Les mauvaises herbes ont la vie dure... Voilà un monsieur qui aura incarné à lui seul :
- le succès du marxisme pour se faire un place au chaud,
- la faillite culturelle du cinéma français,
- l'intellectualisme je-m-en-foutiste comme aboutissement de l'esprit français au XXème siècle.
D'abord il y a cette stratégie marxiste de critiquer "les bourgeois" (en l'occurence le milieu du cinéma français des années 50) pour le renverser et pouvoir profiter à son tour d'une existence bourgeoise. Gros succès des "jeunes turcs" des Cahiers du cinéma (j'ai tendance à faire un lapsus : les aChiers du cinéma) : Truffaut, Rohmer, Chabrol ont tous conquis leur petit royaume dans le cinéma. Truffaut a eu le mérite de commencer par un film personnel (Les 400 coups, qui ne casse pas de briques) et rester dans un classicisme cinématographique relatif pour faire son intéressant dans le mélo intello.
Godard a eu cette chance de "découvrir" Belmondo et surtout de s'être fait charcuter A bout de souffle pour qu'il tienne dans la case 90min. que devait tenir son producteur Georges de Beauregard. Tout ce que tout le monde salue encore aujourd'hui dans le montage vif, parfois haché, de ce film ne tient en fait qu'à un heureux impératif de livrer un produit plus compact que l'improvisation verbeuse qu'on retrouvera ensuite abondamment dans les bouses de JLG. Et comme JLG revendiquera longtemps un discours marxiste (tout en livrant une analyse critique bougonnante du cinéma à ses heures perdues), il va se faire un place importante dans l'intelligentsia Rive Gauche des années 60 qui lui donnera une belle rente de situation.
Partant Godard a incarné la prétention extrême du cinéma français à faire des films intellectuels de manière totalement egocentrique, c'est à dire pas du tout avec l'ambition d'habiller une thèse dans une histoire qui touche le plus large public, mais au contraire se regarder le nombril et laisser les tartuffes snobs applaudir le concept intello livré brut, comme un artiste contemporain qui proposerait une toile vierge à partir de laquelle le spectateur serait censé faire l'intégralité du travail.
Tout ça est tellement gros, tellement bien intégré dans les milieux culturels bien-pensants, que ça en devient emblématique de la culture française. Personne ne dénonce l'imposture puisque dans le quant-à-soit parisien il y en a qui révèrent ce tour de passe-passe.
Godard a laissé le cinéma français dans un état bien pire que celui qu'il critiquait en 1959. Godard est l'illustration parfaite de l'arriviste prétentieux qui ne doute de rien et arrive ainsi à séduire par cette naïve authenticité, cette candeur d'idiot du village qu'on prend pour un parler vrai, une fraicheur de ton chez les nantis toujours en panne de projection intellectualisantes de leurs vies creuses.
Michel Audiard est enfin exaucé, 63 ans après l'avoir souhaité :
"La Nouvelle Vague est morte. Et on s'aperçoit qu'elle était, au fond, beaucoup plus vague que nouvelle."
(Arts du 11 novembre 1959)
Et il faut dire qu'entre les chefs d’œuvre du néo-réalisme italiens tant célébrés dans les Cahiers et les "œuvres majeures" de la Nouvelle Vague, il y un abysse.
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