vendredi 12 octobre 2007

La Loi de Peters-Murphy

Oui, je sais, bien malin qui trouvera la recette pour faire des entrées à coup sûr. Simplement, si on ne sait pas reproduire l'élixir du blockbuster, on arrive au moins à identifier ce qui fait qu'un film ne marche pas. A posteriori (with the benefit of hindsight) c'est plus facile, mais c'est aussi parce que c'est un vrai métier de juger sur le papier de ce qui va fonctionner ou pas une fois ajouté la dimension humaine du projet. C'est une question de capacité analytique, d'expérience et de culture qui permettent d'étoffer une vision d'ensemble qui saura s'affranchir du poids des zéros, du choc des égos.

En tant que simple spectateur je considère ainsi que les films qui se plantent à leur sortie ont en grande partie ce qu'ils méritent. En effet je distingue 3 cas de figure pour une exploitation ratée :
1. le film est raté = mauvais, bancal... il lui manque au moins un petit quelque chose
2. le film est sur-vendu = attentes suscitées au-dessus du positionnement intrinsèque du film
3. le film est mal vendu = mal mis en avant, mauvais marketing, mauvaise presse, mauvaise stratégie de distribution...

Cependant quand je vois que Sa Majesté Minor marche encore moins bien que L'ennemi intime, film complètement raté, sans intérêt autre que la photo : dur pour Annaud qui a pris des risques sur un sujet original auquel il manque juste d'être génial (que la comédie tourne vraiment à la fable politique au lieu de rester plantée dans la farce).
Je me console en me disant qu'il vaut mieux avoir un échec prestigieux, se vautrer avec panache, que de tomber directement dans les oubliettes de l'histoire du cinéma.

dimanche 7 octobre 2007

Sa Majesté le Téléchargement

Sur son blog lancé à l'occasion de la post-prod de Sa Majesté Minor Jean-Jacques Annaud a pris le temps de répondre à quelques internautes. L'un d'eux, James, s'interrogeait en août sur le téléchargement et l'intêret de ses questions consistait moins dans leur précision dans l'idée de structurer le débat que sur son point de vue totalement neutre de consommateur mis devant le fait de tarifs abusifs pratiqués par les majors et par les grosses chaînes d'exploitation.
Par exemple Minor sort le 10 octobre 2007 en France, il est certain de pouvoir le télécharger au minimum le jour même de la sortie si il n'y à pas d'avant-première.

Personnellement je suis contraint de constater que c'est quasi normal maintenant. A 10€ pratiquement la place, il est impossible de voir plus de 2 a 3 films récents par mois (il faut compter le budget dvd, internet, media vierges etc....).
La réponse de JJ Annaud est malheureusement en fichier audio mais si vous avez 5 min je vous conseille de l'écouter car le réalisateur y fait preuve d'une honnêteté et d'une franchise qui détonne dans la mauvaise foi ambiante des grosses compagnies gripsou, crispées sur leur rente de situation et osant gueuler à la mort de la création. La Création, un mot qu'elles ne comprennent d'habitude que préalablement traduit en gros chiffres et converti en produit financier affichant tel taux de profitabilité avant intérêts, impôts et amortissements.

MAJORS CONTRE MINOR

Si Jean-Jacques Annaud est honnête dans l'expression de son point de vue il n'empêche qu'il est marqué par les arguments martelés par ceux qui sont du côté du manche (et pas manches pour investir dans la communication, le lobbying, bref taper où il faut). D'abord, et on ne le répétera jamais assez, le terme de piratage ne s'applique qu'à ceux qui commercialisent des copies illégales. Annaud évoque ainsi dans un exemple Malgache l'argument que les copies pirates détruisent la création. Personne ne le nie, personne ne veut protéger les contrebandiers qui pillent sans vergogne un répertoire pour s'enrichir. Si on met la culture et la diversité culturelle sur un même plan que la santé et l'ordre publics il n'y a pas de raison de traiter les pirates avec plus d'indulgence que les trafiquants de drogue.

Le téléchargement est un problème complètement différent, qui alimente il est vrai le problème du commerce pirate dans les pays où le tarif d'une connexion ADSL, rapporté au niveau de vie des habitants, relève du luxe. Est-ce que cela veut dire qu'on devrait brider le déploiement d'Internet dans les pays les plus développés ? Évidemment c'est complètement illusoire. Les fournisseurs d'accès sont-ils malhonnêtes en vantant les performances de leurs offres qui favorisent le téléchargement massif ? Pas plus que les Majors quand elles viennent pleurer en jouant les mécènes de la création musicale et cinématographique. C'est là le point le plus douteux dans l'explication de JJ Annaud : s'il y a une lutte stratégique entre fournisseurs d'accès et fournisseurs de contenu, il n'y a pas de gentils et de méchants.

Enfin JJA conclut sur le fait que le téléchargement tue dans l'oeuf les nouveaux artistes, pas ceux, comme lui, bien installés ni les maisons de production qui ont de la ressource. Pourquoi prendre un exemple isolé et dépeindre Internet plus comme une menace mortelle que comme une opportunité formidable ? Oui il y a quelques années les jeunes artistes ne savaient pas encore comment profiter d'Internet pour se faire connaître plus vite, mieux etc. mais ce n'est plus vrai. Internet ouvre de nouveaux horizons, le téléchargement est un principe de base, disons (par provocation) un point de détail dans l'histoire de l'Internet : Internet se développe grâce au progrès technique qui permet de transférer plus de données plus vite, mais ce n'est que le socle technique. Si on s'arrête à ça il faut condamner Internet (et les esprits -nantis- les plus conservateurs ne s'en privent pas) en bloc (et en blic) et refuser tout ce qu'Internet peut apporter. On ne peut pas prendre un traitement et exiger que les effets secondaires ne se manifestent pas, il faut savoir pourquoi on suit un traitement, connaître les effets secondaires et s'y préparer. Aujourd'hui toute personne ouverte sur le monde et l'actualité des nouvelles technologies veut utiliser Internet, en profiter et y apporter sa contribution. Au milieu de tout ça les effets secondaires du téléchargement ne sont que des problèmes techniques que l'ont se doit de surmonter avec le plaisir de trouver derrière une utilisation riche au point d'être illimitée dans son potentiel.

Aujourd'hui nous sommes tous des Minor perdus face aux Majors qui veulent nous culpabiliser dans l'utilisation d'Internet qu'elles n'ont pas voulu anticiper parce qu'elles faisaient de très grosses marges sans. Internet c'est du pouvoir rendu au consommateur lambda, à lui de le saisir. Sans être une démarche réfléchie et organisée le téléchargement de mp3 ou divX participe à un mouvement général qui pousse tout le monde à être créatif, y compris les grosses boites qui somnolaient sur leur business model d'un autre âge. C'est la Guerre du Feu monsieur Annaud, une fois le feu acquis à l'humanité il n'y aura plus de raison de se battre pour des flammèches. Tout ça ne peut vraiment pas empêcher des créateurs comme vous de garder la flamme et d'espérer que d'autres viennent y allumer leur inspiration. S'il y a dans tout ça un Feu Sacré c'est Internet, et personne ne pourra l'éteindre, heureusement.