Attention : ce topo n’est pas un topo exhaustif et veut juste survoler quelques points sur le financement pour des projets qui dépassent le petit court tourné entre amis sur un W-E.Prenons quelqu’un qui veut faire un film, qu’il soit vraiment passionné ou simplement attiré par le côté paillettes (c’est essentiel de distinguer les deux parce qu’il y en a un qui veut simplement travailler avec des professionnels alors que l’autre veut surtout faire travailler des gens pour lui).
La première idée qui va nous venir c’est de chercher de l’argent dans sa propre poche. C’est une mauvaise idée pour plusieurs raisons : d’abord il faut savoir tracer un ligne entre son investissement purement « créatif » et son investissement financier. D’un côté on veut et on peut aller au bout de ses idées, de l’autre on a des chiffres avec lesquels on n’a pas le droit de jouer. La vérité première restant qu’on ne fera jamais tout tout seul il ne faut donc pas engager ses propres économies au-delà d’un investissement clairement limité dès le départ, en tout état de cause moins de 50% du budget total quoi qu’il arrive.
Bilan : en pratique et en moyenne les apports des producteurs plafonnent à 33%.Concept fondammental donc c’est l’argent des autres,
other people’s money. C’est une dure épreuve, un métier même dans lequel certains se sont spécialisés, mais c’est surtout une épreuve qui fait qu’on ne peut pas avancer sans avoir monté un dossier béton. Evidemment il y aura toujours une grand-mère qui vous prêtera de l’argent pour vos beaux yeux mais a priori votre métier c’est cinéaste ou producteur, pas gigolo.
Le banquier : trop cher, ne pas oublier que son métier n’est pas de prêter de l’argent mais d’en gagner. Le risque c’est pour vous à 100%. Si on prend des projets de long on a ce qu’on appelle des SOFICA qui permettent de boucler un plan de financement. Pour le client de la banque il s’agit d’un produit défiscalisé, pour la société de production il s’agit d’un partenaire gourmand (qui se paie en premier sur toutes les recettes et avec toutes les garanties possibles) mais souvent d’un mal nécessaire. On rejoint par là le cas du cinéaste qui voudrait s’autofinancer en faisant chauffer sa carte de crédit (genre rebelle de la société de consommation) : ya toujours des caractériels mais c’est jamais avec eux que les plus professionnels veulent bosser.
Bilan : 5 à 10% des financements en moyenne.PARLONS UN PEU DU CNC…
Voyons un peu les sources de financement spécifiques au cinéma et encore plus spécifique à notre belle exception culturelle/ A moitié drôle ce gros raccourci américain sur le système d’aide au cinéma en France :
In France the film industry is subsidized by a hefty box-office tax on American films, the proceeds of which are distributed by Canal+ to French filmmakers.
En fait la fameuse taxe TSA d’environ 11% prélevée sur chaque entrée alimente un compte de soutien automatique pour lequel les boites de prod françaises bénéficient de droits de tirage en fonction de leur propre contribution (les entrées réalisées sur les dernières années). C’est la partie aide automatique qui est là pour soutenir les nobles maisons bien installées qui font tourner le cinéma français. Ceci est complété par une aide sélective,en théorie plus ouverte aux autres boites de prod mais en fait une porte aussi étroite puisque c’est au sein de petits comités réunis au CNC que se décide ce qui mérite un soutient au nom de l’art plein axe ou de l’essai en coin. Pour ne pas m’étaler j’évoquerais juste au passage les effets pervers du soutien mécanisé pour les premiers films (premier collège) qui fait du système d’aide un joujou pour initiés au lieu de simplifier les démarches pour tout le monde.
Bilan : 15% (moyenne qui ne veut rien dire mais le CNC mériterait un gros dossier en 3 exemplaires à lui tout seul).Pour ce qui est de Canal+ la chaîne du cinéma (et du sport et du chwal et du premier samedi du mois : tous en selle) contribue beaucoup mais a tendance cesdernières années à préférer quelques gros projets porteurs à un gros portefeuille de films d’envergure différente. Sur ce chapitre on touche en fait directement à la question des préachats TV : une chaîne va avancer de l’argent, pas par vocation mais pour avoir du contenu à diffuser voire à revendre (cf. contrats de distribution DVD). Sur quelques gros projets la chaîne peut aussi être co-productrice.
Bilan : 30%Pour le reste il faut espérer un petit à-valoir distributeur ou se démener pour trouver des apports étrangers sans faire sourciller le CNC…
RECREATION
Jusqu’à il y a peu les américains se gavaient avec le système de soutien allemand en utilisant l’artifice légal du Sale and Leaseback, un genre de créativité diabolique des avocats d’affaire US qui a certainement beaucoup joué dans l’affaire de l’agrément CNC pour le dernier film de Jeunet.
Pour résumer le mécanisme : un studio US vend son projet de grosse production (Sale) à un partenaire allemand (qui peut donc bénéficier des mesures de défiscalisation locales) avec une clause de rachat après restitution du copyright (en crédit-bail = leasing d’où le Leaseback) et surtout à échéance des avantages fiscaux. Au final faire un film en passant par la Lorraine… enfin un peu plus loin, constituait un placement sûr pour les studios US qui s’assuraient un taux de 8 à 10% (décôte au rachat à la coquille vide allemande) sans avoir à se préoccuper des recettes générées par le film.
Lire les chroniques d'Ed Epstein,
Hollywood Economist sur le sujet
ici et
là.
Comme je dis souvent : si la créativité en matière de montages financiers trouvait son équivalent sur les projets de films proprement dits on pourrait peut-être tous en profiter...