mardi 12 juin 2007

La télé au cinéma

Si la télé a bien utilisé le cinéma pour améliorer sa côte glamour depuis l'époque de la petite lucarne grise, le cinéma a toujours eu du mal à représenter la télé (rien ne vieilli plus qu'un écran ou un décor d'émission) et encore plus à la critiquer. Le Grand Carnaval (Ace in the Hole - 1951) de Billy Wilder ne s'attaque pas encore à la télé mais à ce journalisme à sensation qui est maintenant institutionnalisé entre les JT et les reportages coup de poing diffusés par une même chaîne. Un homme dans la foule (A Face in the Crowd - 1957) d'Elia Kazan évoque déjà le pouvoir médiatique que peuvent acquérir des amuseurs publics, gourous improvisés de tout et de rien suivant où leur ambition les porte.
Vingt ans plus tard Network a plus de recul pour analyser en détail ce que la télé peut devenir (et devient déjà aux Etats-Unis). L'attaque est frontale, l'histoire se passe au sein d'un Network dont la seule valeur se mesure à ses courbes d'audience directement traduites en courbes de parts de marché. Le film avait peut-être un côté anticipation en 1976, même aux Etat-Unis et surtout en France plus de 10 ans avant la privatisation de TF1 et le début du règne de l'Audimat, seulement l'attaque frontale, sans nuance, se désamorce toute seule. Comme si on faisait un téléfilm sur les stars du cinéma ne mettant en scène que la débauche, l'hypocrisie, la paillette recouvrant toute dimension humaine.
Le film a obtenu 4 Oscars en 77, dont 3 pour l'interprétation ce qui est très rare (le même producteur avait déjà réussi ce coup avec l'adaptation d'Un Tramway nommé Désir) et effectivement quelques scènes sont magistrales, voire un peu trop magistrales parce que le dialogue est trop intelligent et ne se fait pas oublier au milieu d'une distribution où aucun personnage ne mérite qu'on s'y attache. Howard Beale (Peter Finch), le journaliste fini devenu prédicateur New Age, devient vite un pantin balloté par les flots : difficile de s'apitoyer sur un illuminé. Max Schumacher (William Holden) devient assez vite le personnage principal mais il est passablement passif et ses dialogues clairvoyants sonnent d'autant plus faux qu'il ne fait rien pour se battre contre le courant de fond qui entraine toute la chaîne.
Au final un film très décevant parce qu'il se veut littéralement brillant et oublie de nous raconter l'histoire d'un ou plusieurs personnages attachants, perdus ou qui arrivent à s'échapper de la télé.

OutfoxedNetwork est ressorti cette semaine mais je conseille plutôt le documentaire Outfoxed, fait avec peu de moyens, sans stars, mais autrement plus passionnant. Peut-être que la plus grosse erreur de Network, dans sa certitude d'être visionnaire et brillant, c'est de ne pas avoir mis en scène la télé comme un instrument de pouvoir mais seulement comme un avatar économique (l'intrigue pourrait être adaptée à n'importe quelle multinationale en crise de croissance).

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