samedi 30 mars 2013

Intellectualisme et pédantisme sont les deux sphincters du cinéma

J'ai toujours détesté les analyses à la "mors-moi l'noeud" - disons capillotractées pour rester dans le ton - que ce soit en littérature ou en cinéma. On a en France une déplorable approche de la culture, engoncée dans la mode du structuralisme, qui permet à chacun de paraphraser des œuvres sans trop se préoccuper de les comprendre, mais surtout en leur faisant dire tout et n'importe quoi qui aura l'air vaguement cohérent avec ce que l'on sait de l'auteur, de sa vie, son époque et s'il écrivait plutôt en robe de chambre le matin ou en perruque poudrée le soir.

Le pédantisme, c'est étymologiquement l'art d'enseigner, faire œuvre de pédagogie. Le sens n'est aujourd'hui que péjoratif pour parler de cette tendance à étaler sa culture à tout bout de champ. Le pédant donne dans le concours de bite : c'est à celui qui montrera qu'il en sait le plus. C'est Question pour un Champion, les Chiffres et les Lettres... on apprend des encyclopédies et des dictionnaires.
Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire, et laissons l'entendement, et la conscience, vides.
Montaigne, Essais I xxv (Du Pédantisme)
Mais le pédant n'est pas gênant. C'est un autiste qui cherche des âmes impressionnables ou d'autres pédants à qui se mesurer.

L'intellectualisme, c'est une autre paire de manches : il prétend non pas à une supériorité quantitative, mais réellement qualitative. L'intello il prolifère dans cette catégorie socio-professionnelle qui prétend s'élever au-dessus des goûts populaires sans vraiment en avoir les moyens intellectuels justement. Il s'agit de poser, de se rassurer sur le fait que son statut économique et social n'est pas dû au hasard, à la chance, mais réellement à un intellect "supérieur".

Ainsi le cinéma français se complait-il dans ce côté intello, indépendant (de quoi ? dans notre système subventionné, avec l'avance sur recettes, on se le demande), proche des vrais problèmes de société/humanité/psychologie/temporalité etc. Ça donne des films imbitables et lourds ou au contraire désespérément creux à force de vouloir jouer la simplicité et le dépouillement.



Encore une fois, même si ces nullités prétentieuses sont subventionnées, on peut les ignorer. Et d'autre part il se trouve qu'il n'y a pas réellement de pédants spécifiques au cinéma, il y a surtout des passionnés, certains peut-être trop fervents, qui peuvent plus ou moins bien donner envie de découvrir certains films. En revanche il y a des intellos pédantesques. Ils ne sont pas aussi méchants que des purs intellos dont je parlais qui regardent les autres de haut, mais ils y aspirent quelque part. Ils cherchent un sens caché dont ils seraient les cibles, comme des élus abonnés à un évangile crypté.

Un film pour ces zozos c'est matière à interpréter. Alors il y a ce que l'auteur dit (en apparence en tout cas, trop facile, c'est à la porté de tous), ce qu'il a (peut-être) voulu dire et donc, surtout, tout ce qui dans son œuvre se rattache consciemment ou inconsciemment à son vécu, ses idées ou ses fantasmes. Il y a de quoi se taper un sacré délire. Beaucoup s'y jette la tête la première, et sans rire ! Autant ils vont chercher des niveaux de lecture jusqu'à l'âge du capitaine, autant ils prennent tout au premier degré. C'est à ce demander quelle sorte de plaisir ils ont eu devant tel film que, de toute évidence, ils ne savent pas regarder en simple spectateur.

Hitchock mentionnait quelques unes de ces sur-interprétations dans ses entretiens avec Truffaut. Peter Bogdanovich avait lui l'honnêteté de laisser les questions où les réalisateurs lui répondaient qu'il était à côté de la plaque. Plus récemment David Lynch s'était prêté au jeu des délires collectifs suscités par ses histoires plus ou moins absconses : le département marketing avait décidé de faire un concours des meilleures interprétations de Mulholland Drive, le réalisateur disant quelle interprétation lui plaisait le plus.

Une fois le montage final livré, le film n'appartient plus au réalisateur, c'est le public qui se l'approprie donc ces interprétations vaseuses, délirantes ou hilarantes font partie de la vie d'un film. Ceci dit il y a un cas où c'est gênant, le cas où on tombe dans le culte d'illuminés comme dans des théories du complot. C'est ce qui parait gêner Léon Vitali dans le documentaire Room 237 sur les différentes théories à propos de l'adaptation de The Shining par Kubrick.
“[Kubrick] didn’t tell an audience what to think or how to think,” he said, “and if everyone came out thinking something differently that was fine with him. That said, I’m certain that he wouldn’t have wanted to listen to about 70, or maybe 80 percent” of “Room 237.”
Why not?
“Because it’s pure gibberish.”

Je ne trouve pas que la citation de Susan Sontag "interpretation is the revenge of the intellect upon art" couvre suffisamment ce problème, "ce besoin chez les cons de faire des phrases" pour dépecer une œuvre. Sur 2001, l'Odyssée de l'espace, je comprendrais qu'on fasse un film sur différentes interprétations. Je ne trouve pas ça intéressant a priori, mais 2001 est particulièrement "ouvert", philosophique et peu explicite. Mais Shining ? Ce n'est de loin ni le meilleur ni le plus intéressant des films de Kubrick : c'est l'adaptation d'un Best Seller de Stephen King, il n'y a vraiment pas de quoi épiloguer.
Alors franchement y trouver des allusions à l'Hollocauste, à la théorie d'une mise en scène des alunissages du programme Appolo... il y en a vraiment qui sont incapables d'utiliser leur cerveau pour réfléchir par eux-mêmes.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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