d'avoir des points de repère en dehors de la perception du héros : difficile alchimie que de construire ce décallage sans faire faire le grand écart au spectateur. Ceci expliquerait les touches d'humour noir très détachées du sujet, véritables clins d'oeil/respirations introduites par le réalisateur (à moins qu'elles n'existent déjà chez Topor) pour nous éloigner de temps à autre de la spirale infernale dans laquelle s'engage ce personnage principal qui n'est en soit ni particulièrement sympathique ni fondammentalement intéressant.
    Ou alors Polanski s'est simplement complû à torturer ce personnage qu'il interpète, et nous à sa suite, comme il l'avait fait avec celui de Catherine Deneuve dans Repulsion, imaginant un nouveau genre : le film d'horreur réaliste, le fantastique psychologique, genre qui intellectualise le simple film d'horreur ou fantastique, mais genre finalement très frustrant pour le spectateur. On ne joue plus à se faire peur, à se perdre dans des méandres aussi inquiétants que fascinants, au contraire on se torture à fixer la réalité au microscope, dans ses détails les plus sordides. Une sorte d'autopsie/taxidermie vécue comme un Art d'avant-garde qui s'apprécie en le laissant se nicher sous la peau, au plus près des terminaisons nerveuses.
    Au lieu d'être un appel d'air ce cinéma aboutit à un écrasement du spectateur qui, à moins d'éprouver un plaisir masochiste pour l'auto-mutilation, la scarification, ressent un malaise à la hauteur du talent de la mise en scène.
    + de détails sur ce qui ne marche pas d'un point de vue spectacle dans Le Locataire, comparaison avec Rosemary's Baby : cf. mon commentaire Imdb (en anglais).

    mercredi 27 juin 2007

    BiG Brother vous veut du bien...

    Connaissez-vous l'extension Google Browser Sync pour Firefox ? Je viens de découvrir ça, elle permet de synchroniser les historique des pages visitées, les mots de passe des sessions d'authentification (et autres cookies), les sessions (onglets ouverts lors de la dernière fermeture de Firefox) et surtout les Marques-pages, le tout entre les différents ordinateurs sur lesquels l'extension est paramétrée et installée.

    Evidemment il faut avoir un compte utilisateur perso sur ces ordinateurs sinon vos données sont en accès public sur ce poste.
    Vraiment génial quand on travaille sur au moins 2 ordinateurs (portable, fixe, bureau virtuel sur clé USB) et qu'on se galère à retrouver ses marques-pages, un site visité 2 jours plus tôt etc.

    http://www.google.com/tools/firefox/browsersync/ (uniquement en anglais pour le moment)

    Et une raison de plus de déposer notre profil d'internaute aux pieds des serveurs du Grand Gourou Google, une !

    mardi 19 juin 2007

    Souteneurs de la création

    Les industriels sont beaucoup plus près du pouvoir pour faire valoir leur point de vue sur la copie privée et par conséquent faire infléchir la loi dans leur sens. Déjà je trouvais abusif la taxe sur les CD/DVD vierges puisque d'une part ces supports peuvent aussi servir à autre chose que graver des fichiers piratés, mais de l'autre si on veux les taxer ça revient à accepter l'idée d'un échange de copies "non-officielles" et la taxation des supports comme une solution, voire la solution à développer.

    Là avec la taxe qui va s'appliquer à la rentrée sur d'autres supports on tombe dans l'hypocrisie totale, la même qu'on nous a servi avec le teaser sur la TVA sociale entre les 2 tours des législatives : "la solution miracle c'est d'ajouter quelques points qui vont nous changer la vie." On avance encore un peu vers la taxation des abonnements internet, coincée entre les supports vierges et le support final des écrans LCD qui sont bien entendu le dernier avatar d'un appel au crime généralisé. Mais un crime institutionnalisé par la taxe qui vient calmer les proxénètes de la création qui n'en continuent pas moins à organiser des battues pour filtrer les réseaux P2P. Au bout du compte l'argent des taxes finance les opérations de police des proxos, véritables tonneaux des Danaïdes face à une technologie en perpétuelle évolution.

    Les barèmes de la future taxe pour copie privée sur les clés USB, les cartes mémoires de téléphones et appareils photo, ainsi que les disques durs externes ont été fixés. La commission d'Albis, chargée d'établir les rémunérations à appliquer aux supports numériques, les a validés lundi 18 juin au soir, après quatre heures de réunion.

    Les industriels, favorables à des redevances très faibles, ont réussi à faire baisser ces barèmes de 30% par rapport aux dernières propositions des ayants droit, notamment la Sacem et la SACD. Ils ont également obtenu une baisse de la redevance sur les DVD vierges, qui passera de 1,10 à 1 euro (sur un support 4,7 Go).

    Pour autant ils ne crient pas victoire. «Le prix de ces supports va augmenter», prévient Bernard Heger, délégué général du Simavelec, qui a participé aux négociations. «Sur les disques durs externes par exemple, en ajoutant la TVA et les marges de distributeurs, les tarifs vont prendre de 15 à 20%.»

    Et ça ne fait que commencer puisque les téléphones mp3 et les DVD nouvelle génération (Blu-ray et DVD-HD) feront l'objet d'un petite réunion entre amis d'ici la fin de l'année.

    jeudi 14 juin 2007

    Déjà vu : Scaramouche

    Il y a toujours beaucoup de snobisme à se la ramener pour dire que le film original était mieux que le remake. En plus si l'original date de l'époque du muet on a peu de chances d'être contredit. Pour Scaramouche, version MGM en Glorious Technicolor de 1952 qui, je dois l'avouer, est mon "film fétiche", je suis tombé sur des critiques d'IMDb faisant la moue devant l'infidélité du "remake".

    Il se trouve que j'ai lu le livre de Rafael Sabatini et qu'en effet la structure narrative originale a été nettement élaguée dans la version 1952 par George Sydney qui n'est donc pas un remake du film de 1923 par Rex Ingram, mais vraiment une nouvelle adaptation du roman*. Ce qui est important ici c'est que le roman n'est à la base pas un chef d'oeuvre non plus, donc un scénariste n'a pas de complexe à faire au niveau de ce qu'il trouve utile de changer ou de scrupules à avoir sur ce qu'on peut évacuer. De surcroît les scénaristes de la version couleur ont bénéficié de la version muette pour analyser ce qui marchait ou pas.

    Scaramouche (1923 - Rex Ingram). L'adaptation suit de très près le roman, mais à moins d'être un intégriste on ne peut pas dire que "fidélité" rime avec "qualité assurée". Vouloir garder tout le contexte historique du roman était une gageure et cela nuit largement à l'intrigue centrale. André-Pierre Moreau ne devient jamais Scaramouche au point que le titre est quasi usurpé. Moreau est comme dans le roman le citoyen Moreau qui lutte contre la noblesse et se cache accessoirement derrière le masque de Scaramouche. Le grand écart entre les séquences de foule historiques (grandioses) et l'intrigue privée (scènes tartes comme dans le livre avec en plus une direction très datée) se retrouve ainsi être le plus grand défaut de cette adaptation. Ramon Novarro est lui bon dans un rôle empesé par une conception rigide du héros dans les films Hollywoodiens de l'époque.

    Scaramouche (1952 - George Sydney). On peut dire sans se forcer qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre du cinéma de cap et d'épée. Au-delà le film tient une place à part puisqu'il est très subtil et contourne tous les poncifs du film de genre. On doit ceci àl'intelligence de l'adaptation qui ne reprend du roman qu'une trame générale à partir de laquelle broder une histoire forte et nerveuse (et qui ne se perd pas dans les méandres grandiloquents de l'Histoire). Broder sur le canevas de l'oeuvre originale, c'est bien là le vrai travail de l'adaptation et ici, en plus d'un cadre narratif stimulant il s'agissait de garder une phrase du roman, la meilleure, la toute première.
    He was born with a gift for laughter and a sense that the world was mad.
    Le titre, cette phrase, voilà ce qui compte. Le reste est presque accessoire. Evidemment les premiers adaptateurs n'avaient pas oublié cette phrase mais elle s'est retrouvée perdue dans le feu de l'action (action trop statique dans le cadre étroit du muet pour ce personnage virevoltant). Leurs successeurs, comprenant qu'il s'agissait de l'idée directrice du film l'ont carrément carrément mise en exergue. Au final ils sont bien plus fidèles à l'esprit de cette phrase au point qu'on puisse aujourd'hui identifier Stewart Granger à Scaramouche (au milieu de sa filmo de personnages désabusés) alors que Ramon Novarro interpréte juste un gentilhomme romantique de plus.

    * Parmi les idées conservées on retrouve Napoléon dans les deux versions (alors qu'une recherche rapide dans la version numérisée du livre par Amazon me confirme qu'il n'y est pas fait mention), mais la différence de ton entre les deux présentations du personnage est emblématique du fossé qui sépare la conception des deux films. En 1923 Napoléon est signalé comme un témoin de la prise des Tuileries, référence historique exacte mais sans rapport avec la choucroute. Ils ne pouvaient pas montrer la Tour Eiffel ou Montmartre alors ils ont casé Napoléon. En 1952 le film reprend l'idée pour en faire, tout simplement, un gag (qui, paraît-il, a longtemps été tenu à l'écart des copies françaises) parfaitement dans l'esprit de Scaramouche.

    mercredi 13 juin 2007

    Cinéma à emporter

    J'ai récemment lu deux études qui disaient exactement le contraire quand à l'avenir de la vidéo en ligne. D'un côté le chiffre d'affaire de la VOD culminerait cette année, masquant les limites du modèle (Forrester ; il y a en effet de gros freins technologique pour une adoption généralisée), de l'autre c'est le modèle des vidéos sponsorisées qui devrait vite disparaitre.
    Une chose est sûre malgré tout, l'avenir de la vidéo en ligne sera lié à l'ADSL pour encore un bon nombre d'années, c'est à dire tant qu'on n'aura pas trouvé de technologie plus efficace de démocratisation du haut-débit. Dans cette perspective voici les pays qui mènent la danse :

      Pays    lignes ADSL (M)   population (M)   accès
    Chine (cn)        43,4     1400         3,1%
    Etats-unis (us)   27,51     301         9,1%
    Allemagne (de)    15,66      82        19,1%
    France (fr)       14,63      63,4      23,1%
    Japon (jp)        14,25     127,5      11,2%
    Royaume-uni (uk)  11         60,2      18,3%

    Monde             200       6000        3,3%

    mardi 12 juin 2007

    La télé au cinéma

    Si la télé a bien utilisé le cinéma pour améliorer sa côte glamour depuis l'époque de la petite lucarne grise, le cinéma a toujours eu du mal à représenter la télé (rien ne vieilli plus qu'un écran ou un décor d'émission) et encore plus à la critiquer. Le Grand Carnaval (Ace in the Hole - 1951) de Billy Wilder ne s'attaque pas encore à la télé mais à ce journalisme à sensation qui est maintenant institutionnalisé entre les JT et les reportages coup de poing diffusés par une même chaîne. Un homme dans la foule (A Face in the Crowd - 1957) d'Elia Kazan évoque déjà le pouvoir médiatique que peuvent acquérir des amuseurs publics, gourous improvisés de tout et de rien suivant où leur ambition les porte.
    Vingt ans plus tard Network a plus de recul pour analyser en détail ce que la télé peut devenir (et devient déjà aux Etats-Unis). L'attaque est frontale, l'histoire se passe au sein d'un Network dont la seule valeur se mesure à ses courbes d'audience directement traduites en courbes de parts de marché. Le film avait peut-être un côté anticipation en 1976, même aux Etat-Unis et surtout en France plus de 10 ans avant la privatisation de TF1 et le début du règne de l'Audimat, seulement l'attaque frontale, sans nuance, se désamorce toute seule. Comme si on faisait un téléfilm sur les stars du cinéma ne mettant en scène que la débauche, l'hypocrisie, la paillette recouvrant toute dimension humaine.
    Le film a obtenu 4 Oscars en 77, dont 3 pour l'interprétation ce qui est très rare (le même producteur avait déjà réussi ce coup avec l'adaptation d'Un Tramway nommé Désir) et effectivement quelques scènes sont magistrales, voire un peu trop magistrales parce que le dialogue est trop intelligent et ne se fait pas oublier au milieu d'une distribution où aucun personnage ne mérite qu'on s'y attache. Howard Beale (Peter Finch), le journaliste fini devenu prédicateur New Age, devient vite un pantin balloté par les flots : difficile de s'apitoyer sur un illuminé. Max Schumacher (William Holden) devient assez vite le personnage principal mais il est passablement passif et ses dialogues clairvoyants sonnent d'autant plus faux qu'il ne fait rien pour se battre contre le courant de fond qui entraine toute la chaîne.
    Au final un film très décevant parce qu'il se veut littéralement brillant et oublie de nous raconter l'histoire d'un ou plusieurs personnages attachants, perdus ou qui arrivent à s'échapper de la télé.

    OutfoxedNetwork est ressorti cette semaine mais je conseille plutôt le documentaire Outfoxed, fait avec peu de moyens, sans stars, mais autrement plus passionnant. Peut-être que la plus grosse erreur de Network, dans sa certitude d'être visionnaire et brillant, c'est de ne pas avoir mis en scène la télé comme un instrument de pouvoir mais seulement comme un avatar économique (l'intrigue pourrait être adaptée à n'importe quelle multinationale en crise de croissance).

    mardi 29 mai 2007

    De l'air, que dis-je ? Du cinéma en plein air !

    Maintenant qu'on en a finit avec les avortements en série sur la Croisette on va peut-être avoir le droit de rêver un peu à de beaux films sous un ciel étoilé. Pour la 17e fois la Villette accueillera son écran gonflable géant et avec un programme nettement plus réjouissant que l'an dernier :

    Volver d'Almodovar le 20/7
    L'enfance nue de Pialat le 22/7
    Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola le 23/7
    All About Eve de Mankiewicz le 1er août
    ...et encore Noblesse oblige, Le Roi et l'Oiseau, The Philadelphia Story.

    Un bon équilibre de films à découvrir ou à faire découvrir après un pique-nique entre amis.

    jeudi 26 avril 2007

    Pif-pang-foune : des films pour nous, les hommes

    Cracked.com propose une liste de 11 films (pourquoi 11 et pas 10 ou 12 ?) des films de mecs emblématiques et qui ont mal vieilli. Ou qui ont toujours été tarte.
    Voilà qui tombe bien parce que je songeais à aborder ici les films à propos desquels mon opinion diverge (et dix verges c'est beaucoup pour un seul homme disait Desproges) d'avec l'opinion générale qui devient un lieu commun à force d'être générale.


    En 11e position on trouve Top Gun : un film qui a toujours été kitsch, même en 1986. Pas besoin de rentrer dans le contexte "homoérotique" décrit par Tarantino il y a bien longtemps pour trouver le film risible.

    En 9 The Terminator. Ok les ados abreuvés et lobotomisés à force par les images de synthèse plein la face vont trouver ça un peu léger et la mode des 80s est une catastrophe pour beaucoup de films, mais il faut que reconnaître que le film reste culte pour quelques scènes perdues il est vrai dans des scènes de dialogues endormantes où on attend impatiemment le Terminator.

    En 8 Platoon. Pas revu depuis sa sortie, je me souviens uniquement d'une scène excellente où la sentinelle du Platoon endormi voit surgir des viets au milieu de la nuit dans la jungle, comme dans un rêve qui devient cauchemar.

    En 7 La prisonnière du Désert. Faudra m'expliquer ce qui est intéressant ou subtil dans ce film parce que je vois pas comment des mecs comme Spielberg peuvent le regarder des dizaines de fois.

    En 6 Billy Madison. Quoi ? On parle de cinéma ou j'ai mal compris là ? Heureusement qu'on échappe à ce genre de sortie en France, c'est déjà ça.

    5 : The Shining. Ah voilà un film qu'il est de bon ton de trouver faible. En plus ça permet de rabaisser Kubrick, pas vrai ? Ok c'est loin d'être son meilleur film, mais parce que le matériau de base (un roman de l'autre SK, Stephen King) est limité. Il n'empêche que le film est très réussi. Personnellement je ne vois pas comment on peut évacuer d'un revers de main un film qui comporte une bonne demi-douzaine de scènes magistrales dont un générique et une fin de très grande classe.

    4 : The Exorcist. C'est le film bouc-émissaire des djeunz pour vomir sur les vieux films (même en couleurs et en Dolby tiens), grandement pour la même raison principale que pour Shining : les gens disent qu'aujourd'hui ça ne fait peur à personne, au contraire ça faire rire. Ce qu'il s'est passé c'est que la vidéo est passé par là et a dessacralisé l'acte de regarder un film. On n'est pas aussi attentif devant son écran télé et donc pas aussi respectueux, finalement on prend l'habitude de regarder un film machinalement, concentré entre 50 et 80% sur lui la plupart du temps. Au final quand un film comme l'Exorciste met mal à l'aise on peut se retourner vers ses potes et rire parce qu'on a peur d'avouer avoir peur. Surtout si les autres se vantent de trouver ça drôle. Même pas peur. L'Exorciste est un chef d'oeuvre du film fantastique (la version 2000 Director's Cut n'apporte rien de plus d'ailleurs) et le début du film en Irak est magistral et suffit à couper le sifflet à tous ceux qui veulent encore se la ramener en disant que l'histoire n'est pas crédible (ou alors ils n'avaient qu'à pas arriver en retard).

    3 : Scarface. J'ai déjà abordé le sujet : film irresponsable d'un réalisateur scotché à l'adolescence (De Palma) sur le scénar d'un futur cinéaste qui 1 fois sur 2 a du mal à canaliser ses excès (Stone). Un des rares films que je refuse de revoir tellement je le trouve scandaleux dans son apologie de la violence ET du crime comme une solution pour les exclus de goûter à la fortune et au pouvoir... On ne déplorera jamais assez que ce film soit devenu culte auprès des jeunes de banlieue et des détenus (je ne cherche pas à faire d'amalgame, je constate juste là où l'engouement est le plus communautaire).

    1 : The Usual Suspects. Hé oui, voilà un film qui m'a bien bluffé la première fois comme tout le monde. Et puis en y réfléchissant, comme tout le monde, je me suis dit qu'il était foncièrement malhonnête. A l'opposé de 6e Sens il ment pour nous prendre par surprise. Shyamalan ne nous ment pas mais son film n'a aucun autre intêret que sa chute. Si, il filme beaucoup mieux que Singer dont l'histoire est en revanche très bien bâtie.

    Tiens bizarre pas de Heat dans cette liste ? C'est pourtant un sacré mauvais film caricatural d'un film de mecs fait par des mecs pas finauds pour des mecs bourrins (dire que Michael Mann passe pour un artiste en France...). Ceci dit je ne vois pas en quoi Shining ou l'Exorciste sont des films de mecs ; ça voudrait dire que pour les filles y a que des chick flicks, ces comédies romantiques à la noix ? Bravo la mentalité machiste. Perso je pense que tous les film de super-héros sont des des films de mecs qui sont imposés aux filles, mais il se fait tard.

    samedi 21 avril 2007

    Soylent Green

    Soirée Projections/Débat sur les OGM hier au Cinéma du Monde dans le cadre du Festival Jules Vernes. La soirée s'ouvrait sur un documentaire de Catherine Bertillet, un reportage effectué sur 8 mois en 2004 et qui nécessitait quelques actualisations/mises en perspective qui n'ont pas aidé la fluidité du débat. Il faut dire que sans démarrer par une démarche pédagogique, difficile de discuter des OGM sans tomber dans les tourbillons des sensations hybrides. Le panel était constitué de la réalisatrice, d'une juriste et d'un chercheur à l'Inra. Ce dernier a largement illustré le déficit pédagogique des chercheurs à vouloir présenter une question de leur point de vue sans se mettre à la place de son public. Monopolisant la parole (il faut dire qu'il a été pas mal chahuté par la salle, quoique certainement plus à cause de sa rigidité que sur le fond) il a pas mal contribué à transposer dans ce débat le dialogue de sourds entre des chercheurs calmement posés, le nez dans le microscope et l'opinion publique difficile à maitriser du fait du déficit d'information.

    En résumé le reportage (diffusé en version courte -26min- la veille dans Envoyé Spécial : "OGM, à la conquête de nos assiettes") se suffisait à lui-même et une simple discussion sur l'actualité des faits exposés et sur ces zones d'ombre aurait certainement été plus constructive. Un peu frustrant de passer une heure à tourner en rond, surtout que le sujet suscite beaucoup de questions, et les questions sans réponse qui s'enchaînent c'est le malaise qui s'installe et complique le problème. Une info parcellaire est toujours plus néfaste que pas d'info du tout, malheureusement. De cette soirée il reste que Monsanto a pu être critiqué comme un grand méchant capitaliste, prêt à toutes les procédures pourassurer son emprise sur le marché de l'alimentation des 6 milliards d'habitants de notre planète. Depuis la date du reportage (2004) il faut remarquer que Monsanto s'est plutôt fait oublier, ou alors c'est parce que José Bové a changé de tracteur.

    Après ce débat frustrant la soirée s'est terminée sur la projection de Soleil Vert (seule motivation de ma venue au départ parce qu'à la base je ne m'intéresse pas aux débats pour lesquels je ne me suis pas documenté sérieusement) et même si je me souvenais totalement du film 20 ans après l'avoir découvert le parallèle entre les craintes sur une future position dominante de Monsanto et l'entreprise Soylent dans le film situé en 2022 était vraiment troublant.
    Au final cette fiction d'anticipation pousse le spectateur à réfléchir par lui-même depuis presque 35 ans, mais il reste toujours à poser les bonnes questions avant les citoyens ne se sentent poussés à l'action, une action cohérente.

    jeudi 12 avril 2007

    Un après-midi de chien

    Il vient de ressortir dans quelques salles. Ce film est fascinant en très grande partie pour l'intensité du jeu d'Al Pacino, véritable point focal du film qui concentre le travail de toute l'équipe du film dans le personnage central de l'histoire. Le genre de réussite à couper la chique que trop peu de films atteignent.

    One of the most difficult acting scenes I had to do was on Dog Day Afternoon. About two-thirds of the way through the movie, Pacino makes 2 phone calls (...) I knew Al would build up the fullest head of steam if we could do it in one take. The scene took place at night. The character had been in the bank for twelve hours. He had to seem spent, exhausted. When we're that tired amotions flow more easily. And that's what I wanted.
    There was an immediate problem. The camera holds only a thousand feet of film. That's a bit over eleven minutes. The two phone calls ran almost fifteen minutes. I solved it by putting two cameras next to each other (...).
    One more thing occured to me. One of the best way of accumulating emotion is to go as rapidly as possible from one take to the next. (...) I knew a second take would mean a serious interruption for Al. We'd have to reload one of the cameras. Reloading a magazine of film can be quite disruptive. (...) The whole process, done at top speed, takes two or three minutes, enough time for Al to cool off. So I put a black tent to block off both cameras and the men who operate them. We cut two holes for the lenses. And I had the second assistant cameraman hold an extra film magazine in his lap in case we needed it.
    We rolled. As camera one reached 850 feet we rolled camera 2. The take ended. It was wonderful. But something told me to go again. Camera 2 had used only about 200 feet of film. I called out gently, "Al, back to the top. I want to go again." He looked at me as if he had gone mad. He had gone full out and was exhausted. He said, "What?! You're kidding." I said, "Al, we have to. Roll camera."
    (...)By the end of the second take, Al didn't know where he was anymore. He finished his lines, and in sheer exhaustion, looked about helplessly. Then, by accident, he looked directly at me. Tears were rolling down my face because he'd moved me so. His eyes locked into mine and he burst into tears, then slumpped over the desk he had been sitting at. I called, "Cut! Print!" and leapt into the air. That scene is one of the best scene acting I have ever seen.


    Sydney Lumet Making Movies

    samedi 17 février 2007

    Déjà-vu : Les 7 Samouraïs/Les 7 Mercenaires

    Quand le remake américain éclipse l'original ça ne veut pas dire qu'il est mieux, juste que les américains ont bien recopié la recette pour l'adapter à leur marché, un marché ouvert sur l'export où de toute façon un film dans une langue étrangère n'aurait aucune chance, même un chef d'oeuvre.

    Parmi la vingtaine de chefs d'oeuvre indiscutables du cinéma il y a justement les Sept Samouraïs (Shichinin no samurai - 1954). Il y a bien sûr une foule de classiques, de films essentiels, des jalons dans l'histoire du cinéma, dans l'évolution de la société, ou encore de films pionniers au niveau technique, montage, direction d'acteur, d'autres sont enfin des films rares parce qu'éminement originaux ou parce qu'ils sont l'écrin d'une scène magique, d'un tour de force etc. Tous ces films participent à la magie du cinéma mais rares sont ceux dont la puissance balaie toute tentative d'en isoler les qualités et les faiblesses. Les Sept Samouraïs en fait partie. Alors évidemment les cinéphiles, ou tout simplement les gens curieux donc cultivés, ont vu ce chef d'oeuvre de Kurosawa et peuvent facilement le mettre au-dessus du remake de John Sturges (1960) et on se retrouve alors dans une situation où une petite "élite" détient la "vérité" malgré une majorité qui ne connait que le remake et le tient pour un très bon film sans pousser plus loin l'esprit de critique.

    Du simple fait d'être un western américain en couleur, donc un "produit" plus facilement "marketable" dès le départ (on peut ajouter au package la ribambelle d'acteurs et la musique d'Elmer Bernstein) les Sept Mercenaires a monopolisé ce "temps de cerveau cinématographique disponible" qui n'est pas le même chez l'habitué des salles obscures et chez le télespectateur scotché à TF1. Notez bien que je ne cherche pas à dérailler sur une discussion anti-capitalisme US mais juste à décortiquer ce qui pourrait expliquer la perception totalement complaisante des qualités du remake. Ceux qui ont vu le remake lors de sa sortie en ont forcément gardé un bon souvenir, magnifié depuis par la nostalgie. Ceux qui comme moi l'ont découvert à la télé (au hasard un dimanche soir sur TF1) ne peuvent pas l'avoir oublié si facilement. Voire... Les Sept Mercenaires, hormis sa musique, est un film éminement oubliable, de même que pour oublier Windows il suffit de passer à un autre OS. Mais qui des 95% de la population équipée d'un ordinateur est prêt à envisager ou même juste imaginer une interface informatique autre que Windows ?

    Toute l'harmonie et le naturel, mais surtout l'authenticité de Kurosawa passent à la trappe. Les Sept Mercenaires se constitue d'une suite de scènes mettant tour à tour en valeur les 6 recrues de Yul Brynner, du pain béni pour des jeunes premiers comme Steve McQueen, James Coburn, Charles Bronson... qui cherchaient à faire leur trou au cinéma.
    Les bonus du DVD sont révélateurs de ces curiosités amusantes mais contre-productives par rapport à la qualité générale du film.
    • La scène où l'équipe arrive au village en traversant une petite rivière est décortiquée et on voit clairement chaque acteur profiter de son passage dans le champ pour tirer la couverture à lui, qui en se rajustant le foulard, qui en s'amusant avec son chapeau (le coup favori de Steve McQueen qui fonctionne d'ailleurs à merveille pour lui attirer toute l'attention lorsqu'il conduit un chariot avec Brynner).
    • Autre détail souligné dans le documentaire présent sur le DVD : le compromis de la production avec les autorités locales mexicaines qui exigeaient des paysans propres (habillés plus blanc que blanc durant tout le film !) et irréprochables en réaction avec la présentation caricaturale subie à l'époque de la production de Vera Cruz(1954). Mais que dire alors du rôle du bandit Calvera incarné sans aucune nuance et à la limite du ridicule par Eli Wallach ! Certains iront jusqu'à penser que c'est ce rôle qui lui a valu d'obtenir le rôle de Tuco 6 ans plus tard alors que c'est une petite scène toute en subtilité dans la Conquête de l'Ouest (1962) qui l'a fait remarquer de Sergio Leone.

    Bref on ne peut pas dire que Les Sept Mercenaires soit un très grand film même s'il bénéficie d'une indulgence collective largement inconsciente à ranger dans la prime aux remakes américains qui se donnent les moyens d'être vus par le plus grand nombre contrairement à leurs modèles quasiment confinés aux cinémathèques.
    Deux petits bémols cependant :
    • avec le DVD et le peer-to-peer la culture cinématographique n'est plus limité à ceux qui ont accès à une cinémathèque ou un ciné-club dynamique (et même dans ces cas là combien d'années faut-il attendre pour que certains films soient disponibles ou simplement programmés ?)
    • les 7 Mercenaires n'a pas écrasé le box-office d'entrée, c'est après quelques semaines qu'il a commencé à s'imposer alors qu'il semblait à bout de souffle. J'analyserais ça comme l'effet d'un bouche à oreille favorable dur à lancer pour un gros film US dont la fin n'est pas si optimiste que ça (le remake ne se termine pas plus que l'original sur un banquet des 7 mercenaires bien vivants avec les villageois reconnaissants). Ce n'est pas rien que de reconnaitre à John Sturges le mérite d'avoir imposé ceci au public américain, une démarche qui allait ouvrir la voie à des films plus ambigüs alors que l'ère des studios tout-puissants touchait à sa fin.
    PS pour ceux qui cherchent à voir Les 7 Samouraïs, la version qui fait référence est la restauration sortie en DVD dans la collection Criterion (206' soit 3h26), mais jusqu'à présent je ne l'ai trouvée qu'en Zone 1 et avec pour seuls sous-titres l'anglais. Pour la France je n'ai jamais trouvé de version potable (les éditeurs peu scrupuleux préfèrent sortir des versions minables pour ne pas reverser d'argent aux orfèvres qui ont fait le travail de restauration).

    jeudi 15 février 2007

    Dernière Beta : sortie de Celtx v. 0.9.9

    Là où il vous en coutera des centaines d'euros pour acquérir un logiciel de traitement de texte adapté au scénario comme Final Draft et Movie Magic Screenwriter, Celtx vogue sur la vague des formats ouverts et vous propose donc un logiciel entièrement gratuit proposant déjà (le projet a été lancé il y a moins de 5 ans) mise en page de scénario mais aussi entre autres travail collaboratif, fonctionnalités de dépouillement...

    La toute dernière mouture ajoute  maintenant des fonctionnalités aussi importantes, pour les petites structures de production, que :
    • gestion des story-boards

    • ébauche de plans de travail

    A noter aussi pour ceux qui connaissaient déjà que le logiciel prend enfin en charge le format A4. Par ailleurs cette sortie s'accompagne de l'annonce des services annexes sur lesquels Greyfirst Corp. (l'éditeur) va pouvoir se rémunérer (mini-sites dédiés pour les productions p. ex.).

    Logiciel en version française disponible dans la journée sur www.celtx.com

    jeudi 8 février 2007

    Déjà vu : Infernal Affairs/The Departed

    Depuis la sortie du film je n'ai entendu que des louanges sur le film de Scorsese et cette semaine il a lui-même reçu l'homage de ses pairs avec le prix du meilleur réalisateur décerné par la Director's Guild of America. Finalement ces récompenses de syndicats/corporations n'ont pas plus de valeur que les Oscars puisque de toute façon il s'agit aussi de mettre en avant un choix consensuel, consensus d'autant plus important que les egos sont moins dilués au milieu des autres professions du 7e Art.

    Pas de voix discordantes donc dans la réception de The Departed, du moins dans le consensus médiatique qui ne pouvait que se mettre en rang derrière la promo du dernier opus de Scorsese qui bénéficiait d'un casting solide que les interprétations de DiCaprio et Nicholson ne devaient finalement pas décevoir, bien au contraire. Mais il faut pourtant bien avouer que malgré les performances de ces deux acteurs (et le nom au générique de Scorsese pour ceux que ça impressionne) The Departed est un film très moyen, tantôt trop lent tantôt lourdingue dans son évolution jusqu'à une fin pitoyable qui, à elle seule, mérite de condamner l'ensemble du film sans épiloguer sur ce qui a été réussi.

    Infernal Affairs est à côté sacrément bien foutu, toute l'action s'enchaîne sans perdre de temps sur des fils narratifs parallèles mais aussi sans prendre suffisament le temps de poser les personnages. C'est là que les ricains pouvaient apporter un petit plus qui est finalement devenu un petit surplus par rapport à la réappropriation de l'histoire originale qu'on aurait été en droit d'attendre de Scorsese.

    SURPLUS AMERICAIN

    Faisons une simple comparaison.
    • Le Scorsese reprend toute l'architecture de l'original, scènes clés pour scènes clés, en délayant les personnages
    total= 2h30
    • Le film original est dense et ne perd pas temps
    total = 1h40
    (format standard qu'ils ont peut-être malheureusement un peu forcé parce qu'il permet de faire une séance toutes les 2h dans les multiplexes à bestiaux).

    Comme quoi les ricains ont vraiment abusé dans leur souci de montrer qu'ils pouvaient améliorer un petit polar chinois : 20 minutes auraient été suffisantes pour densifier le rôle de DiCaprio qui mériterait vraiment, dans les deux versions, d'être le personnage principal au détriment du flic ripoux dont la froideur de fontionnaire parfait se passe de détails et surtout de ces scènes pitoyables pour mettre sa vie en perspective (point en revanche bien repris dans le Scorsese : l'appartement showroom permet de bien matérialiser le personnage lisse et ambitieux).

    De toute façon c'est lui, le flic ripoux, le vrai méchant du film donc il faut éviter de lui mettre des scènes attendrissantes : le film chinois gère très bien cette partie ce qui fait que le personnage du ripoux est mieux réussi que son homologue infiltré dans la maffia qui, même dans sa version DiCaprio, n'est jamais assez sombre. Dans le film chinois ce personnage est tout de même censé passer 10 ans dans la clandestinité à accumuler les larcins, jouer au malfrat 24h/24 pour arriver enfin à se faire recruter et bosser pour un parrain (les deux personnages à l'académie de police sont incarnés par des gamins ce qui gêne d'ailleurs la transition pour repérer qui est qui), mais ce background essentiel est résumé en un clip au début qui lamine toute la profondeur du personnage (pas mal de montages flashbacks et de musique intrusive très lourdingues aussi pour un film aussi réussi dans l'ensemble). Dans le film américain DiCaprio est tellement fort qu'il lui faut à peine 2-3 ans pour être dans la place et que ces sacrifices commencent à produire des résultats.

    Au final le Scorsese ne vaut que pour les interprétations de DiCaprio et Nicholson qui améliorent nettement mais juste ponctuellement le matériau de base, au détriment du rythme original : le personnage de DiCaprio n'est pas assez mis en valeur, celui de Nicholson trop. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a là une erreur dès l'écriture de ce personnage qui cannibalise l'intrigue et le rythme car finalement ce n'est pas lui le lien, les infiltrés sont dans un combat à distance mais sans intermédiaires : ils sont fondammentalement et irrémédiablement seuls au monde. Ceci dit tout le reste du remix par DJ Scorsese est sans intérêt, jusqu'à cette fin pitoyable, si bien que tout ça aurait très bien pu être filmé par n'importe quel tâcheron d'Hollywood. Le problème c'est que l'histoire originale est tellement bien ficellée qu'il n'est pas possible d'en faire un navet. Un film médiocre, bancal oui, mais pas un navet complet. C'est pour cela que les américains sont si friands de remakes : ils achètent un scénario quasi clé en main et derrière même les plus demeurés des executives ont donc sous les yeux une version d'un scénario testée et approuvée qu'ils n'ont plus qu'à suivre sans avoir trop la tentation d'essayer de la sacager avec des stéréotypes. Dans ce schéma Scorsese se retrouve pour la troisième fois consécutive à faire le tâcheron d'une super-production, se contentant de filmer ce qu'on lui donne pour s'assurer des vieux jours paisibles.

    Question subsidiaire : peut-on juger un remake sans tenir compte du film original ? Oui, d'ailleurs moitié par hasard moitié par trop d'espoir placé dans Scorsese, j'ai vu The Departed en premier sans pour autant avoir un jugement positif sur le film (cf. mon commentaire sur IMDb à l'époque). En ayant vu l'original, que je ne trouve pas parfait non plus mais qui a l'avantage d'être original justement et déjà très réussi, le Scorsese m'apparait encore plus mauvais puisqu'il n'apporte pas grand chose et au contraire alourdit la trame photocopiée pour imposer sa marque "à l'économie de talent". Un peu comme si je trouvais une anecdote marrante sur internet et que je me contente de la traduire, la délayer, d'en assurer la paternité tout en ajoutant des noms connus dedans pour la rendre un peu plus sexy.