vendredi 20 septembre 2013

La Grande Disette du Cinéma Français

Ça fait un moment que le cinéma français ne produit rien d'enthousiasmant. Les faibles performances de cet été (avec le fameux top 10 100% US du 13 août dernier) ne cachent même pas un succès de fond sur la niche du cinéma d'auteur. Oui les boites de production françaises tournent en rond et c'est un effet pervers du compte de soutient et de l'avance sur recettes de notre Très Grande et Très Glorieuse Exception Culturelle.

Printemps du Cinéma, Fête du Cinéma, et encore Rentrée du Cinéma relancée cette année : rien n'y fait, la Grande Disette du cinéma français dure depuis près de 6 mois - 6 mois qu'aucun film français n'a atteint la première place du box-office. C'est dire que les opérations marketing de soutien conjoncturel sont aussi peu efficaces que les aides structurelles cloisonnent la profession dans l'auto-satisfaction.

Cette Rentrée du Cinéma justement. Qui en a entendu parler ? A priori seuls ceux qui ont vu la bande-annonce réalisée par Olivier Mégaton (méga-réal d'ailleurs...) en allant au cinéma les semaines précédentes. On claque un budget de film publicitaire pour toucher une population qui va déjà au cinéma (et en ces périodes creuses, quelle proportion possède une carte d'abonnement qui les fera justement fuir ces événements ?).

Un cinéma de plus en plus petit face aux séries

OK, on ne peut pas dire que le cinéma aide à avoir le sens des réalités. Ça fait rêver les gens d'un côté, et de l'autre les "professionnels" se prennent pour autre chose que des professionnels : des demi-dieux, ou au moins d'ardents "défenseurs de la culture". Les spectateurs eux sont beaucoup plus captivés par les séries TV, tout simplement parce qu'elles sont plus créatives (les remakes de "V" et du "Prisonnier" n'en sont que de piètres échantillon qui ont vite disparu), et il faut reconnaitre qu'elles ne prétendent pas nous vendre des effets spéciaux 3D en gros.

Malgré la prétention du cinéma français on ne peut pas dire que notre production cocorico nationale soit un modèle de créativité. Même les séries françaises font meilleure figure que les derniers films "majeurs" du terroir. Les séries s'accommodent très bien du téléchargement gratuit qui leur permet de recruter de nouveaux fans et donc de nouveaux clients. Hé oui M. Nicolas Seydoux et consorts, c'est un vrai business model que d'accepter d'être "piraté" par 1 million de personnes pour que 50 000 achètent vos DVD. Oui, c'est dur d'accepter qu'un mauvais film téléchargé ne suscitera que peu de recommandations et peu d'achats (personnels et pour offrir) là où une série bien pensée et bien écrite va captiver un public sur la durée même si les 3/4 l'ont découverte en téléchargement ou en streaming gratuit.

Business model ET créativité sclérosés par la dépendance aux aides de la sacro-sainte exception culturelle (parlons un peu des profiteurs du système à grande échelle qui prennent sans rien produire de constructif derrière), je ne vois pas trop par où le cinéma français va se réinventer. Les politiques ne veulent pas risquer de se mettre à dos des gens qu'ils côtoient régulièrement (tout ce beau monde se convainquant mutuellement d'appartenir à une élite) et les esprits plus créatifs du secteur sont forcément attirés par des formes plus stimulantes (et plus lucratives) pour eux comme les séries.

Ah, au fait, le film retenu par le microcosme pour représenter la France dans le panel de l'Oscar du Meilleur Film en Langue Etrangère est Renoir. Vous en avez probablement peu entendu parler, mais voilà encore une fois qui est emblématique de décisions "politiques" où le serpent se mort la queue : on choisit le film qui correspond le mieux à ce qu'apprécient les votants (dans ce cas précis, les journalistes ciné à LA) et donc emblématique de l'idée qu'il se font d'une qualité française.
Ceci dit comment déterminer le meilleur film français sur cet horizon désespérément plat ?

lundi 16 septembre 2013

Histoire d'adaptation : Un Idiot à Paris

J'aime bien Audiard, mais Un Idiot à Paris ne pouvait être qu'un mauvais film. Franchement, je veux bien avoir l'esprit ouvert mais Jean Lefebvre en personnage principal d'un film sur grand écran, ça ressemble à une (très) mauvaise blague ou une encore plus mauvaise erreur de casting.

Finalement je suis tombé sur le livre de René Fallet il y a quelques mois et après l'avoir lu je me suis dit que je pourrais avoir la curiosité intellectuelle de voir ce qu'ils en ont fait au cinéma. Pour être tout à fait honnête l'argument "curiosité intellectuelle" seul ne tenait pas. Il se trouve qu'en découvrant l'an dernier l'excellent documentaire Michel Audiard et le triangles des Bermudes, j'ai pu voir trois extraits du film qui illustraient justement très bien le style et les thèmes du dialoguiste star.

Un des extraits était tout simplement la première scène d'André Pousse au cinéma. La présentation de la scène par André Pousse lui-même dans le documentaire est plus convaincante que la scène elle-même où le débutant parait laissé à lui-même par le réalisateur (il faut avouer qu'avoir un monologue comme première scène quand on n'est pas acteur c'est pas un cadeau).

Un autre extrait nous montrait la délicieuse Dany Carel en discussion avec une copine de turbin, dans une envolée classique chez Audiard sur le métier de péripapéticienne qui n'est plus ce qu'il était (cf. Bernard Blier sur la nostalgie des anciens tenanciers de maisons closes dans Le Cave se Rebiffe et les Bons Vivants ; le rapport de gestion de Mme Maude dans les Tontons Flingueurs - c'est d'ailleurs la même actrice qui joue la femme de Blier dans les Bons Vivants).

Un dernier extrait reprenait une pensée fulgurante d'Audiard, cette fois dans la bouche de Robert Dalban, toujours aussi mauvais acteur que Jean Lefebvre (ce qui est criant quand il arrive dans un second rôle, même bref, comme dans le Pacha) mais parfait en personnage loufoque de complément (cf. les deux, évidemment, dans les Tontons). Pas la peine d'écouter le gars sortir la réplique pour en profiter pleinement d'ailleurs :
Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistro, c'est te dire si dans ma vie j'ai entendu des conneries, mais des comme ça jamais.
Truc amusant, la tirade est drôle tirée de son contexte comme un petit bijou d'Audiard, mais elle est loin d'être exploitée au maximum de son ressort comique dans le film puisqu'elle arrive en chute de quelque chose de très mal amené. Ce qui est finalement le problème général du film : des répliques d'Audiard pur jus, qui ne sont pas à leur place dans la narration et desservent plutôt le propos.

On trouve justement sur Youtube deux autres exemples très révélateurs de ce qu'est l'adaptation d'Un Idiot à Paris. Tout d'abord un n-ième monologue magistral de Blier estampillé Audiard, et celui-ci a obtenu une aura spéciale par son commentaire social, chose rare chez Audiard qui évite d'ordinaire les sujets politiques par une pirouette anarchiste (ce qui est finalement le cas ici dans la mesure où l'action renvoie dos à dos patron implacable et ouvriers dociles).

Audiard y résume bien le personnage de Monsieur Dessertine, mais face à un excellent acteur comme Blier, avec en plus du Audiard à becqueter, comment faire exister un idiot du village, qui ne peut sortir les mêmes tirades, et de surcroît joué par une serpillère comme Jean Lefebvre ?

mardi 3 septembre 2013

Le cinéma français à la niche

Le cinéma français se porte toujours aussi mal depuis le fameux top 10 100% US (semaine 32 du 7 au 13 août 2013). La sortie de Jeune & Jolie, 7ème au box-office et seul film français du top15, a contribué à un rebond de la part de marché des productions de chez nous de 9% à 11,66% !

Ozon justement, la critique attend ses films. C'est un "auteur" comme on dit chez nous depuis la Nouvelle Vaguelette, mais vous me permettrez de ne pas écrire auteur avec un grand A tellement je trouve ce mot prétentieux (pour celui qui le revendique) et pédant (pour le non moins auto-proclamé connaisseur qui semble invoquer ainsi un talent divin, donc incontestable). Ozon tente un sujet "dans l'air du temps" : les ados de la "génération Facebook", plus un angle "osé" avec la pornographie.

Un analyste des médias semble découvrir à cette occasion une attirance croissante du cinéma "mainstream" pour ce sujet précis. Mais il faut voir que déjà le fantasme du porno de qualité date de l'explosion du X. A l'époque certains se sont montés le bourrichon à y croire comme un nouveau genre à part entière. La fiscalité puis la VHS aidant, c'est resté un simple segment du marché. Le fond c'est l'hypocrisie d'un porno "plus présentable" alors que concrètement il y a toujours cette barrière.
Mais les "artistes", au delà de la vieille prétention de faire du porno artistique (cf. par ex. les expérimentations de Marc Caro et Gaspar Noé) se targuent de faire tomber cette barrière dans le sens faire un film (non-X) avec un fort contexte/contenu porno. C'est autant un avouable défi qui flatte leur ego qu'une basse tentation de mettre les pieds dans la polémique pour faire parler d'eux, leur "courage", leur "vision tranchante de la société contemporaine" blablabla.