Combien de fois m'est-il arrivé d'essayer de faire découvrir un bon (voire un excellent) film et me retrouver comme un couillon face à quelqu'un qui m'en voulait presque de l'expérience.
Ce thème de l'incompréhension entre deux mondes qu'un fossé, ou plutôt un mur invisible, sépare est d'ailleurs très riche. Dernièrement c'est dans La Vie d'Adèle que je l'ai trouvé particulièrement bien exploré. Et pourtant, ce film justement...
Pourtant ce mûr invisible est bien là. Plus je fuis les gens qui se la racontent intellos en ne jurant que par les derniers "auteurs" qui font des films très lourds à force de se regarder filmer, plus je me retrouve perdu au milieu de gens pour qui le ciné c'est juste une grande salle pour voir un grand spectacle qui existe aussi en petits formats à regarder chez soi (voire dans les transports...).
J'ai parfois fait l'erreur du débutant qui oublie que la grande majorité des spectateurs viennent chercher 1h30 - 2h de divertissement. J'imagine le sommelier qui conseille son vin préféré que le client lui recrache à la figure en lui disant qu'il veut absolument le vin formaté, surcoté avec la jolie étiquette dont tout le monde parle. J'ai encore fait cette erreur récemment. Un film dont j'ai offert le DVD à une demi-douzaine de personnes depuis que je l'ai découvert au ciné, rive gauche, dans un cycle sur le cinéma japonais. Quand j'y pense j'ai un peu pressé cette dernière personne pour qu'elle le voie alors qu'avant je n'ai jamais eu de retour. Je soupçonne même que certains ont évité de m'en parler...
Entre le ciel et l'enfer - Tengoku To Jigoku (High and Low en anglais) - Kurosawa (1963)
Ce n'est pas un film trop parfait pour être vrai, et justement le qualificatif prout-prout "chef d’œuvre immortel du 7ème art" ne me vient pas à l'esprit pour évoquer la puissance du film. Au point que j'ai du mal à me mettre à la place de quelqu'un qui aurait des attentes différentes.
Le principal point faible que je trouve au film est de rendre le personnage de Toshiro Mifune (Gondo) accessoire une fois que l'enquête policière bat son plein. C'est quelque part une erreur de dramaturgie. En fait, ce qui gênera beaucoup de monde sur ce film c'est son pessimisme implacable : c'est ce qu'exprime la seule critique professionnelle négative (sur 15) répertoriée par RottenTomatoes.
Combien a-t-il fallu de talents depuis la tragédie grecque, jusqu'aux drames de Shakespeare et aux séries US les plus élaborées qui ne pataugent jamais dans le rose bonbon, pour qu'aujourd'hui on ait encore une masse qui rejette viscéralement les histoires qui finissent mal, les personnages ambigus, les conclusions pas évidentes ? Panem et circenses, le fast food du spectacle avec à boire et à manger en gros et pour tout le monde.
Entre le ciel et l'enfer démarre en effet dans un cocon familial (quoique le business semble beaucoup concentrer l'attention de M. Gondo) pour glisser petit à petit vers le monde extérieur et une réalité, tapie dans les recoins, de moins en moins rassurante. Scène d'ailleurs fascinante d'horreur, on se retrouve à un moment coincés dans les bas-fonds. Mais pas des bas-fonds obscurs qui font peur physiquement parce que le danger pourrait surgir de n'importe quelle ombre, non, des bas-fonds resplendissants où on est cernés directement par la Mort, la vraie, celle dans laquelle on peut se projeter intellectuellement, pas celle du pic de violence qui fait expirer, plus ou moins dramatiquement, un acteur à l'écran.
Alors quoi ? Il ne faut pas chercher et laisser les cinéphiles parler aux cinéphiles ? Favoriser l'endogamie, la consanguinité intellectuelle d'un côté, le laisser vivre et laisser mourir de l'autre ? Chacun ses mœurs culturelles, et les vaches et leurs veaux seront bien gardés ? Je trouve qu'il n'y a rien de plus pessimiste que cette conclusion dans n'importe quelle œuvre d'art aussi torturée soit-elle.
Reste l'ambition de combler ce fossé (ponctuellement), d'arriver à communiquer à travers le mur invisible. Ou le croire, mutuellement, l'espace de quelques instants de malentendu qui touche au sublime, comme dans le magistral final de la Dolce Vita.
Ce thème de l'incompréhension entre deux mondes qu'un fossé, ou plutôt un mur invisible, sépare est d'ailleurs très riche. Dernièrement c'est dans La Vie d'Adèle que je l'ai trouvé particulièrement bien exploré. Et pourtant, ce film justement...
- Il y a ceux qui sont allés le voir parce que c'est le dernier Kechiche, parce qu'il a eu la Palme d'Or... bref ceux qui, pour des raisons complètement ou pas du tout snobs vont voir plus ou moins régulièrement des "films d'auteur" (càd des films pas formatés au point d'entrer dans une case précise et unique type comédie/drame/policier/mœurs... quoiqu'on soit bien souvent plus près de l'étude de mœurs que d'autres genres),
- Il y a ceux qui ont été curieux à cause ou grâce à la polémique lancée par Léa Seydoux (qui à mon avis a surtout flippé en voyant la place que risquait de prendre ce petit film d'auteur dans sa carrière) et au sujet des scènes de cul entre les deux actrices principales,
- Il y a ceux qui vont très régulièrement au cinéma et qui vont voir à peu près tout ce qui fait un peu parler dans les sorties d'une semaine à l'autre,
- Et il y en reste peut-être encore qui n'ont pas été pollués par les a priori des catégories ci-dessus et qui ont simplement été intrigués par la bande annonce, l'affiche ou par l'adaptation d'une BD qu'ils connaissaient déjà.
Pourtant ce mûr invisible est bien là. Plus je fuis les gens qui se la racontent intellos en ne jurant que par les derniers "auteurs" qui font des films très lourds à force de se regarder filmer, plus je me retrouve perdu au milieu de gens pour qui le ciné c'est juste une grande salle pour voir un grand spectacle qui existe aussi en petits formats à regarder chez soi (voire dans les transports...).
J'ai parfois fait l'erreur du débutant qui oublie que la grande majorité des spectateurs viennent chercher 1h30 - 2h de divertissement. J'imagine le sommelier qui conseille son vin préféré que le client lui recrache à la figure en lui disant qu'il veut absolument le vin formaté, surcoté avec la jolie étiquette dont tout le monde parle. J'ai encore fait cette erreur récemment. Un film dont j'ai offert le DVD à une demi-douzaine de personnes depuis que je l'ai découvert au ciné, rive gauche, dans un cycle sur le cinéma japonais. Quand j'y pense j'ai un peu pressé cette dernière personne pour qu'elle le voie alors qu'avant je n'ai jamais eu de retour. Je soupçonne même que certains ont évité de m'en parler...
Entre le ciel et l'enfer - Tengoku To Jigoku (High and Low en anglais) - Kurosawa (1963)
Ce n'est pas un film trop parfait pour être vrai, et justement le qualificatif prout-prout "chef d’œuvre immortel du 7ème art" ne me vient pas à l'esprit pour évoquer la puissance du film. Au point que j'ai du mal à me mettre à la place de quelqu'un qui aurait des attentes différentes.
Le principal point faible que je trouve au film est de rendre le personnage de Toshiro Mifune (Gondo) accessoire une fois que l'enquête policière bat son plein. C'est quelque part une erreur de dramaturgie. En fait, ce qui gênera beaucoup de monde sur ce film c'est son pessimisme implacable : c'est ce qu'exprime la seule critique professionnelle négative (sur 15) répertoriée par RottenTomatoes.
Donc on a affaire à des spectateurs qui ne supportent pas une vision pessimiste de l'humanité ? Notez bien qu'on ne leur demande pas de l'adopter, juste d'avoir la curiosité de la comprendre quelques instants. Mais voilà une population qui veut être rassurée que ce qu'ils voient à l'écran ne risque pas de les suivre, de les hanter une fois sortis de la salle. Alors ok, ils ne l'avouent pas comme ça mais concrètement le fait de se sentir imprégnés de l'atmosphère du film c'est mal parce que pour eux un divertissement doit au mieux nous avoir fait passer un excellent moment, au pire s'oublier instantanément.The pessimism that dominates the film becomes an oppressive turn-off.Jeremy Heilman MovieMartyr.com
Combien a-t-il fallu de talents depuis la tragédie grecque, jusqu'aux drames de Shakespeare et aux séries US les plus élaborées qui ne pataugent jamais dans le rose bonbon, pour qu'aujourd'hui on ait encore une masse qui rejette viscéralement les histoires qui finissent mal, les personnages ambigus, les conclusions pas évidentes ? Panem et circenses, le fast food du spectacle avec à boire et à manger en gros et pour tout le monde.
Entre le ciel et l'enfer démarre en effet dans un cocon familial (quoique le business semble beaucoup concentrer l'attention de M. Gondo) pour glisser petit à petit vers le monde extérieur et une réalité, tapie dans les recoins, de moins en moins rassurante. Scène d'ailleurs fascinante d'horreur, on se retrouve à un moment coincés dans les bas-fonds. Mais pas des bas-fonds obscurs qui font peur physiquement parce que le danger pourrait surgir de n'importe quelle ombre, non, des bas-fonds resplendissants où on est cernés directement par la Mort, la vraie, celle dans laquelle on peut se projeter intellectuellement, pas celle du pic de violence qui fait expirer, plus ou moins dramatiquement, un acteur à l'écran.
Alors quoi ? Il ne faut pas chercher et laisser les cinéphiles parler aux cinéphiles ? Favoriser l'endogamie, la consanguinité intellectuelle d'un côté, le laisser vivre et laisser mourir de l'autre ? Chacun ses mœurs culturelles, et les vaches et leurs veaux seront bien gardés ? Je trouve qu'il n'y a rien de plus pessimiste que cette conclusion dans n'importe quelle œuvre d'art aussi torturée soit-elle.
Reste l'ambition de combler ce fossé (ponctuellement), d'arriver à communiquer à travers le mur invisible. Ou le croire, mutuellement, l'espace de quelques instants de malentendu qui touche au sublime, comme dans le magistral final de la Dolce Vita.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire