mardi 15 avril 2014

Projection test : "Papa was not a rolling stone"

Depuis le temps que j'entendais parler de ces fameuses projections test, j'ai enfin eu l'occasion de me faire une idée. De fait j'ai souvent entendu des anecdotes plus ou moins heureuses sur cette dernière étape de la genèse du film, mais autant que je me souvienne il ne s'agit que d'exemples américains. Évidemment puisque c'est eux qui l'ont inventé (peut-être Harold Lloyd dès 1928 d'après Wikipedia) et il faut bien avouer que le procédé a mauvaise presse chez nous les Exceptionnels Culturistes du 7ème Art, le pays de l'auteur sans plafond et ses amis intermittents de la créativité.


Faire une projection test les américains font ça sans complexe, et franchement, quand on a bossé le nez dans le guidon pendant des mois, qui pourrait cracher sur un regard innocent, et le seul regard qui compte au final, celui du public ? Ceci dit ça coûte cher donc on a intérêt à savoir quels aspects on souhaite tester, parce que quiconque a fait un peu sérieusement de l'analyse statistique sait que des questions mal posées, trop ouvertes, trop fermées, un questionnaire trop long, mal structuré etc. vont introduire un biais qui se démultiplie au fil des erreurs de conception.


PAPA WAS NOT A ROLLING STONE


Le premier biais c'est celui de l'échantillon et de ce que j'ai compris Médiametrie a tapé dans le cœur du public régulier des salles obscures : ceux qui ont une habitude, un plaisir, des exigences sur grand écran. On était beaucoup dans la tranche 20-40 ans apparemment ce lundi soir au cinéma Publicis.


Le fait de ne pas savoir quel film on allait voir perturbait un peu les gens qui m'accompagnaient et ça c'est peut-être un vrai biais... pas forcément négatif puisque les volontaires les plus naturels vont ainsi s'avérer être plus ouverts d'esprit a priori, prêts à donner sa chance à un film dont ils ne connaissent même pas le titre.

lundi 7 avril 2014

Pretty Stupid Woman ch. Orange Studio à couler

Tout laisse penser que la structure de production ciné Orange Studio (appelée Studio 37 à l'origine) va peu à peu être démantelée. Une maison mère qui vivait dans l'insouciante opulence avant le séisme Free Mobile, une structure batarde : privée mais donc l’État reste l'actionnaire principal et décide donc directement de la nomination du Président (et en sous main de bon nombre de copains et autres relations plus ou moins avouables à recaser).

Studio 37 : le nom de départ fleurait pourtant bon l'humilité d'une structure indépendante, mais c'était évidemment illusoire dans la nébuleuse Orange. Orange Studio c'est sans équivoque une "danseuse", un projet perclus de prétentions. On ne s'étonnera donc pas de trouver comme présidente de son Conseil d'Administration Christine Albanel, qui doit sa triste notoriété au Ministère de la Culture à son empressement borné à suivre les lobbies des "ayant-droits" pour faire financer par le contribuable le fiasco Hadopi.

Mais ce n'est qu'un détail dans le gouffre du Studio Orange :
Le bilan financier : Orange Studio afficherait des pertes cumulées de 100 millions d’euros sur 4 ans avec "beaucoup d’échecs" et "zero kopek" sur les succès comme The Artist.
Pour Frédérique Dumas "dès le départ, [...] les choses étaient claires : on savait qu’il n’était pas question de rentabilité, chaque film est une prise de risques. L’amortissement des pertes était conditionné à la création d’un catalogue, et à l’exploitation à long terme des films."
 (in Le Monde du 26 mars 2014)

Cette fameuse Frédérique Dumas est l'ancienne DG du studio, licenciée fin janvier et qui va maintenant pleurer aux Prud'hommes après s'être pavanée avec des gens de cinéma pour choisir sur quels films claquer des millions. Je crois rêver en lisant de tels propos pour assurer sa défense : en gros la gestion catastrophique du studio ne peut pas lui être reprochée puisqu'il s'agissait de perdre de l'argent aujourd'hui pour en gagner (peut-être un peu) plus tard. Quelle fulgurante leçon d'investissement et de responsabilité managériale !

"L’amortissement des pertes était conditionné à la création d’un catalogue, et à l’exploitation à long terme des films." Non mais quelle grosse tache ! "A long terme" disait Keynes pour moquer les théories fumeuses "nous sommes tous morts." N'importe qui est capable de mettre de l'argent sur des films qui ne rapportent pas un kopeck et raconter qu'on se rattrapera sur "+ l'infini" en ventes DVD, VOD... Sauf qu'il y a une corrélation très marquée (pas absolue, il y a tjs des exceptions, mais rarement sur des films de studios) entre la rentabilité en salles et la rentabilité tv/vidéo.

Ah, je n'ose même pas imaginer le salaire (et les notes de frais) de Mme Dumas, ni ce qu'elle pourrait toucher aux Prud'hommes. Le chômage continue d'augmenter, des salariés de se jeter par les fenêtres mais il y a ces petits courtisan(e)s qui vivent tranquillement dans leur monde. Un film d'inaction qui ne sort pas en salles mais coûte autant qu'un blockbuster à Orange, donc à l'Etat, donc à nous contribuables. Michael Cimino avait coulé United Artists en 1980, mais avec le panache d'un réalisateur qui concevait le cinéma comme une gigantesque fresque animée. Pour le même prix on n'aura même pas le DVD souvenir, mais précisément il serait très dommage que Mme Dumas se fasse oublier trop facilement se voyant offrir un nouveau poste à responsabilités. Quant à ceux qui l'avaient recrutée (ou avaient appuyé sa candidature) chez Orange, c'est (double) peine perdue.