Quand on aime passionnement le cinéma on peut s'embarquer dans des discussions très animées sur la valeur de tel ou tel film, tel ou tel réal. Oui hé bien je ne suis pas du tout d'accord avec cette assertion : quand on aime passionnement le cinéma on aime partager ses goûts, discuter des mérites ou du manque de mérite de certains films certains réals... En ce qui concerne la défense ou l'attaque j'ai toujours des arguments très précis et même si mes interlocuteurs ne sont pas d'accord sur mon impression d'ensemble cela ne change rien au fait que mes arguments sont justes et mesurés. Evidemment j'ai la prétention d'avoir un avis à la fois très réfléchi, qui ne tombe jamais dans l'intellectualisant et très honnête donc je ne perds pas mon temps à discuter avec des gens qui ne sont pas prêts à écouter mes arguments, ou chez qui il ne vont rien évoquer.
Avec ça en tête je veux bien m'avancer et dire que les gens qui n'aiment pas
Le Voleur de bicyclette, Les Enfants du Paradis, Le Salaire de la peur, The Philadelphia Story ou Le Nom de la Rose ne connaissent rien au cinéma. Voire qu'ils ne connaissent pas grand chose à la vie. Tant pis pour eux, c'est leur problème. On peut très bien vivre, peut-être pas heureux mais dans une forme de béatitude en se vautrant dans ses goûts de chiotte. Heureusement de temps en temps le film d'un cinéaste généreux et sachant apprécier les belles choses arrive à toucher un public "qui n'y connait pas grand chose." Mais ça les critiques n'aiment pas alors que justement c'est la beauté du cinéma.
Non les critiques adorent gesticuler dans leur microcosme, se raconter que leur jugement de taupes confinées dans les salles obscures fait autorité. après les bataille de chapelle très politisées de l'époque Nouvelle Vague on est arrivé à des discussions de cour d'école, des concours de mauvaise foi, du terrorisme verbal qui dépasse allègrement les bornes de l'honnêteté intellectuelle. Tout ça pour s'affirmer, pour avoir l'impression d'exister à côté de films dont les génériques seront souvent plus lus en salles que leurs papiers.
Je suis lourd quand je m'en prends aux critiques ? Je m'en porte bien et j'évite de les lire mais ils faut toujours qu'ils lancent un débat foireux où ils viennent souiller de leur incompétence prétentieuse et égocentrique ce qui est important dans le cinéma. Ce qui compte dans le cinéma c'est les films, pas le résumé du dossier de presse et surtout pas les graffitis dans les chiottes du ciné. Malheureusement quand il y a des parasites on ne peut jamais les ignorer trop longtemps.
Le cas De PalmaTout ça pour dire que je n'ai pas de raison particulière de m'en prendre aux critiques ciné aujourd'hui plus qu'hier. Je me préoccupe de lire ceux dont le travail suit une rigeur et non une vague ambition journalistique (très rare en France) et les autres ont droit à mon plus profond mépris.
Au menu ce soir de nombreux spécimens de cette branche morte de l'évolution humaine veulent reconnaitre en Brian De Palma un Grand, un Auteur et défendre le moindre de ses films en promettant l'enfer à leur contradicteurs, comme des Imams analphabètes. Chacun sa marotte (pour la Marmotte voir du côté de l'
infirmerie), ça m'en touche une sans faire bouger l'autre pourrais-je dire si je me gargarisais d'expressions toutes faites pour plumitif névropathe. Personnellement j'apprécie beaucoup
Phantom of the Paradise, Sisters mais pas du tout le gloubi-boulga ressucée d'Hitchock (
Obsession, Pulsions ou, encore pire
Body Double et
Femme Fatale) à part
Blow out où De Palma reste proche de son personnage principal sans se prendre pour un artiste flamand du XVIIe s.
L'Impasse (
Carlito's Way)? Très réussi mais Al Pacino + Sean Penn y mettent le paquet pour faire oublier les arabesques de monsieur l'artiste trop tôt apparu comme tel dans les journaux. Inutile de dire que je suis très froid pour
Le Dalhia noir. En plus comme il y a du 'shock factor' (comme pour
le Silence des Agneaux) l'adaptation perd son intérêt quand on a déjà lu le bouquin.
Non le gros problème avec De Palma c'est qu'il a fait
Scarface dans lequel il idéalise la violence et glorifie le personnage central avec sa mentalité (réussir à tout prix, il vaut mieux mourrir jeune et riche qu'en vieux loser). Ce film est le film de référence dans les banlieues et dans les prisons (aucun amalgame de ma part, juste un constat) où je ne crois pas que beaucoup de monde le regarde (très régulièrement) avec beaucoup de recul. Archétype du cinéaste américain né au creux de la Nouvelle Vague De Palma surdose toujours ses effets et la symbolique (le côté intello qui plait à une certaine critique) et survole toujours les relations émotionnelles de ses personnages, comme un grand ado qui chercherait sa place dans ce monde. Ce ne serait pas grave s'il n'y avait pas eu
Scarface, remake du classique de 1930 écrit par un Oliver Stone encore très stone de ses abus de coke.
Autant dire que De Palma était le pire réalisateur pour ce remake : faiblesse pour rentrer dans l'émotionnel surcompensée par sa tendance à l'excès stylistique (jusqu'au lourdingue ou au kitsch). Avec ce film il a ouvert la porte à toute une génération pour qui la violence à l'écran est devenue l'ultime transgression, celle qui permet de tout expliquer, de tout exprimer. On a déjà vu des opportunistes, des réalisateurs cyniques au point de jouer à fond la provoc, le voyeurisme (même pour étaler ma culture je ne m'abaisserai pas à citer un film d'Exploitation), mais aucun grand réalisateur n'a accouché d'un film où sa mise en scène, le résultat final lui échappait à ce point. Dans
Orange mécanique le sujet est la violence dans la société et Kubrick tient son histoire de bout en bout : la violence est présentée du point de vue d'Alex comme un divertissement, une comédie musicale, jamais comme une réalité morbide. Point central : la douleur physique est évacuée pour qu'on s'attache à ce héros sadique.
Dans
Scarface la violence est présentée comme une réalité mais aussi comme un passage obligé, un rite de passage. A partir de là toute la violence est justifiée (en plus d'être étalée à l'écran) par la progression du personnage. Et plus Scarface avance plus la violence devient la partie distrayante de sa vie, celle qui symbolise son statut qui touche finalement au mythe.
Chez Kubrick la violence est partout et en chacun de nous, elle s'exprime différemment (ou pas du tout) suivant notre position dans la société. Chez De Palma la violence est une affaire d'hommes : dans la vie il y a ceux qui ont peur et ceux qui n'ont peur de rien. Si tu as peur tu es un loser.
Ça, un film, un réalisateur aussi irresponsable que ça, ça fait vraiment peur.