J'aime bien Audiard, mais Un Idiot à Paris ne pouvait être qu'un mauvais film. Franchement, je veux bien avoir l'esprit ouvert mais Jean Lefebvre en personnage principal d'un film sur grand écran, ça ressemble à une (très) mauvaise blague ou une encore plus mauvaise erreur de casting.
Finalement je suis tombé sur le livre de René Fallet il y a quelques mois et après l'avoir lu je me suis dit que je pourrais avoir la curiosité intellectuelle de voir ce qu'ils en ont fait au cinéma. Pour être tout à fait honnête l'argument "curiosité intellectuelle" seul ne tenait pas. Il se trouve qu'en découvrant l'an dernier l'excellent documentaire Michel Audiard et le triangles des Bermudes, j'ai pu voir trois extraits du film qui illustraient justement très bien le style et les thèmes du dialoguiste star.
Un des extraits était tout simplement la première scène d'André Pousse au cinéma. La présentation de la scène par André Pousse lui-même dans le documentaire est plus convaincante que la scène elle-même où le débutant parait laissé à lui-même par le réalisateur (il faut avouer qu'avoir un monologue comme première scène quand on n'est pas acteur c'est pas un cadeau).
Un autre extrait nous montrait la délicieuse Dany Carel en discussion avec une copine de turbin, dans une envolée classique chez Audiard sur le métier de péripapéticienne qui n'est plus ce qu'il était (cf. Bernard Blier sur la nostalgie des anciens tenanciers de maisons closes dans Le Cave se Rebiffe et les Bons Vivants ; le rapport de gestion de Mme Maude dans les Tontons Flingueurs - c'est d'ailleurs la même actrice qui joue la femme de Blier dans les Bons Vivants).
Un dernier extrait reprenait une pensée fulgurante d'Audiard, cette fois dans la bouche de Robert Dalban, toujours aussi mauvais acteur que Jean Lefebvre (ce qui est criant quand il arrive dans un second rôle, même bref, comme dans le Pacha) mais parfait en personnage loufoque de complément (cf. les deux, évidemment, dans les Tontons). Pas la peine d'écouter le gars sortir la réplique pour en profiter pleinement d'ailleurs :
On trouve justement sur Youtube deux autres exemples très révélateurs de ce qu'est l'adaptation d'Un Idiot à Paris. Tout d'abord un n-ième monologue magistral de Blier estampillé Audiard, et celui-ci a obtenu une aura spéciale par son commentaire social, chose rare chez Audiard qui évite d'ordinaire les sujets politiques par une pirouette anarchiste (ce qui est finalement le cas ici dans la mesure où l'action renvoie dos à dos patron implacable et ouvriers dociles).
Audiard y résume bien le personnage de Monsieur Dessertine, mais face à un excellent acteur comme Blier, avec en plus du Audiard à becqueter, comment faire exister un idiot du village, qui ne peut sortir les mêmes tirades, et de surcroît joué par une serpillère comme Jean Lefebvre ?
La grosse faillite de cette adaptation est certainement l'erreur de casting d'avoir cru que pour jouer un idiot il suffisait d'un gars à tronche de demeuré. Rain Man et Forrest Gump suffisent à prouver le contraire. Malheureusement Bourvil devait être trop cher et indisponible (et potentiellement peu intéressé par des rôles d'idiot de base dans lesquels il avait commencé sa carrière). Fernandel était trop vieux, pourtant le roman fait explicitement référence à la fameuse scène du Schpountz où l'équipe de tournage s'amuse à faire croire au gentil Irénée qu'il fera sensation à Paris. C'est d'ailleurs le point de départ de l'histoire ici.
Mais l'adaptation était complètement ratée bien avant. Le début du film est extrêmement mauvais. Dans un souci de compresser l'introduction les adaptateurs ont eu la mauvaise idée de résumer la vie à la campagne en quelques vignettes face caméra. Or le roman repose entier sur le contraste entre le calme et la simplicité de la campagne et la frénésie parisienne dans laquelle Goubi, notre idiot, va se retrouvé perdu. Dans l'économie de moyens du tournage (tout respire le studio) rien n'évoquera jamais cette frénésie. C'est totalement aberrant !
Ironie du sort, Yves Robert y tient un petit rôle (raccourci à la portion congrue par rapport au livre d'ailleurs) et Yves Robert savait, lui, comment filmer la campagne. Son monologue n'est par ailleurs pas du Audiard 100% pur jus qui écrase le propos du film ici, mais au contraire une très bonne adaptation de la tirade de René Fallet avec une légère touche d'Audiard.
Bref une adaptation ni faite ni à faire où les dialogues d'Audiard se savourent mieux à part que dans ce flot insipide où il faut subir la mise en scène asthmatique de Serge Korber et la carcasse transparente de Jean Lefebvre.
Finalement je suis tombé sur le livre de René Fallet il y a quelques mois et après l'avoir lu je me suis dit que je pourrais avoir la curiosité intellectuelle de voir ce qu'ils en ont fait au cinéma. Pour être tout à fait honnête l'argument "curiosité intellectuelle" seul ne tenait pas. Il se trouve qu'en découvrant l'an dernier l'excellent documentaire Michel Audiard et le triangles des Bermudes, j'ai pu voir trois extraits du film qui illustraient justement très bien le style et les thèmes du dialoguiste star.
Un des extraits était tout simplement la première scène d'André Pousse au cinéma. La présentation de la scène par André Pousse lui-même dans le documentaire est plus convaincante que la scène elle-même où le débutant parait laissé à lui-même par le réalisateur (il faut avouer qu'avoir un monologue comme première scène quand on n'est pas acteur c'est pas un cadeau).
Un autre extrait nous montrait la délicieuse Dany Carel en discussion avec une copine de turbin, dans une envolée classique chez Audiard sur le métier de péripapéticienne qui n'est plus ce qu'il était (cf. Bernard Blier sur la nostalgie des anciens tenanciers de maisons closes dans Le Cave se Rebiffe et les Bons Vivants ; le rapport de gestion de Mme Maude dans les Tontons Flingueurs - c'est d'ailleurs la même actrice qui joue la femme de Blier dans les Bons Vivants).
Un dernier extrait reprenait une pensée fulgurante d'Audiard, cette fois dans la bouche de Robert Dalban, toujours aussi mauvais acteur que Jean Lefebvre (ce qui est criant quand il arrive dans un second rôle, même bref, comme dans le Pacha) mais parfait en personnage loufoque de complément (cf. les deux, évidemment, dans les Tontons). Pas la peine d'écouter le gars sortir la réplique pour en profiter pleinement d'ailleurs :
Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistro, c'est te dire si dans ma vie j'ai entendu des conneries, mais des comme ça jamais.Truc amusant, la tirade est drôle tirée de son contexte comme un petit bijou d'Audiard, mais elle est loin d'être exploitée au maximum de son ressort comique dans le film puisqu'elle arrive en chute de quelque chose de très mal amené. Ce qui est finalement le problème général du film : des répliques d'Audiard pur jus, qui ne sont pas à leur place dans la narration et desservent plutôt le propos.
On trouve justement sur Youtube deux autres exemples très révélateurs de ce qu'est l'adaptation d'Un Idiot à Paris. Tout d'abord un n-ième monologue magistral de Blier estampillé Audiard, et celui-ci a obtenu une aura spéciale par son commentaire social, chose rare chez Audiard qui évite d'ordinaire les sujets politiques par une pirouette anarchiste (ce qui est finalement le cas ici dans la mesure où l'action renvoie dos à dos patron implacable et ouvriers dociles).
Audiard y résume bien le personnage de Monsieur Dessertine, mais face à un excellent acteur comme Blier, avec en plus du Audiard à becqueter, comment faire exister un idiot du village, qui ne peut sortir les mêmes tirades, et de surcroît joué par une serpillère comme Jean Lefebvre ?
La grosse faillite de cette adaptation est certainement l'erreur de casting d'avoir cru que pour jouer un idiot il suffisait d'un gars à tronche de demeuré. Rain Man et Forrest Gump suffisent à prouver le contraire. Malheureusement Bourvil devait être trop cher et indisponible (et potentiellement peu intéressé par des rôles d'idiot de base dans lesquels il avait commencé sa carrière). Fernandel était trop vieux, pourtant le roman fait explicitement référence à la fameuse scène du Schpountz où l'équipe de tournage s'amuse à faire croire au gentil Irénée qu'il fera sensation à Paris. C'est d'ailleurs le point de départ de l'histoire ici.
Mais l'adaptation était complètement ratée bien avant. Le début du film est extrêmement mauvais. Dans un souci de compresser l'introduction les adaptateurs ont eu la mauvaise idée de résumer la vie à la campagne en quelques vignettes face caméra. Or le roman repose entier sur le contraste entre le calme et la simplicité de la campagne et la frénésie parisienne dans laquelle Goubi, notre idiot, va se retrouvé perdu. Dans l'économie de moyens du tournage (tout respire le studio) rien n'évoquera jamais cette frénésie. C'est totalement aberrant !
Ironie du sort, Yves Robert y tient un petit rôle (raccourci à la portion congrue par rapport au livre d'ailleurs) et Yves Robert savait, lui, comment filmer la campagne. Son monologue n'est par ailleurs pas du Audiard 100% pur jus qui écrase le propos du film ici, mais au contraire une très bonne adaptation de la tirade de René Fallet avec une légère touche d'Audiard.
Bref une adaptation ni faite ni à faire où les dialogues d'Audiard se savourent mieux à part que dans ce flot insipide où il faut subir la mise en scène asthmatique de Serge Korber et la carcasse transparente de Jean Lefebvre.
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